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Trois points de vue sur le discours du pape et les réactions du monde musulman
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27 septembre 2006 08:51
Trois points de vue sur le discours du pape et les réactions du monde musulman


Propos recueillis par Xavier Pellegrini
Le Temps. Mardi 26 septembre 2006

ECLAIRAGES : «Le religieux envahit l'espace public»

Philippe Borgeaud, professeur d'histoire des religions à l'Université de Genève, souligne qu'il y a toujours eu une part de violence dans les religions, à fonction sociale ou par prosélytisme.

«En matière religieuse, je suis un sceptique qui continue à se poser des questions. Comme tel, je suis très agacé par ce qui est en train de se passer. Le religieux envahit de plus en plus l'espace public, au détriment des nombreuses autres questions que nous devons nous poser sur notre monde. Nous n'en sommes pas revenus à l'époque des bûchers, mais la laïcité perd du terrain. Où cela peut-il nous conduire? Comme historien, j'ai des raisons d'être inquiet.

Si le discours de Benoît XVI et les réactions qu'il a suscitées étaient un cas isolé, ce ne serait qu'un signal d'alarme. Mais de tels incidents se multiplient et on a l'impression que certaines populations sont prêtes à faire la guerre au nom de leur Dieu.

Il y a bien sûr des raisons politiques et économiques à cela. La politique américaine dans le monde arabe et au-delà humilie les musulmans. Le post-colonialisme et le sous-développement nourrissent un grand ressentiment et une forte exaspération. Ces sentiments sont exploités et amplifiés par certains gouvernements et chefs religieux.

Face à cette situation, il faudrait calmer le jeu, aller à la rencontre des musulmans, dont la religion et la culture sont si mal connus en Occident. Au lieu de cela, on assiste ici à un durcissement dogmatique. Benoît XVI est très méfiant sur le dialogue interreligieux, comme on peut le lire dans ses ouvrages publiés alors qu'il était cardinal.

C'est un brillant intellectuel, mais il est intransigeant. Il s'en tient à la doctrine des Pères de l'Eglise: la Vérité est chez nous et pas chez les autres. Il ne peut guère faire autrement, il est vrai, sauf à révolutionner son Eglise. Mais j'ai de la peine à le croire naïf. Cet homme qui a fortement contribué à l'élaboration de la doctrine catholique devait savoir ce qu'il faisait en introduisant cette citation dans son discours.

On aurait tort toutefois de se focaliser sur l'Eglise catholique car d'inquiétantes attitudes, au sein de la chrétienté, se développent aussi dans le protestantisme américain évangéliste et missionnaire, sans oublier qu'une certaine orthodoxie renaissante semble s'être donné pour but de construire un rempart face à l'Islam.

Le judaïsme (à ne pas confondre avec Israël), qui n'est pas prosélyte, est beaucoup plus pacifique, comme le bouddhisme. Le vrai danger, c'est bien l'affrontement des deux monothéismes chrétien et musulman.

Le monothéisme, quand il est missionnaire, ou à tendance hégémonique, a un potentiel de violence beaucoup plus grand que le polythéisme. Dans celui-ci, les dieux des étrangers provoquent plutôt de l'intérêt. Jules César pouvait sans peine donner des noms romains aux divinités gauloises. De plus, la coutume, le rite sont plus importants, dans ce type de religion, que la pensée religieuse, l'exégèse, qui restent très libres. Dans le monothéisme, le dogme prend une place beaucoup plus importante et on entretient une relation plus étroite, exclusive, avec un dieu qui est devenu unique sinon jaloux. Les ingrédients sont réunis pour des chocs violents entre religions.

Cela dit, il y a toujours eu une part de violence dans les religions. Dans les sacrifices, les mises à mort rituelles, la fonction était sociale: il s'agissait de canaliser la violence latente pouvant menacer la communauté et de faire face à une caractéristique de l'espèce humaine: la violence entre ses membres.

Mais il y a une autre violence qui naît quand une religion prétend à l'exclusivité, quand elle veut imposer aux autres une vérité unique. Et comme la religion touche à l'identité la plus profonde, on se fâche très vite. Les croyances sont extrêmement fortes, et peuvent devenir dangereuses, parce qu'elles sont le lieu des certitudes les plus grandes.»

© Le Temps, 2006 . Droits de reproduction et de diffusion réservés.


ECLAIRAGES : «J'ai du mal à comprendre le raisonnement du pape»

Reda Benkirane, sociologue, auteur du «Désarroi identitaire» (Ed. du Cerf), musulman laïc, craint que la crise déclenchée par Benoît XVI détruise des décennies d'efforts de Jean Paul II.

«Sur la forme, le discours de Benoît XVI aurait-il manqué de doigté, de sens diplomatique ? Spirituellement et politiquement, son texte apparaît mal inspiré, surtout au lendemain des commémorations du 11 septembre 2001. Le pape, ses conseillers auraient dû prévoir que cette citation allait déclencher des vagues.

Sur le fond, j'avoue être surpris que ce texte, de qualité assez moyenne, vienne de la papauté, jusqu'ici très brillante dans la connaissance interreligieuse. Pour dénoncer la violence religieuse et la non-séparation entre raison et foi, pourquoi avoir extrait un sombre texte du XIVe siècle, époque justement d'un âge d'or islamique fait de rayonnements politique, culturel, scientifique et où régnait une grande tolérance?

Pourquoi n'avoir pas choisi un exemple contemporain et consensuel comme le 11 septembre? Et surtout pourquoi n'avoir pas évoqué les atrocités commises au nom de l'Eglise catholique et de la sainte inquisition? J'ai du mal à comprendre le raisonnement.

Je suis bien sûr interpellé par les manifestations violentes et démesurées qui ont eu lieu en réaction dans le monde musulman. Je les désavoue, mais on peut les expliquer: la religion est peut-être le seul capital de ces hommes déshérités et, qui plus est, certainement manipulés.

Mais cela n'excuse rien et j'entends aussi des leaders d'opinion musulmans recommander de la sérénité au sujet de cette bourde diplomatique papale. La matière religieuse est inflammable, explosive, radioactive. On travaille avec les symboles. On est en droit d'attendre d'autorités spirituelles de faire preuve de la plus grande prudence. Benoît XVI aurait-il manqué de maîtrise?

J'ai un autre souci, en tant qu'observateur des relations interculturelles et de la connaissance interreligieuse. Il se fait actuellement un travail énorme. La connaissance de l'Autre progresse, des liens sont créés, le dialogue est ouvert, des ponts sont jetés et personne ne s'interdit de tenir un discours lucide et critique! La crise diplomatique déclenchée par Benoît XVI pourrait détruire en partie les décennies d'efforts consentis par Jean Paul II qui lui, du point de vue de la stature intellectuelle et politique, reste hors d'atteinte.

De manière plus générale, cette crise s'inscrit dans la logique de l'affrontement civilisationnel mis en place depuis la fin du communisme. Pendant septante ans, on a vécu dans l'affrontement Est-Ouest. L'islam est le nouveau repoussoir métaphysique, le bouc émissaire politique. Le messianisme de Bush, sa vision biblique des enjeux géopolitiques me paraissent particulièrement inquiétants. Depuis le 11 septembre, une véritable théocratie américaine s'est mise en marche avec des conséquences terribles en Irak, au Liban et en Palestine.

Toutes les traditions sont touchées. Il n'y a pas de monopole de l'intégrisme et de l'extrémisme. Rappelons-nous que le premier ministre israélien Yitzhak Rabin, artisan de la paix avec les Palestiniens, fut abattu par un extrémiste juif. Les intégrismes tout comme les mouvements populistes naissent d'un désarroi, d'une angoisse métaphysique qui exigent des réponses simples face à la complexité croissante du monde. La tentation du repli identitaire est d'ordre instinctif. Mais avec la foi et le sacré, on touche en plus à quelque chose de profond, qui est consubstantiel à l'homme.

Au-delà de cette crise, je reste persuadé que le monde musulman s'engage sur la voie de la sécularisation, mais selon un modèle différent de celui de l'Occident. Au sein même de ce qu'on appelle encore l'islamisme, il existe des tendances très diverses, dont la plupart ne sont plus révolutionnaires, qui se sont démocratisées, modérées et, oui, sécularisées! En Turquie, le gouvernement islamiste en est un exemple frappant.

De même, les élections législatives en Palestine récemment, et au Maroc prochainement, illustrent ce que je crois être une tendance de fond. A mon sens, l'Europe devrait favoriser les expressions démocratiques dans le monde musulman plutôt que de le voir comme un monolithe.»

© Le Temps, 2006 . Droits de reproduction et de diffusion réservés.


ECLAIRAGES : «Les réactions provoquées par ce discours sont navrantes»

Le père Pierre Emonet, rédacteur en chef de la revue «Choisir», ne jette pas la pierre aux musulmans qui se déchaînent dans la rue, car ils sont manipulés.

«Le développement sur l'Islam et la violence ne représente qu'une petite partie du discours de Benoît XVI et la controverse est née d'une citation utilisée pour ouvrir un débat académique sur le rapport entre rationalité et religion. Elle ne représente pas l'opinion du pape. Son discours pose des questions légitimes qui méritent qu'on en débatte.

Mais Benoît XVI n'est plus professeur de théologie. Il est pape. A ce titre, et vis-à-vis de l'Islam, il a peut-être manqué de diplomatie en rapportant les propos de l'empereur Manuel II de la fin du XIVe siècle. S'il y tenait absolument, il aurait dû au moins les mettre dans leur contexte historique. D'autre part, il donne l'impression que le christianisme est innocent. Pour équilibrer sa démonstration, il aurait pu mentionner les violences exercées par les chrétiens, les Croisades par exemple.

Benoît XVI a une théologie essentiellement christologique et dogmatique qui explique peut-être une certaine méfiance à l'égard du dialogue interreligieux. Comme cardinal, il s'était opposé aux Rencontres d'Assise où, à l'initiative de Jean Paul II, les plus hauts dignitaires des grandes religions se sont retrouvés deux fois pour prier ensemble. Il y a chez lui une rigidité dogmatique.

Mais les réactions provoquées par ce discours sont navrantes. A partir d'une réflexion sur la tension entre violence et rationalité, on aboutit à une poussée de cette violence. Je ne jette pas la pierre aux musulmans qui se déchaînent dans la rue car ils sont manipulés. Mais je vois bien que nous courons de grands risques. Ceux qui s'en félicitent sont les fanatiques intégristes qui ne reculent devant aucune injustice pour imposer leur conception et qui veulent donner au Christ un royaume de ce monde alors que celui-ci ne l'a jamais voulu.

La religion en elle-même comporte des risques de violence puisqu'elle touche à l'absolu, au transcendant. Quand on se réfère à Dieu, c'est tout ou rien. Il n'y a plus de mesure, plus de compromis. Cela va de l'amour fou chez les saints à la violence sans mesure contre ceux qui ne partagent pas leur foi chez les fanatiques. L'Ancien Testament est plein de scènes inacceptables motivées par le zèle pour Dieu. Il y est dit: «Tu haïras ton ennemi.» Et cet ennemi, c'est celui qui a une autre croyance.

Le christianisme a renversé cette logique. L'incarnation, Dieu devenu homme, nous ramène à l'humanité, qui n'est pas un absolu, puisqu'elle s'inscrit dans une histoire, une dynamique qui dit évolution et progrès. Le christianisme admet donc une certaine médiocrité, au sens latin de mediocritas, c'est-à-dire ce qui est au milieu. Elle n'est pas une communauté de parfaits, mais de fidèles qui souhaitent progresser. Cela n'a malheureusement pas empêché de terribles injustices en grande partie dues à une mauvaise compréhension de la vocation universelle de l'Eglise, qui a justifié des conquêtes et des conversions forcées. En fait, l'Eglise est universelle parce qu'elle s'adresse à tous et qu'elle ouverte à tous.

Au concile Vatican II, l'Eglise catholique a vraiment fait son examen de conscience et reconnu que la foi exclut toute contrainte et, malgré des oppositions dans la Curie, Jean Paul II a demandé solennellement pardon pour les violences commises par l'Eglise catholique.»

© Le Temps, 2006 . Droits de reproduction et de diffusion réservés.
D
27 septembre 2006 12:28
Ce b16 est un imbécile ! Il est à la botte de l'empereur Bush.
Vivre sous occupation, c'est l'humiliation à chaque instant de sa vie ... Résister à l'occupation, c'est vivre libre !Aujourd'hui Gaza, demain Al-Qods !
 
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