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la these de l origine berber.
J
19 septembre 2005 20:05

"La thèse de l’origine proche-orientale des Berbères ne peut plus être admise"
Les origines des Imazighen sont nord-africaines. Africaines...




Vu le débat qu’a suscité la lettre ouverte de Mlle. Djama, nous publions un extrait de l’ouvrage de Malika Hachid qui traite en particulier des origines des Imazighen, un point de vue auquel adhère, bien entendu, notre Rédaction.<br>


Si pendant longtemps, nous étions confrontés à plusieurs hypothèses sur l’origine des Imazighen, aujourd’hui la recherche scientifique et les dernières découvertes en matière d’archéologie et préhistoire nous permettent de voir plus clair et d’éliminer certaines hypothèses qui ne semblent plus fondées. Parmi ces hypothèses celle qui fait venir Imazighen du Moyen Orient. Il est évident que cette hypothèse sert énormément les tenants de l’idéologie arabo-musulmane.




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Introduction.


Protoméditerranéens de la préhistoire, Libyens et Garamantes de l’Antiquité, Berbères du Moyen Âge, enfin, Imazighen actuels : telle est l’extraordinaire permanence de l’histoire du peuple berbère, comme l’exprime avec justesse Gabriel Camps qui, assisté d’une équipe de collaborateurs, lui consacre une magistrale encyclopédie berbère.


Le véritable nom des Berbères est Amazigh, au pluriel Imazighen. Sa racine est construite sur un radical constitué des lettres Z GH ou Z Q et remonte au moins à l’Antiquité. Elle se retrouve chez les Maxyes d’Hérodote, les Meshweswh des inscriptions égyptiennes, les Imouhagh des Touaregs, les Imagighen de l’Air, lesImazighen du Rif et du Haut Atlas.


« Au niveau sémantique, de nombreux chercheurs ont pensé et écrit qu’Amazigh signifiait "homme libre, noble" (ce qui est du reste le cas de beaucoup de noms d’ethnies dans le monde) [...]. Elle n’est pourtant certainement pas fondée... » (Chaker S. 1987, p. 566-567) et le sens précis de ce terme... reste donc à découvrir.


Dans un précédent ouvrage, nous avons esquissé l’apparition des Berbères du Sahara central, plus précisément dans l’art préhistorique du Tassili des Ajjer, avec les Protoberbères Bovidiens (Hachid M. 1998). Reconstituer le peuplement préhistorique du Sahara fut l’un des objectifs de ce travail, mettre en valeur sa contribution au progrès de l’humanité, le fil conducteur. Longtemps, de la Méditerranée orientale au golfe Persique, l’incontournable Croissant fertile fut considéré comme le seul centre fondateur de la civilisation de l’Ancien Monde. À partir du Proche-Orient, les changements fondamentaux engendrés par le Prénéolithique et le Néolithique - notamment l’agriculture - ont été transmis à l’Europe, par les voies du bassin du Danube et celle de la Méditerranée occidentale. Bien sûr, c’est en tout dernier lieu que l’on considérait que le continent africain allait à son tour en bénéficier.


Tel est certes le cas pour l’Europe, mais pas pour l’Afrique.


Le Croissant fertile ne fût pas le seul pôle de civilisation.


Le Sahara central en fut un autre. Si penser l’Afrique, c’est rejoindre la quête des origines de l’homme, penser le Sahara, c’est rejoindre celle des origines civilisationnelles. Les innovations économiques et culturelles qui y naquirent, parfois avant même celles du Proche-Orient, comme l’invention de la poterie, par exemple, et de tout un fonds symbolique et mythologique, jouèrent le rôle d’une matrice civilisationnelle qui apporta progrès et spiritualité aux hommes tant en Afrique que sur les rives de la Méditerranée. Aujourd’hui, de plus en plus, il apparaît qu’un fonds culturel africain, au centre de ce vaste Sahara, n’a pas été sans influence sur ses régions périphériques, et notamment certaines cultures de la vallée du Nil.


Le présent ouvrage se situe dans la continuité chronologique et historiographique du précédent ; il défend les mêmes principes valorisants de réécriture de l’histoire. Il raconte essentiellement l’histoire des premiers Berbères du Sahara, depuis leur apparition dans les derniers millénaires de la préhistoire jusqu’à la veille de l’islam en passant par l’Antiquité. Ce sont d’abord les Protoberbères de la préhistoire, ces élégants pasteurs et chasseurs, puis, les Paléoberbères, Libyens et Garamantes de l’Antiquité, cavaliers et conducteurs de chars émérites. Leurs successeurs des temps médiévaux et modernes, les grands chameliers Sanhadja, les futurs Touaregs, complètent le long cheminement historique de ce groupe qui résistera à toutes les adversités. La plus éprouvante fut celle de survivre à l’âpreté du désert où le choix de rester libre, souvent, le guida.


Au Sahara, la reconstitution de ce long cheminement historique doit presque tout à l’archéologie, et notamment à l’art rupestre, ainsi qu’aux monuments funéraires de ces anciens Berbères. Elle le doit aussi aux précieux témoignages de l’art et des chroniques de l’Egypte prédynastique et pharaonique, des auteurs gréco-latins, à des éléments historiques émanant du Proche-Orient, du monde égéen, des empires carthaginois et romains. Les premiers Berbères du Sahara ne vivaient pas isolés dans leurs rochers : ils n’ignoraient pas le tumulte du monde méditerranéen et souvent y participèrent, allant parfois jusqu’à mettre en danger la puissante Egypte des pharaons et à présider à la destinée de cet empire.


Nous ne pouvions décrire les Protoberbères du Sahara sans nous trouver confrontée à la question fondamentale de l’apparition des Berbères, sachant que les traces les plus anciennes de ce peuple se trouvent au Maghreb. Aujourd’hui, les grandes lignes d’une théorie synthétique des origines des Berbères se dessinent par la convergence de trois disciplines auxquelles nous aurons successivement recours : la paléontologie humaine, la linguistique historique et l’archéologie (l’avenir exigera qu’une troisième voie soit exploitée, celle de la génétique).


Les données de ces disciplines concourent de plus en plus à démontrer que la berbérité émerge au Maghreb, il y a environ... 11 000 à 10 000 ans ! Si, comme nous allons le voir, l’origine proche-orientale qu’on a longuement prêtée aux Berbères est aujourd’hui caduque, celle de leur identité et de leur culture est assurément autochtone. Pour notre part, nous défendrons une position plus nuancée : les ancêtres les plus lointains des Berbères sont de pure souche africaine, mais ils sont déjà mixtes. Les uns, les Mechtoïdes, sont strictement autochtones du Maghreb ; les autres, les Protoméditerranéens Capsiens, sont arrivés sur les rives de la Méditerranée à une époque si reculée de la préhistoire que se poser la question de savoir s’ils sont étrangers ou non perd tout son sens. Ces deux groupes vont s’interpénétrer anthropologiquement et culturellement à tel point que l’on peut affirmer que la berbérité en tant qu’identité et culture s’est forgée sur la terre d’Afrique du Nord et nulle part ailleurs.


Le recouvrement de l’identité dans ses racines les plus profondes est un travail de mémoire avant d’être un devoir, un travail que l’historien se doit de mener objectivement et avec responsabilité. Faire une synthèse de cette mémoire, découvrir comment celle-ci, par certains aspects, peut continuer de fonctionner dans le présent en quelques endroits de cette vaste Berbérie, fut un exercice qui nous révéla beaucoup de surprises tant sur le terrain que plume à la main.


Dans un monde où les marchés règnent en maîtres, on oublie que la vraie richesse d’une nation se mesure à celle de son niveau de savoir, et ce savoir passe par sa mémoire. Toutefois, cette mémoire ne saurait être un "barricadement" identitaire car l’Afrique du Nord, dès sa passionnante préhistoire, était déjà une terre multi-culturelle, riche de sa diversité ethnique, comme le montre le Néolithique saharien, par exemple, où Noirs, Blancs et Métis, langue et religions diverses, se côtoyaient sans qu’il y ait guerre mondiale. Aujourd’hui, cela s’appellerait une nation.


Dans le cadre de notre travail, la réécriture de l’histoire ancienne des Berbères était inévitable : nous aborderons les raisons pour lesquelles certaines idées, certaines conceptions ainsi qu’une terminologie, anciennes et surtout orientées, ne peuvent plus avoir cours, car elles sous-tendent une approche subjective de l’histoire des peuples des rives sud de 1a Méditerranée, trop souvent sous-évaluée par rapport à celle des rives nord. La diffusion civilisationnelle systématiquement orientée du nord vers le sud, cette écriture victime d’un dialogue nord-sud historique et européo-centrique ne peuvent plus être admises. Le changement ne peut que s’inscrire dans une terminologie nouvelle, plus précise et plus juste, dans une réécriture exprimant les connaissances à travers des critères et des conceptions objectifs.


IL Y A l 000 à 10 000 ANS, LES PREMIERS BERBÈRES DE L’AFRIQUE


LES FOSSILES HUMAINS


La thèse de l’origine proche-orientale des Berbères ne peut plus être admise


Comme l’a très justement souligné Olivier Dutour, médecin et anthropologue : « C’est en effet sur un nombre très réduit de fossiles humains que reposent les connaissances de l’aspect physique des populations d’Afrique septentrionale au Pléistocène* supérieur (voir glossaire), nombre qui se réduit à zéro pour le Sahara, exception faite de la vallée du Nil » (Dutour 0. 1997, p. 411). Le constat est hélas fort vrai, mais il ne doit pas nous empêcher d’exposer le peu de connaissances que nous possédons à ce sujet.


En Afrique du Nord, à la fin du Paléolithique* - plus précisément appelé Épipaléolithique* au Maghreb - puis au Néolithique* (tableau I), il existe, selon la théorie classique, deux variétés d’Homo sapiens sapiens modernes. La plus ancienne est celle des Mechtoïdes, du nom de Mechta el-Arbi, au sud-ouest de Constantine, un des deux sites nord-algériens, avec Afalou Bou Rhummel, à l’est de Béjaïa, où ce type humain a été identifié. Il est l’équivalent de l’Homme de Cro-Magnon en Europe dont il ne diffère que par quelques caractères physiques (et peut-être ne sont-ils, tous les deux, que des variétés d’une forme africaine plus ancienne). Les Mechtoïdes sont les auteurs de la culture dite « ibéromaurusienne » que l’on sait remonter aujourd’hui jusqu’à 22 000 ans BP (21 900 plus ou moins 400 ans BP à Taforalt au Maroc) (voir BP et BC à glossaire). Les populations mechtoïdes du Maghreb ont principalement vécu dans les régions du littoral et du Tell, mais leur présence est attestée plus au sud, dans les Hautes Plaines et l’Atlas saharien en Algérie, ainsi que dans le Haut et Moyen Atlas au Maroc. Le terme « ibéromaurusien », évoque des contacts entre l’Espagne et le Maghreb, comme le pensait P. Pallary qui a identifié ce faciès en 1899, mais on sait qu’il n’en est rien.




Références de l’ouvrage :
Malika HACHID,Les Premiers Berbères. Entre Méditerrannée, Tassili et Nil, Ina-Yas / Edisud, Aix-en-Provence, 2000, 317 pages.
 
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