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Transcription des langues africaines en caractère Arabe
k
4 juillet 2006 01:27
Projet de l’ISESCO pour la transcription des langues africaines en caractère arabe

Au septième siècle de l’Hégire, l’érudit Ibn Mandhour a déploré dans la préface de son ouvrage intitulé "Lissan al-Arab al-Mohit" la déliquescence de la langue arabe d’alors. Cinq siècles plus tard, l’érudit Dr Chawqui Daif a annoncé dans un livre l’essor de la langue arabe et son expansion.

A priori, nous sommes devant une situation paradoxale où l’histoire nous livre deux cas de figure diamétralement opposés. Mais une analyse minutieuse nous conduit à faire la part des choses et à tirer des conclusions de nature à apaiser notre perplexité.

Dans l’introduction de son livre, Ibn Mnadhour avait affirmé ce qui suit :

"j’ai composé cet ouvrage en réaction à l’état de multiplication des langues si bien qu’il est devenu courant d’accepter les incorrections langagières et de frapper de discrédit les usagers de l’arabe classique. De plus, il est devenu de plus en plus fréquent de constater un phénomène d’émulation autour de l’apprentissage des langues étrangères au grand dam de la langue d’origine. De ce constat a découlé l’idée de ce livre qui ressemble quelque peu à l’arche que Noé avait construite sous les huées moqueuses des siens"(1).

De son côté, Dr Chawqui Daif a écrit dans un livre paru en 1987 sous le titre "du patrimoine, de la poésie et de la langue" :

"l’arabe classique vit aujourd’hui une période d’essor qui lui permet de conquérir de nouvelles disciplines littéraires et de se doter de nouvelles structures stylistiques simples et scientifiques, des acquis qui lui permettent d’investir le monde de la presse écrite et prétendre en faire autant dans la radio. Je suis de ce fait persuadé que cette expansion se maintiendra avec une cadence telle que l’arabe classique prendra définitivement la place du parlé et investira tous les champs de production culturelle populaire et les espaces occupés par les parlés courants"(2).

Un simple parallèle entre la thèse d’Ibn Mandhour datant du cinquième siècle et celle de Chawqui Daif soutenue au quinzième siècle donne un aperçu de l’état actuel de la langue arabe. En le mettant en introduction de mon propos, j’ai l’intention de m’arrêter sur la situation actuelle de l’arabe, surtout à l’orée du vingtième siècle. Je m’intéresserai plus particulièrement à la période de fondation de la Ligue qui célèbre aujourd’hui son soixante-dixième anniversaire en ayant à son actif des réalisations et des acquis de taille.

Quelles que soient la posture de ses usagers et les difficultés auxquelles elle est confrontée, la langue arabe est bien portante, non seulement grâce à sa préservation en tant que véhicule du texte coranique, mais aussi grâce à l’essor qui lui a profité tout au long du vingtième siècle. L’un des traits saillants de cet essor reste sans nul doute la création de Ligues de la langue arabe dans bon nombre de capitales arabes, au premier rang desquelles nous pouvons citer la Ligue de la langue arabe au Caire, qui constitue incontestablement la plus haute autorité législative en matière de langue arabe comme mentionné dans ledit ouvrage de son président.

Au cours des sept dernières décennies, un travail inlassable a été abattu au service de la langue arabe, donnant lieu à des résultats concluants. Cependant, nous estimons que la sauvegarde de la langue arabe et sa diffusion dans les sociétés arabes et en faveur des peuples islamiques non arabophones et des communautés arabo-musulmanes expatriées ne relèvent pas de la seule compétence des structures pédagogiques, culturelles ou institutionnelles. Et pour cause, ces opérations ont pour vocation essentielle de sauvegarder l’identité arabo-musulmane dans ce qu’elle a de fondamental, à savoir la langue arabe qui constitue le socle de la culture arabe et de la civilisation islamique. Une telle entreprise revêt une importance capitale et doit figurer en bonne place dans l’œuvre globale de construction de l’avenir. De fait, la langue arabe est une pièce maîtresse de la souveraineté nationale, arabe et islamique. Loin d’être ramenée à sa seule vocation de support langagier, elle est l’incarnation même de cette souveraineté à laquelle tiennent les pays de l’ensemble arabo-islamique (3).

Inscrite au cœur même de la stratégie de préservation de la langue arabe et de renouvellement de sa mission présente et future, la protection des langues des peuples islamiques, qui se transcrivaient au départ au moyen des graphies de l’alphabet arabe, permet de sauvegarder ce riche patrimoine scientifique, théologique et littéraire qui caractérise ces langues. Source permanente de richesse pour la culture arabo-islamique, ce patrimoine était resté longtemps intact jusqu’à l’avènement du colonisateur européen. Dès son arrivée, ce dernier a œuvré à remplacer les graphies arabes par les lettres de l’alphabet latin dans l’intention de démanteler les piliers de l’identité culturelle et civilisationnelle de ces peuples qui font partie intégrante de la oumma arabo-islamique.

Comme la langue arabe est d’abord un élément central de la sécurité civilisationnelle de la oumma comme mentionné précédemment, une vigilance accrue est de mise, tout autant qu’une activité intense et une forte mobilisation des énergies et des bonnes volontés dans une logique de complémentarité, de coordination et d’activation de l’action arabe conjointe au niveau des organisations, des universités et des organismes spécialisés. A cet égard, mon sentiment est que l’Organisation islamique pour l’Éducation, les Sciences et la Culture assume une lourde responsabilité en la matière, qui s’inscrit dans les limites de ses compétences. Cette responsabilité consiste à élargir le champ d’enseignement de la langue arabe au profit des non arabophones, notamment les pays africains et islamiques et les communautés arabo-musulmanes expatriées. En outre, l’Organisation islamique pour l’Éducation, les Sciences et la Culture dispose de nombreux programmes et activités qui sont destinés à promouvoir la présence de la langue arabe dans les différents niveaux de l’enseignement arabo-islamique dans le Monde islamique, ainsi que celle des langues islamiques d’Afrique.

Par ailleurs, la langue arabe est, sans nul doute, le ciment qui unit les peuples arabes et islamiques ayant apporté leur contribution à l’essor de la culture arabo-islamique. De ce fait, elle doit constituer la substance et l’essence de toute entreprise visant à forger des positions consensuelles arabes et islamiques. N’est-elle pas la langue du saint Coran et le support de la culture arabo-islamique? C’est de là que découle l’importance capitale de toute œuvre dédiée à la promotion de la langue arabe, à sa diffusion et à son enseignement au profit des ressortissants non arabophones des peuples islamiques. Ce sera le gage nécessaire pour la sauvegarde de la sécurité culturelle et civilisationnelle de la oumma arabo-islamique.

Eu égard au développement précédent, nous nous convainquons que la promotion de la langue arabe est une question vitale, une affaire de souveraineté et un axe central du système arabo-islamique qui prend appui sur les termes de référence de l’action arabo-islamique commune incarnée par les structures mères que sont la Ligue des Etats arabes et l’Organisation de la Conférence islamique. C’est là une question extrêmement cruciale pour le présent et l’avenir de la oumma.

Réceptacle de la culture islamique, la langue arabe est le meilleur outil pour assimiler le sens des préceptes de l’islam. C’est également la seule langue au monde qui soit organiquement liée au substrat religieux. Langue de l’islam, elle l’est aussi du saint Coran et du prophète Mohammed, paix et salut sur lui. La langue arabe était également parlée par les compagnons du prophète, qu’Allah les agrée, ceux-là même qui ont façonné l’histoire de l’islam et conquis les contrées les plus lointaines pour prêcher la parole de Dieu(4). Le patrimoine arabo-islamique, moulé dans cette langue, a été le fait d’illustres savants de la oumma arabo-islamique. Le fait que la plupart d’entre eux n’étaient pas arabophones ne les avait pas empêchés de composer dans un arabe raffiné les plus belles œuvres maîtresses de la civilisation islamique.

Compte tenu de cette intime corrélation entre islam et langue arabe, la promotion de cette langue, sa diffusion sur une large échelle et sa consécration comme une langue à enseigner impérativement tant dans les pays islamiques que dans les pays non islamiques qui accueillent des communautés musulmanes, sont devenus autant de devoirs à remplir pour servir l’islam en tant que foi, culture et civilisation. De ce fait, l’action islamique internationale, dans ses multiples canaux officiels et populaires et dans ses vocations pédagogiques et culturelles, est intimement liée à l’œuvre de diffusion de la langue arabe, notamment pour les non arabophones. Une telle démarche se propose de consacrer la présence de la culture islamique, de renforcer la solidarité islamique et de raffermir les liens culturels et civilisationnels qui existent entre les musulmans. Le tout est fait dans le but ultime de susciter un esprit de responsabilité collective chez les musulmans par rapport à leur religion, à leur culture, à la langue du saint Coran, à leur oumma et à son rôle au présent et à l’avenir.

La création de l’Organisation de la Conférence islamique a annoncé la mise en place d’un système islamique international qui soit l’incarnation de l’idéal de la solidarité islamique. Elle fournit aussi les moyens appropriés qui aident à servir les intérêts de la culture arabo-islamique dans un esprit pluridisciplinaire et multiforme. Le principal objectif assigné à cette structure consiste à promouvoir le développement global du Monde islamique dans le respect des normes du droit international. La nouvelle Organisation n’a pas attendu longtemps pour mettre au point les mécanismes de l’action islamique internationale, par l’ouverture de nouveaux canaux qui se sont renforcés au fil du temps grâce à la mise en place d’organisations, d’agences, de centres et d’universités islamiques. Citons en l’Organisation islamique pour l’Éducation, les Sciences et la Culture qui s’est donné pour principale tâche de promouvoir la diffusion et l’enseignement de la langue arabe dans le monde islamique et ailleurs en déployant les techniques pédagogiques modernes. Dans son action, elle est animée de l’intime conviction que le développement de l’éducation, de la science et de la culture, inscrit au cœur même de son entreprise globale de développement du Monde islamique, passe nécessairement par l’enseignement à grande échelle de la langue arabe et par la mobilisation d’une batterie de moyens modernes. Elle est également persuadée que la diffusion de la culture islamique et la généralisation de l’enseignement islamique sont tributaires de la consolidation de la langue arabe à travers un large processus de vulgarisation auprès des différentes catégories d’apprenants (5).

Depuis sa création en 1982 à ce jour , l’Organisation islamique pour l’Éducation, les Sciences et la Culture a inscrit l’enseignement de la langue arabe aux non arabophones dans ses plans d’action successifs. Dans ce domaine, elle a parcouru un long chemin jalonné de réalisations satisfaisantes et continue d’œuvrer dans ce sens en coopération et en coordination avec les Etats membres, les organisations et les institutions arabo-islamiques qui partagent la même vocation. Elle a ainsi tiré parti de l’expertise cumulée par les structures qui l’ont devancée dans ce secteur vital.

Aux fins d’enseignement de la langue arabe aux non arabophones et de revivification des langues des peuples islamiques par leur transcription au moyen des caractères arabes, l’Organisation islamique pour l’Éducation, les Sciences et la Culture adopte une approche scientifique centrée autour des axes suivants :

- Premier axe : planification des programmes d’enseignement et élaboration des manuels propres à l’enseignement de la langue arabe aux non arabophones.

- Deuxième axe : Formation des enseignants de la langue arabe et de l’éducation islamique et organisation de stages de formation en leur faveur.

- Troisième axe : transcription des langues des peuples islamiques par le caractère arabe(6).

- Concernant le dernier axe, nous jugeons nécessaire d’en exposer la teneur dans le détail parce qu’il est l’objet même de cette étude.

Dans son œuvre visant la diffusion de la langue arabe sur toute l’étendue du monde islamique, l’Organisation islamique part essentiellement du fait que la langue arabe était largement répandue dans plusieurs contrées africaines et asiatiques avant l’avènement de la période coloniale au cours de laquelle un travail de sape a été mené systématiquement sur les assises culturelles du Monde islamique. Rappelons à cet égard que quelques unes des langues nationales en Asie et en Afrique se transcrivaient à l’époque en caractères arabes(7). C’est là une réalité qui donne la juste mesure de la présence culturelle arabo-islamique dans ces régions. Cet état de fait a changé avec l’entrée en jeu des puissances coloniales qui se sont empressées de miner les fondements de l’identité culturelle et civilisationnelle des peuples islamiques d’Afrique et d’Asie. Le stratagème employé a consisté à substituer les graphies latines aux caractères de l’alphabet arabe aux fins de transcription de ces langues nationales. Cette manoeuvre coloniale a eu pour effet d’effacer toute présence du caractère arabe dans ces contrées islamiques, ce qui était un élément clé de la conspiration ourdie par le colonisateur contre la culture arabo-islamique.

Consciente des données précitées, l’ISESCO a mis au point un programme ambitieux pour la réintroduction des composantes de l’identité arabe dans la plupart des langues des peuples africains islamiques qui ont été visés par le complot colonial européen. Cet objectif est réalisé au moyen de la transcription des langues nationales de ces peuples en caractère arabe. Cela se fait dans le cadre d’un long processus technique et éducatif dont la première tranche a été brillamment franchie par l’ISESCO et qui a consisté en la transcription standardisée de vingt et une langues parlées par les peuples musulmans d’Afrique.

Traiter des langues africaines n’a jamais été une sinécure pour les spécialistes : les langues usitées en Afrique avoisinent les cinq cent et sont parlées par près de deux cent millions d’Africains des régions subsahariennes tropicales(8) . Bien souvent, les textes littéraires produits en langues africaines ont pour commun dénominateur de présenter leurs introductions, conclusions et commentaires en langue arabe. De même que cette littérature qui fait la part belle aux termes arabes adopte des règles prosodiques et syntaxiques de la langue du Coran et se plie même à quelques unes de ses contraintes linguistiques(9).

Les langues africaines dont l’écriture a été standardisée par l’usage du caractère arabe - suivant un système qui tient compte de ses caractéristiques phonétiques- et qui s’écrivaient, par ailleurs, en lettres arabes avant l’invasion européenne, sont les suivantes :

1- le tamasheq

2- le pular/fulfulde

3- le haoussa

4- le soninke/sarakolé

5- le mandingue

6- le sosso

7- le danouri

8- le songhoy/zarma

9- le wolof

10- le yoruba

11- le swahili

12- le dinke

13- le comorien

14- le oromo

15- le louganda

16- le lougbara

17- le tajrini

18- le nobia

19- le somalien

20- le zagawiya

21- l’alamba/ woday

Pour concrétiser ce projet civilisationnel, l’Organisation islamique pour l’Éducation, les Sciences et la Culture s’est fixé les cinq objectifs suivants :

Premièrement : mettre au point un caractère arabe techniquement et phonétiquement élaboré en l’adaptant de manière scientifique à l’écriture des langues des peuples islamiques.

Deuxièmement : sauvegarder le patrimoine civilisationnel des peuples islamiques et développer leurs langues et leurs cultures afin de leur permettre d’être au diapason du développement des sciences et de la technologie et de l’évolution des moyens de communication.

Troisièmement : établir un lien entre les différentes langues africaines par la mise en application d’un caractère arabe standardisé; les mettre ensuite en relation avec la langue du Saint Coran et créer, enfin, les moyens qui permettront la communication et l’échange culturel entre ces différentes langues.

Quatrièmement : réduire l’influence des langues étrangères introduites chez les peuples musulmans d’Afrique et les débarrasser progressivement de la domination politique, culturelle, intellectuelle et économique étrangère.

Cinquièmement : lutter contre l’analphabétisme qui bat son plein au sein des populations islamiques en développant leurs langues et en les transcrivant suivant une approche culturelle qui cadre avec les fins identitaires de ces peuples. Pour ce faire, il convient de suivre une méthode pédagogique fondée sur l’usage de la langue nationale dans le processus d’apprentissage dans la mesure où celle-ci constitue le moyen le plus adéquat, le moins coûteux et le moins détourné pour atteindre cet objectif.

A cet effet, l’Organisation islamique pour l’Éducation, les Sciences et la Culture se propose de suivre la méthodologie suivante :

- Déterminer la fréquence des traits distinctifs des phonèmes non arabes dans les langues africaines, objet de l’étude, afin de pouvoir mettre au point des machines capables de transcrire ces langues en caractères arabes.

- Déterminer les caractères adoptés en se basant sur une analyse scientifique des traits phonologiques ainsi que sur une analyse de la forme originelle des phonèmes avant de les soumettre à une analyse globale qui permettra d’obtenir des unités phonétiques bien différenciées pour chaque langue concernée.

- Établir les signes scripturaux en tenant compte du facteur pragmatique, historique, pédagogique et esthétique.

- Renouveler les phonèmes distingués et les caractères de quelques sons spécifiques, notamment les consonnes sourdes gutturales.

De fait, il s’agit là d’un projet civilisationnel d’une importance et d’une portée telles qu’il permettra une large diffusion de la langue arabe et réalisera l’un des objectifs stratégiques du développement culturel et de l’édification civilisationnel dans les pays du monde islamique. Pour autant, c’est un projet de longue haleine qui s’inscrit dans la continuité. Il n’arrivera à son terme que si les langues des peuples musulmans d’Afrique recouvrent complètement l’usage du caractère arabe originel, jadis occulté par le colonisateur pour des raisons d’hégémonie culturelle.

C’est, au demeurant, un projet qui appelle un effort concerté ; il ne peut, en aucun cas, être mené à bien par une seule et unique partie. Aussi, une action fondée sur la coopération et la coordination a-t-elle été engagée par l’ISESCO en collaboration avec plusieurs organisations et institutions islamiques et arabes, notamment la Banque islamique de Développement qui, en sus de ses compétences dans les secteurs financier et économique ne laisse pas de s’intéresser au fait culturel et éducatif.

La collaboration entre l’ISESCO et l’Institut des Recherches et des Études d’arabisation à Rabat, a fructifié cette importante action culturelle en mettant au point une nouvelle machine à écrire pour la transcription des langues dont les caractères ont été standardisés. Cette importante invention qui apporte du nouveau à l’imprimerie arabe s’ajoute à l’invention de l’Organisation islamique qui a conçu des caractères arabes d’imprimerie pour l’impression des livres, journaux, revues et autres documents en langues africaines.

Consentis avec persévérance et abnégation suivant un programme et une méthodologie bien étudiés, ces efforts sont de nature à favoriser la diffusion du caractère arabe, élément essentiel dans l’enseignement de la langue du Coran et sa promotion auprès des cercles non arabophones.

Sous peu que ce projet soit concrétisé dans un deuxième temps, dans la région d’Asie centrale, l’ISESCO aura atteint l’un des objectifs culturels et civilisationnels fondamentaux de son action.

Parallèlement à ce projet, l’Organisation islamique pour l’Éducation, les Sciences et la Culture a mis au point trois dictionnaires bilingues (arabe/langues africaines) comme suit :

1- un dictionnaire arabe-fulani

2- un dictionnaire arabe-haoussa

3- un dictionnaire arabe-comorien

Par ailleurs, dans le cadre de ce grand projet, l’Organisation islamique a publié trois ouvrages qui présentent les langues africaines islamiques des points de vue historique et phonétique :

1- un ouvrage sur l’histoire de la langue haoussa

2- un ouvrage sur l’histoire du swahili

3- un ouvrage sur la phonétique des langues des peuples islamiques en Afrique : le haoussa, le fulani et le swahili.

Ces efforts ont été couronnés par la publication d’une série d’ouvrages dédiés à des langues des peuples musulmans d’Afrique et à l’alphabétisation par ces l’usage de ces langues.

Il s’agit des ouvrages suivants :

1- L’enseignement de la langue fulfude par l’usage du caractère coranique.

2- Méthode d’alphabétisation en langue haoussa par l’usage du caractère coranique.

3- Méthode d’alphabétisation en langue fulani écrite en caractère coranique

4- Méthode d’alphabétisation en langue comorienne écrite en caractère coranique.

L’Organisation islamique a, par ailleurs, publié deux documents sur la langue, la littérature et la culture arabo-islamiques en Somalie :

1- la langue arabe en Somalie

2- la littérature somalienne contemporaine ;

D’autres dictionnaires (arabe-langues africaines) seront progressivement mis au point jusqu’à couvrir l’ensemble des vingt-et-une langues africaines concernées par le projet de l’ISESCO.

L’élaboration de ces dictionnaires a pris appui sur la méthodologie scientifique développée dans ‘la lexicographie pour non arabophones’, elle tire parti également de l’expérience accumulée par l’Organisation islamique pour l’Éducation, les Sciences et la Culture dans le domaine de la méthodologie lexicographique prenant en compte les contenus, les sources, le corpus linguistique et la catégorie des apprenants.

L’influence considérable de l’islam sur les peuples islamiques non arabophones se confirme à travers l’histoire. Car, en plus du caractère arabe, ces peuples ont emprunté à la langue du Coran une quantité de termes et de vocables.

De surcroît, l’écriture arabe fut le seul moyen utilisé pour communiquer en matière de religion, de commerce et de transactions sociales. Cette situation a prévalu dans une aire géographique très vaste, allant des toute premières provinces d’Afrique centrale jusqu’aux plus reculées de ces régions. Dans l’extrême sud africain, l’écriture arabe fut utilisée par les immigrés malayou. On en infère que la diffusion du caractère arabe s’est faite en parallèle avec celle de la civilisation islamique(10).

Le caractère typographique arabe a longtemps constitué pour les peuples musulmans d’Afrique un moyen de résistance efficace qui leur a permis de tenir tête au colonisateur avant que la faiblesse n’eût raison d’eux et qu’il ne succombent à l’expansion coloniale à partir du dix-neuvième siècle. De fait, l’un des éléments de force de ces peuples est de renouer avec leur culture et à leur civilisation d’origine à travers la réhabilitation du caractère arabe dans l’écriture de leurs langues.

A cet égard, je trouve fort opportun de citer l’orientaliste français Jacques Bercque, membre de l’Académie de la langue arabe au Caire et qui a longtemps séjourné dans les pays du Maghreb, notamment au Maroc. Jacques Bercque dit : "la langue arabe et plus précisément l’arabe classique fut un puissant moyen de résistance contre la colonisation française au Maroc. C’est l’arabe classique qui a empêché l’assimilation du Maroc à la France. De même que c’est le classicisme arabe qui a servi de soubassement à l’authenticité algérienne et fut l’un des facteurs qui a permis la survie des peuples arabes(11).

La réhabilitation du caractère arabe dans les langues des peuples musulmans d’Afrique est une responsabilité que l’Organisation islamique pour l’Éducation, les Sciences et la Culture assume au nom du monde islamique. Mais si elle se fait un honneur d’être aux commandes de cette noble mission, l’Organisation appelle toutes les parties soucieuses de l’avenir et de la culture de la Oumma à s’engager à ses côtés dans le cadre d’une collaboration fructueuse et d’une complémentarité constructive.


Source:
[www.isesco.org.ma]



Modifié 1 fois. Dernière modification le 06/07/06 21:09 par kiokiopa.
Mzine mdihek ma kifou tjara ya rssoul allah!!!!
k
6 juillet 2006 22:36
Question :

Le texte coranique est en langue arabe. Quelle est l'origine de cette langue ? On dit que le Prophète Ismaël (sur lui la paix) parlait déjà l'arabe. Or il a vécu au deuxième millénaire avant l'ère chrétienne. Ismaël parlait-il le même arabe que celui que parlait le Prophète Muhammad (sur lui la paix) – qui pour sa part a vécu au septième siècle de l'ère chrétienne – ou bien parlait-il une version ancienne ?


Réponse :

La langue arabe appartient à la famille des langues sémitiques, classée dans le groupe dit méridional.

Les historiens arabes écrivent que, dans la péninsule arabique de l'Antiquité, se trouvaient deux types d'Arabes : il y avait les Arabes Yactanides ou Jectanides ("al-'arab al-qahtâniyya"winking smiley, habitant surtout le Sud de la péninsule, et il y avait les Arabes Adnanites ("al-'arab al-'adnâniyya"winking smiley, dont l'habitat principal était le Centre et le Nord de la péninsule.

Les historiens arabes relatent également que Agar et Ismaël furent laissés dans une vallée de la péninsule arabique par Abraham – respectivement mari et père pour eux – et qu'une source d'eau jaillit ensuite dans cette vallée. Un groupe de nomades d'ascendance yactanide, les Jur'hum, passant dans les environs et remarquant la présence d'eau, s'approcha et décida de s'installer lui aussi sur les lieux. C'est ainsi que la cité de La Mecque fut fondée. Si Abraham était mésopotamien et Agar égyptienne, Ismaël, lui, apprit "al-'arabiyya" [apparemment une sorte de proto-arabe – je vais en dire un mot plus bas] des Jurhum, au milieu desquels il vivait. C'est également chez les jur'humites qu'il se maria et c'est ainsi que naquirent ses enfants (tout ceci figure dans la parole de Ibn Abbâs rapportée par Al-Bukhârî, n° 3183). Les historiens arabes classent donc les Arabes en deux catégories principales : les "'arab musta'riba" – les Arabes descendant de Ismaël –, et les "'arab 'âriba" – les Arabes descendant de peuples présents dans la péninsule avant que Ismaël ne s'y installe.

Ces classifications correspondent-elles à la réalité ou non, c'est un autre débat. Ce qui est certain c'est qu'au Sud, on parlait surtout des dialectes "sudarabiques" (comme le sabéen), tandis qu'au Nord on parlait des dialectes "nordarabiques". Une différence certaine existait entre la langue nordarabique – à partir de laquelle s'est formée l'actuelle langue "arabe" – et la langue sudarabique – à partir de laquelle se sont formées les actuelles langues soqotri, jibâlî. La langue arabe dans laquelle le texte coranique est écrit est issue des dialectes nordarabiques uniquement.

# Pour les linguistes occidentaux contemporains, si les langues sudarabiques appartiennent, avec les langues nordarabiques, au groupe méridional des langues sémitiques, elles ne sont en revanche pas considérées comme "arabes".

# En revanche, les anciens historiens arabes considéraient aussi bien les populations nordarabiques que les populations sudarabiques comme étant "arabes".

# En fait il n'est pas impossible que la langue que Ismaël avait apprise des Jur'hum ait été un dialecte d'une sorte de "proto-arabe" parlé ici et là dans la péninsule, et que ce soit ce "proto-arabe" qui ait constitué le socle du groupe méridional (de la famille des langues sémitiques), certains dialectes de ce groupe devant ensuite évoluer et donner les langues nordarabiques, d'autres dialectes devant donner les langues sudarabiques. Ce "proto-arabe" parlé au temps de Ismaël partout dans la péninsule serait alors l'ancêtre non pas seulement des langues nordarabiques mais aussi des langues sudarabiques.

Il ne faudrait pas oublier que la distinction entre langue, dialecte et patois n'est pas d'ordre linguistique mais uniquement social : "Linguistiquement parlant, un dialecte est une forme d'une langue possédant un système lexical, syntaxique et phonétique propre et qui est utilisée dans un environnement plus restreint que la langue. Contrairement à la langue par rapport à laquelle il s'est développé, le dialecte n'a pas acquis le statut culturel, institutionnel et social qu'a cette langue. On distingue généralement dialecte de patois et cette distinction n'est pas d'ordre linguistique mais social" (Le Robert Dictionnaire historique de la langue française, "dialecte"winking smiley.
En effet, à l'origine il y a une même langue parlée par un ensemble de personnes donné. Ce groupe étant venu à s'agrandir, certains petits groupes s'en détachent et s'installent dans des régions relativement distinctes l'une de l'autre. Là, au contact de peuples différents et à cause du relatif éloignement des uns par rapport aux autres, différents parlers de la langue mère apparaissent. Si aucun événement extérieur ne vient empêcher le processus, les parlers différents deviennent bientôt des dialectes différents, celles-ci devenant ensuite des langues différentes.
Ainsi, c'est le latin vulgaire parlé dans différentes provinces de l'empire romain qui a évolué en différents parlers ; ces parlers différents ont donné des dialectes différents, qui eux-mêmes sont devenus des langues différentes ("les langues romanes"winking smiley. Dans le territoire de l'actuelle France régnait le dialecte "gallo-roman", dont plusieurs formes s'étaient développées : la langue d'oïl (parlée dans le Nord), la langue d'oc (parlé dans le Sud), et le franco-provençal (parlé dans le Centre-Est). A partir de divers dialectes d'oïl (donc de dialectes du Nord) se sont formés, aux dires de certains spécialistes, le parler dit "le roman" (qui devait lui-même donner l'ancien français), mais aussi les parlers picard, gallo, francien, lorrain, angevin, etc. Un de ces parlers, après avoir émergé, a donc été a posteriori nommé "le français", à l'exclusion des autres.
De plus, à l'intérieur même de ce parler devenu dialecte dominant ("le roman", devenu ensuite l'ancien français, le moyen français, etc.), plusieurs parlers existaient ; mais les codifications linguistiques (Malherbe, Vaugelas) et l'instruction généralisée par l'obligation scolaire (Jules Ferry) ont tout uniformisé.

Eh bien il se pourrait que, de la même façon, la langue que Ismaël avait apprise d'une tribu du Sud de l'Arabie ait été un "proto-arabe" ; que plusieurs parlers de ce proto-arabe aient existé dans la péninsule ; que deux formes de ces parlers aient par la suite émergé : nordarabique et sudarabique ; que ces deux parlers soient peu à peu devenus assez distincts l'un de l'autre au point d'être considérés comme deux dialectes différents, puis, développant à leur tour en leur sein différents parlers devenus dialectes – celui de Quraysh, de Assad etc. pour le nordarabique, et celui de Saba, de Himyar etc. pour le sudarabique – soient devenus deux langues différentes ; etc. Il se pourrait qu'ensuite le nordarabique se soit imposé à presque toute la péninsule, au détriment des langues sudarabiques, au point que ces dernières n'aient par la suite plus été considérées comme des langues "arabes" (exactement comme ce fut un dialecte du proto-français qui s'est imposé aux autres dialectes existant sur le territoire de France au point de mériter par la suite lui seulement le statut de langue française).

Et puis, exactement comme à l'intérieur du français plusieurs patois coexistaient, à l'intérieur du "nordarabique" différents dialectes (lughât) coexistaient dans la péninsule arabique : il y avait d'abord les différences dialectales, existant entre l'arabe de la région du Hedjaz et celui de l'Arabie orientale (Nadjd), etc. (comparables aux différences existant entre langues d'oïl et d'oc et au franco-provençal)… Et puis, à l'intérieur de ces grands dialectes, il y avait les différences existant entre les parlers des différentes villes ou tribus d'une même région (par exemple entre celui des Quraysh et celui des Hawâzin à l'intérieur de la région du Hedjaz, etc.) (différences comparables à celles existant entre les différents parlers qui existaient à l'intérieur de la langue d'oïl). Et exactement comme les codifications linguistiques et la scolarité obligatoire ont uniformisé (quasi-totalement) la langue française, la révélation du Coran, l'islamisation de la péninsule arabique et la conquête de pays voisins par les premiers musulmans – majoritairement des Arabes – ont uniformisé les différents dialectes et parlers existant à l'intérieur même du nordarabique. Ceci a donné ce qu'on appelle aujourd'hui l'arabe classique.

Le penseur Ahmad Amîn a écrit quatre points qui peuvent être relevés à propos du sujet qui nous concerne ici :
1) Les Arabes Lakhmides et Ghassanides, habitant le Nord de la péninsule, étaient originaires du Yémen, au Sud [ils étaient donc Jectanides].
2) Des historiens compétents d'hier et d'aujourd'hui affirment que la langue parlée au Yémen était différente de celle parlée au Hedjaz.
3) Pourtant, la langue parlée par les Lakhmides et les Ghassanides, bien que différente de celle du Hedjaz, ne lui était pas complètement étrangère.
4) Ceci s'explique par le fait que tous les dialectes et accents arabes avaient une même origine, et que c'est à partir de cette origine commune que ces dialectes s'étaient ramifiés (d'après Fajr ul-islâm, p. 23).

La langue qui est utilisée dans les Serments de Strasbourg (an 843) présente, par rapport à la langue française actuelle, des différences telles qu'un francophone d'aujourd'hui n'y comprend absolument rien ; de plus, la langue qui y est employée est autant proche du français actuel que d'anciens autres dialectes "gallo-romans" ; pourtant, certains spécialistes ne voient aucun mal à ce que l'on dise de ces Serments de Strasbourg qu'ils constituent le premier texte écrit en français. Pourquoi, alors, ne pourrait-on pas dire que la langue que Ismaël a apprise était elle aussi "al-'arabiyya", c'est-à-dire un proto-arabe présentant certes des différences par rapport à la langue arabe qui sera parlée VIIème siècle (à l'époque de Muhammad, sur lui la paix) mais étant un stade ancien non seulement des langues nordarabiques mais aussi des langues sudarabiques ?

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).
Mzine mdihek ma kifou tjara ya rssoul allah!!!!
 
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