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Texte de Bennabi
B
13 août 2012 23:11
Juste pour faire perdre des points de visions aux éventuels lecteurs, et parce que je suis de mèche avec Alain Afflelou, voici un texte d'un grand penseur musulman.


Je tiens à te présenter moi-même cette publication .Je veux te parler, te dire de graves choses, les plus graves peut-être qui t’aient jamais été dites. Dans une précédente publication, une pudeur m’avait retenu. Je ne voulais pas te dire certaines choses pour te les laisser à entendre. Mais je veux ici te les faire entendre clairement car la mauvaise foi et l’ignorance des voleurs de prestige ont encore prise sur ta conscience. Tu représentes à leurs yeux une parcelle de pouvoir qu’ils veulent garder. Aussi doit-je d’abord dénoncer ton impuissance à éventer leurs pièges, à sentir tes erreurs. Je veux t’apprendre à leur poser des questions, à te poser des questions, pour éviter leurs pièges et tes propres erreurs. Commençons par le commencement . Ce commencement est dans la confusion, dans ton impuissance à voir clair . Tu sens bien ton mal, mais comment le nommes-tu ? Au lieu de te recueillir sur la mal , de poser des interrogations, de te demander : pourquoi donc suis-je colonisé ? Tu as simplement prêté l’oreille aux voix de la foire. Et comme les voleurs de prestige, comme le malheureux troupeau qu’ils exploitent, tu t’es écrié à ton tour « A bas le colonialisme » puis tu as prêté encore l’oreille aux vociférations de la foire. Et tu as voulu, à ton tour , nommer ton mal... Ne me prête pas l’oreille, mais l’attention pour comprendre les choses. Fais un effort d’imagination pour comprendre les choses. Fais un effort d’imagination pour me suivre, à pas de géant. Suis-moi à San-Francisco. Regarde avec tes yeux et ton intelligence et non avec tes oreilles. Cette ville et les milles aspects de la vie que tu vois sont l’œuvre de cet homme que tu aperçois là, penché sur son labeur, il travaille...Mais que signifie, en termes analytiques, en éléments primordiaux, cet acte magique par lequel l’homme transforme la nature et se transforme lui-même. Que signifie ce mot qui traduit à la fois la peine, la sueur de l’homme et la condition fondamentale de son bien-être, de sa sécurité et de sa puissance ? C’est ce mystère que je veux d’abord te révéler. Que fait l’homme qui travaille, qui crée par sa peine sa condition ? Il fait essentiellement une synthèse : la synthèse de l’homme, du sol et du temps... Maintenant que tu es initié à un grand mystère, poursuivons notre chemin, à pas de géant. Tu as traversé New York, tu as aussi contemplé Londres et Paris, tu as atteint Varsovie, et tu as poussé jusqu’à Moscou ou plus loin encore, jusqu’à Tokyo. Qu’as-tu vu ? Les aspects essentiels de la vie ont-ils essentiellement changé au cours du trajet, si tu l’as fait les yeux et l’esprit grand ouverts ? Tu as vu partout, les mêmes édifices, les mêmes routes, les mêmes usines, les mêmes ateliers, les mêmes machines, les mêmes écoles, les mêmes laboratoires. Et tu as vu aussi que c’est cela et rien que cela qui fait la condition de l’homme. Mais « cela », cette même synthèse de l’homme, du sol et du temps que tu as constaté de San Francisco à Moscou, « cela » comment se nomme-t-il dans l’histoire ? Tu le sais puisque toi- même, quand tu veux appeler les choses par le nom, tu le nommes la « civilisation occidentale ». Mais poursuivons encore notre voyage, en changeant d’itinéraire. Nous allons partir de Tanger, traverser l’Afrique du Nord, longer le littoral sableux de la Tripolitaine, traverser le Nil et le canal de Suez, visiter les pays du Moyen-orient, nous enfoncer dans les territoires musulmans de l’Inde et atteindre Java. Qu’aurons-nous vu ? N’est-ce pas aussi les mêmes aspects essentiels de la vie : la même inactivité, la même pauvreté, la même ignorance, la même somnolence ? Mais comment cette aire où règne le silence ? N’est-ce pas l’aire de la civilisation musulmane ? Cela aussi tu le sais. Mais ne me pose pas encore de questions. Complétons encore notre tour d’horizon pour tirer une conclusion générale. Aprés cet itinéraire dans l’espace,faisons un autre dans le temps. Reculons d’un millénaire dans l’histoire. L’aire musulmane s’étendait alors de Samarkand à Cordoue et l’aire occidentale de Londres à Moscou. Mais de Cordoue à Samarkand, c’était un chantier où travaillaient des penseurs, des savants, des docteurs, des artistes, des artisans...L’aire où l’homme réalisait la synthèse de la civilisation musulmane. Cependant que dans l’autre aire, de Londres à Moscou,régnait l’état féodal où l’homme vivait en « serf taillable et corvéable à merci ». Serais-tu tenté de faire un bond en avant, un bond de mille ans dans l’histoire ? Alors ne m’interroges pas sur l’avenir, je l’ignore. Je te dirais seulement cette parole de Celui qui sait : « Tels sont les jours. Nous les donnons tour à tour aux hommes ». Maintenant que nous sommes au terme de notre voyage, tirons plutôt une conclusion. Tu as constaté de visu que la condition de l’homme ne résulte pas des données ethniques, linguistiques, politiques ou géographiques. En effet, de San-Francisco à Moscou, il y a plusieurs langues, des races différentes, des systèmes politiques et des climats divers. Mais tu as constaté la même condition humaine, résultant du même labeur, de la même synthèse. Tu as constaté que cette condition est liée aux données générales d’une aire,qu’elle ne varie pas essentiellement d’un cadre institutionnel à un autre, d’une démocratie à une monarchie, mais d’une civilisation donnée à une autre. Tu as constaté, en un mot, que le destin de l’homme est profondément marqué par sa civilisation, qu’il s’élève ou déchoit avec elle. C’est cela la conclusion essentielle que je t’invite à tirer de ce voyage dans l’espace et dans le temps, c’est-à-dire dans l’histoire. Cette conclusion est capitale car elle constitue un critère et une méthode. C’est un critère pour éviter ta propre erreur et les pièges qu’on peut te poser pour déceler le faux, pour distinguer le patriotisme de la trahison. Car tu sais à présent que tout ce qui ne sert à réaliser la synthèse de l’homme, du sol et du temps est un faux dans l’histoire, donc un faux aussi dans la vie quotidienne. C’est aussi une méthode parce qu’en inspirant ta philosophie sociale, elle donnera à ton effort son efficacité maximum, elle donnera à ta vie le sens d’une flèche pointée vers une civilisation, c’est-à-dire, comme tu le sais, vers la seule condition humaine possible. Et maintenant que tu es en possession de ce critère et de cette méthode- dont je vais approfondir pour toi dans cette étude- je veux te faire réfléchir sur tes erreurs et tes illusions. Ton problème est faussé d’emblée quand tu le nommes d’un nom qui lui donne des frontières et qui donne à ton intelligence des œillères. C’est cela ce que tu fais quand tu parles de « problème algérien » ou de « problème yéménite », sachant pourtant que le mal est le même de Tanger à Java. As-tu le droit de nommer la peste de noms différents, ici la fièvre et ailleurs autrement ? Tu sais que du diagnostic découle la médication, et que si l’un est faux , l’autre est fausse fatalement. Et tu vois aussi le signe, mais tu ne vois pas ce qu’il désigne. En pays chrétien, mon frère, la croix est un signe qui désigne aussi le cimetière. C’est le sceptre de la mort. Dans un pays colonisé, la colonisation est aussi un sceptre qui désigne la colonisabilité. Pourtant,je ne t’entends jamais parler de ta colonisabilité, mais seulement de la colonisation. Tu ne dis pas « pourquoi je suis colonisé » ? Tu dis seulement : « je suis colonisé ». Tu ne parles pas de tes « devoirs » mais seulement de tes « droits ». Je sais que ton attitude stérile découle de l’absence d’un critère et d’une méthode. Tu écoutes tes erreurs et leurs mensonges. Car les voleurs de prestige te mentent, eux qui n’ont pas le souci de t’éclairer mais de t’éblouir, de te servir mais de se servir de toi pour détenir et garder une parcelle de pouvoir. Et pourtant, il est clair que pour détruire la plante vénéneuse, il faut l’atteindre dans son germe, à la racine. Or la colonisation prend racine dans la colonisabilité. Là où un peuple n’est pas colonisable, la colonisation ne peut s’établir sur son sol. Le peuple allemand n’est pas aujourd’hui , bien que le sol allemand soit occupé. Le colonialisme ne peut planter son sceptre que là où il y a le cimetière d’une civilisation, donc l’homme colonisable. Alors,maintenant, tu peux comprendre, je puis te révéler un autre mystère, entre le colonialisabilité et colonialisme, il y a un pacte ;ils se donnent la main, eux aussi, à la foire où les voleurs de prestige monnayent ton destin,notre destin. Le colonialisme sait que la vocifération de la foire ne sont ni du patriotisme, ni de la politiques, ni de la culture, mais de la trahison, de la « boulitique », de la mythologie, de la magie, du mirage, de la mystification. Car tout ce qui ne sert pas à la synthèse de l’homme, du sol et du temps n’est rien dans l’histoire. Mais je te dois encore un éclaircissement, puisque par principe je ne dois pas te laisser entendre les choses, mais te les faire entendre. Tu peux t’imaginer qu’en somme le problème est presque résolu puisque aussi qu’ailleurs il y a, dans le monde musulman, l’homme qui peut entreprendre la synthèse d’une civilisation musulmane. Il n’y aurait plus en somme qu’à désigner à cet homme son but dans l’histoire. Mais si tu t’imagines cela, je te dirais que tu as perdu le sens de cette étude dès la première ligne et que ton premier pas avec moi est un faux pas. Alors je te dirais mon frère, que je ne parle pas de l’homme qu’ a avorté la faillite d’une civilisation, de « l’indigène » colonisable qui est encore plus ou moins colonisé, de Tanger à Java, mais de l’homme qui doit enfanter une civilisation. C’est dans ce but que j’ai posé dans cette étude le problème de l’homme et que j’ai défini la culture qui peut le créer. Mais ce n’est pas à la foire qu ’on peut créer ce créateur. La foire où palabrent les voleurs de prestige, ces faux travailleurs, ces faux créateurs. Au fait, que disent-ils ? Que dit celui-ci que je vois arranger sa imama(turban) et surveiller sa syntaxe ? C’est un fantôme surgi du temps passé, un revenant de l’époque de Haroun Errachid. Il cite, comme argument décisifs, les phrases précieuses d’Ibn en-Nadhim, la prose parlée de Hariri et les rimes étincelantes de Moutanabi. Et toi ébahi,toi fasciné par les mots, tu opines doucement du chef buvant le verbe de ce prêcheur de souvenirs. Et que dit celui-là qui arrange sa grimace des grands jours, sa grimace électorale en surveillant son nœud de cravate ? C’est le prêcheur des besoins nouveaux, il veut te convaincre en citant Victor Hugo et Voltaire et toi tu dodelines de la tète toujours... Mais au fond de toi,je vois une incertitude : tu rêves tantôt des fastes des milles et une nuits, et tantôt d’une voiture de marque et d’un fauteuil confortable, tu rêves, mon frère et on te fait rêver, mais la civilisation n’est ni un musée de vieux souvenirs, ni un bazar de nouveautés, c’est un chantier, une usine, un laboratoire où l’homme crée sa condition,en faisant la synthèse fondamentale de son pouvoir, du sol et du temps. Et c’est aussi un temple où l’homme peut -quand il veut respirer, s’inspirer- lever la tète au-dessus de son ouvrage et découvrir l’infini de Dieu, de Dieu qui inspire son génie et renouvelle son courage. C’est un temple où l’ignorance doit être attentive et pudique comme un point d’interrogation. Il faut « chasser du temple » l’ignorance expansive qui se répand en jactance qui est impudique comme un point d’exclamation.
B
13 août 2012 23:13
De Malek Bennabi le 10 janvier 1951...
T
13 août 2012 23:16
Bennabi,c'etait pas un groupe de rap Français des années 90?

[www.youtube.com]

Visiblement,ils ont complétement changé de passion
Nech zie Al hoceima.........Tamassint*
N
13 août 2012 23:48
salam,
comme par hasard, j'ai pommé mes lunettes.
je trouve que ces parties sont très puissantes et résument notre condition.

" Tu ne dis pas « pourquoi je suis colonisé » ? Tu dis seulement : « je suis colonisé ». Tu ne parles pas de tes « devoirs » mais seulement de tes « droits »"
" la civilisation n’est ni un musée de vieux souvenirs, ni un bazar de nouveautés, c’est un chantier, une usine, un laboratoire où l’homme crée sa condition,en faisant la synthèse fondamentale de son pouvoir, du sol et du temps. Et c’est aussi un temple où l’homme peut -quand il veut respirer, s’inspirer- lever la tète au-dessus de son ouvrage et découvrir l’infini de Dieu, de Dieu qui inspire son génie et renouvelle son courage. C’est un temple où l’ignorance doit être attentive et pudique comme un point d’interrogation."

merci pour ce texte.
A
14 août 2012 01:43
Grand penseur algérien, dommage qu'il n'y a plus d'homme comme lui a notre époque. Je suis fatiguer je lirais sa demain inch'Allah bonne nuit.
A
14 août 2012 10:18
Texte intéressant si Ben fraisoo me le permet j'aimerais rajouter encore du Malek Bennabi.

Citation
a écrit:
La plus grave parmi les paralysies, celle qui détermine dans une certaine mesure les deux autres (sociale et intellectuelle), c'est la paralysie morale. Son origine est connue : "L'islam est une religion parfaite" Voilà une vérité dont personne ne discute.

Malheureusement il en découle dans la conscience post-almohadienne une autre proposition : "Nous sommes musulmans donc nous sommes parfaits". Syllogisme funeste qui sape toute perfectibilité dans l'individu, en neutralisant en lui tout souci de perfectionnement. Jadis Omar ibn al-Khattab faisait régulièrement son examen de conscience et pleurait souvent sur ses "fautes".

Mais il y a longtemps que le monde musulman a cessé de s'inquiéter de possibles cas de conscience. On ne voit plus qui que ce soit s'émouvoir d'une erreur, d'une faute. Parmi les classes dirigeantes règne la plus grande quiétude morale. On ne voit aucun dirigeant faire son mea culpa.

C'est ainsi que l'idéal islamique; idéal de vie et de mouvement a sombré dans l'orgueil et particulièrement dans la suffisance du dévot qui croit réaliser la perfection en faisant ses cinq prières quotidiennes sans essayer de s'amender ou de s'améliorer : il est irrémédiablement parfait, Parfait comme la mort et comme le néant.

Tout le mécanisme psychologique du progrès de l'individu et de la société se trouve faussé par cette morne de satisfaction de soi. Des êtres immobiles dans leur médiocrité et dans leur perfectible imperfection deviennent ainsi l'élite d'une société morale d'une société où la vérité n'a enfanté qu'un nihilisme. La différence est essentielle entre la vérité, simple concept théorique éclairant un raisonnement abstrait, et la vérité agissante qui inspire des actes concrets.

La vérité peut même devenir néfaste, en tant que facteur sociologique, lorsqu'elle n'inspire plus l'action et la paralyse, lorsqu'elle ne coïncide plus avec les mobiles de la transformation, mais avec les alibis de la stagnation individuelle et sociale. Elle peut devenir l'origine d'un monde paralytique que Renan et Lamennais dénonçaient en disant que l'islam "pourrait devenir une religion de stagnation et de régression".

Il y'a aussi une citation qui revient souvent sur le net qui lui est attribuer mais je ne sais pas c'est tirer de quel livre:

Citation
a écrit:
"Ils ont inventé l'esclavagisme moderne, ils ont fait en sorte que vous travaillez de nombreuses heures pour vous abrutir car un homme qui travaille trop n'a plus le temps de s'instruire. Ils vous ont fourni des philosophes qui pensent a votre place, Ils ont fait en sorte que vous ne compreniez plus votre histoire, votre religion et pire, ils vous ont fait aimer cet esclavagisme moderne."
B
14 août 2012 21:11
Wouhou, encore un bide intersidéral, la prochaine fois je balancerais mes petits textes chéris directement à No way, et Asad partage et j'ouvrirai des sujets pour naze, du genre "Salem alikoum, séduire avec un glauss à friser les cils farre à paupière couleur prune pouffe isladélice, c'est hallal? inchallah? ou alors c'est trompé ses frères et on a le droit de tromper qu'en temps de guerre un non-musulman?

Tamassint, vas y lâches la, ta vanne avec Benabar, je te jure, j'en peux plus là, c'est insupportable.
No Way, si tu peux te procurer ces bouquins, à ce type, à l'occasion, tu te sentiras toute chose.
Asad partage, tout ce qui est de Bennabi est le bienvenu, le premier extrait vient de Vocation de l'islam, au chapitre l'homme post alhmodanien, la deuxième citation, je suis pas certain que ce soit de lui, elle ressemble plus à une réplique de Chuck Palaniuk dans fight club, mixé avec du Noam Chomsky.


"Parfait comme la mort et comme le néant. ", "religion de stagnation et de régression", "morne de satisfaction de soi" Ça vous dit rien?
S
14 août 2012 21:16
Je ne peux lire tout ça le ventre vide et gosier sec Ill
☝☝☝ Cinq et jeudi sur moi ☝☝☝
N
14 août 2012 21:57
j'ai reçu aujourd'hui un de ses livres "le problèmes des idées dans le monde musulman".
Je trouve ses pensées profondes.
Il met le doigt en plein dans les problèmes de notre sacrée Oumma, là d'où provient toute la pourriture qui sent le cadavre de notre civilisation, il dissèque les problèmes et établit son diagnostic d'humain réfléchit qui refuse cette situation .
Ses phrases ne sont pas toutes faites, mais sont le fruit d'un mure réflexion.
C'est le constat actuel de terriens croyants mollassons qui se laissent emporter par les différentes vagues.
Je pense que si tout le monde lisait ce genre de pensées, on irait loin... 60 ans après, bilan?

Mais non, Je suis persuadée que si tu écrivais une belle chronique de love story halal j'te parie au moins 10 pages en 2j. ca aussi c'est de la littérature....
A
14 août 2012 23:05
C'est sur que sa change des intellectuels que nous avons aujourd'hui...
N
15 août 2012 04:38
Citation
Sofia Simpson a écrit:
Je ne peux lire tout ça le ventre vide et gosier sec Ill

plus je te lis et plus j'imagine une fille au bidou extrêmement rond tellement il est plein d'eau, et la bouche pâteuse à cause de la sécheresse aoutienne ramadanesque.
une fille affriolante quoi
B
15 août 2012 09:41
Tu m'as bien eu, je suis resté pendu à mon écran du f'tour au fjar en attendant un commentaire, merci.

Citation
Sofia Simpson a écrit:
Je ne peux lire tout ça le ventre vide et gosier sec Ill



Modifié 1 fois. Dernière modification le 15/08/12 09:43 par Ben fraisoo.
B
15 août 2012 09:43
Et puisque il est fait mention par No way du problème des idées, un extrait.


"C'est l'idée morte qui appelle, qui attire, l'idée mortelle dans la société musulmane". Malek Bennabi

Une circonstance de son passage à Paris avait inspiré au plus grand génie poétique moderne Arabe un hommage lyrique à la "Ville Lumière".
L'immortel Chawki ne se doutait pas qu'il livrait à la postérité en même temps qu'un nouveau chef-d’œuvre, un argument qui sera exploité à titre posthume contre lui par certains amateurs d'intégrisme de mauvais aloi.
Pour ces gens, soucieux parait-il de l'intégrité de notre univers culturel, il s'agirait d'en boucher tout les soupiraux pour nous mettre à l'abri des contaminations.
D'après eux, nous devons aussi surveiller, voire suspendre - quand il le faut - notre respiration intellectuelle, mettre en somme à notre esprit des masques à gaz pour parer à d'éventuelles contaminations.
J'écoutais un Zitounite. Je savais que son opinion sur Chawki n'était pas la sienne mais celle qui se forme dans un univers culturel dans lequel des idées, privées de leurs racines, par conséquent mortes sur place, côtoient d'autres idées devenues mortelles d'avoir laissé sur place leurs racines dans un autre univers culturel d'où elles ont été importées. Quel tord avait le grand Chawki aux yeux de ce colonisé et colonisable de marque ?
C'est parce qu'il y a, explique le Zitounite, dans l'hommage de Chawki l'effet pernicieux de cette culture occidentale qui attache 90% de l'élite musulmane plus moins consciemment au service du colonialisme.Le danger de cette affirmation était d'autant plus grave que les apparences étaient pour elle.
Mais ce qui importe derrière cette affirmation, et ces apparences, c'est le fait pathologique des " idées mortes" issues de notre hérédité sociologique voisinant avec des " idées mortelles " empruntées à l'Occident.
On pourrait voir là - sur un autre plan, celui des idées - les deux aspects du drame colonial: la colonisabilité et le colonialisme traduits en terme de culture.
Mais s'il fallait de toute façon faire une discrimination, les " idées mortes" - que nous a léguées la société post-almohadienne - nous paraîtrait certainement plus mortelle. Pour s'en convaincre, il faut juter un regard sur le bilan historique des idées qui ont tuées la société post-almohadienne et qui constituent encore le "passif " de la renaissance de la société musulmane qui ne semble pas encore s'en être débarrassé.

Il est évident que ces idées n'ont pas vu le jour à Paris ou à Londres, dans les hémicycles de la Sorbonne ou d'Oxford mais à Fès, à Alger, à Tunis et au Caire. Elles sont nées aux pieds des minarets de Karawiyine, de la Zitouna, et d'Al Azhar, durant les siècles post-almohadiens. Elles constituent - tant qu’elles n’auront pas été liquidées par un effort systématique - les virus héréditaires qui minent l'organisme musulmans du dedans, en trompant sa réaction de défense.
Il faudrait transporter l'esprit de Pasteur et ses méthodes sur le plan pédagogique pour saisir cet aspect pathologique de la culture moderne du monde musulman. Sans quoi, les idées mortes constitueront leur travail sur le plan social et politique comme au temps du vaillant Mossadegh dont le régime fut liquidé par ce travail destructeur.
Kachani a été une idée morte, le virus interne qui a détruit l'expérience qui s'était levée un moment à l'horizon du peuple iranien. Il est significatif que Mossadegh n'a pas été finalement vaincu par le colonialisme, tel qu'on le désigne habituellement par ce mot - incarné par le puissant trust du pétrole - mais par la colonisabilité gesticulant en la personne de Kachani au nom de Dieu.

Mais dès qu'on aborde le problème des idées mortes qui n'ont plus de racines dans le plasma culturel originel du monde musulman, on bute sur celui des idées mortelles qui ont laissé leurs racines dans leurs univers culturel d'origine.
Parfois, ce sont les mêmes individus qui incarnent les deux aspects du problème: le virus héréditaire "aspire" en quelques sortes le microbe extérieur.

Pour parler autrement, c'est l'idée morte qui appelle, qui attire, l'idée mortelle dans la société musulmane.
Il était difficile de convaincre l'honorable critique de Chawki de la raison ontologique entre les deux aspects pathologiques, à savoir que c'est l'esprit post-almohadien qui, secrétant des idées mortes d'un coté, aspire des idées mortelles de l'autre.
Ce double phénomène de capillarité pose, par son second aspect, un phénomène qu'il faut se garder de poser à l'envers. Il ne s'agit pas en effet de se demander pourquoi il y a des éléments mortels dans la culture occidentale; mais pourquoi l'élite musulmane va précisément chercher ces éléments là ?
C'est cela le problème convenablement posé. Ce n'est pas en effet le contenu de la culture occidentale, mais le contenu de la conscience post-almohadienne qui détermine le "choix", en effet, étant donné que dans l'univers culturel occidental tout n'est pas mortel. Il s'en faut puisqu'il souffle la vie dans une civilisation qui règle pour le moment les destinées humaines.
L'élément mortel qu'on rencontre dans ce contexte culturel, n'est qu'une sorte de déchet, la partie morte de cette civilisation. Si la conscience post-almohadienne va précisément recueillir dans les capitales d'Occident ces déchets, il ne faut incriminer qu'elle.
Mais il faut se rendre compte du résultat de ces déchets, de leur synthèse dans le métabolisme culturel de la société qui les aborde. Le résultat est évidemment une pourriture que les esprits superficiels confondent, dans nos pays, avec la culture occidentale. La confusion sur ce point vient de notre position à l'égard du problème de la culture en général, et par voie de conséquence à l'égard de la culture de l'Europe en particulier.
Il est clair cependant que si les idées que nous importons étaient aussi mortelles dans leur milieu d'origine, elles y joueraient le même rôle, et leur résultat sur le plan social serait le même, c'est à dire une simple pourriture. Or, il faut convenir qu'il y a tout de même autre chose dans la Civilisation: des parties saines et fortes qui font malgré tout sa puissance.
Ce paradoxe apparait d'autant plus quant on se livre à certaines comparaisons. Sur le plan individuel on trouve, par exemple un Iqbal qui fait de sa culture une passion, qui mérite le respect au moins pour son désintéressement, et de l'autre une caravane d'intellectuels qui constituent, plus ou moins consciemment, dans leur pays, les cinquièmes colonnes d'une culture voire d'une politique étrangère...
Cette différence individuelle tient essentiellement au fait qu'Iqbal a pu - par un effort personnel ou grâce à un hasard exceptionnel - liquider le stock d'idées mortes qu'il a trouvées en naissant dans son milieu. Il est d'ailleurs significatif à cet égard de trouver dans son œuvre le souci de refaire les idées de son milieu dans ce travail dont il laissé à la postérité le fruit sous le nom de Reconstruction de la pensée musulmane.
Mais ce qui est plus concluant, c'est la comparaison entre deux catégories distinctes d'élèves de la culture occidentale.

La société musulmane a pris son essor moderne en même temps qu'une autre société, le Japon.
Les deux sociétés se sont mises en même temps, vers 1860, à l'école de la civilisation occidentale. Or, aujourd'hui, le Japon est la 3eme puissance économique du monde. Les " idées mortelles " de l'Occident ne l'ont pas dévié de sa voie: il est demeuré fidele à sa culture, à ses traditions, à son passé.

En 1945, dans l'épisode le plus malheureux et le plus glorieux de la Seconde Guerre Mondial, l'aviateur Kamikaze a montré au monde que l'esprit Samouraï n'était pas mort.
Par ailleurs, la société musulmane - malgré ses louables efforts que l'Histoire à consacrés sous le nom de " Renaissance " - n'en est pas moins aujourd'hui, après un siècle, une société de type sous-développé. Il est clair par conséquent que le problème qui se pose ne concerne pas la nature de la culture occidentale mais la nature particulière de notre rapport avec elle.
L'étudiant musulman qui s'était mis à son école étant de deux types, l'étudiant sérieux et l'étudiant " touriste ". L'un et l'autre ne sont pas allés aux sources d'une civilisation, mais à son alambic ou à sa poubelle. C'est à dire là où elle n'a plus sa vie, sa chaleur, sa réalité incarnée par le laboureur, l'artisan, l'artiste, par le savant, par ces multitudes d'hommes et de femmes qui font chaque jour dans ces villes et ses compagnons son "grand œuvre" quotidien.
Cet aspect essentiel nous a échappé durant des générations parce que les " idées mortes " et l'ère post-almohadienne nous ont mis des œillères qui nous ont empêché de voir, de discerner autre chose que ce qui est futile ou abstrait ou même mortel.
On peut maintenant voir plus clair dans le débat entre Chawki et ses antagonistes. Selon que l'hommage du grand poète se soit inspiré des idées mortelles, ou que l'opinion de ses adversaires de leur idées mortes, on comprend qui a tord ou raison.
De toute façon, dans l'entretien qui avait ranimé ce débat il y a 20 ans entre un Zitounite et moi-même, ce fut un simple travailleur algérien à Paris qui apporta, avec une modestie qui honore l'homme du peuple, le mot qui tranchait péremptoirement le problème:
- Je crois, dit-il, que c'est la même histoire que dans la greffe: le greffon ne porte pas (s’il doit en porter) les fruits de la souche sur laquelle on l'a reporté mais les fruits de la souche-mère.
On ne peut pas mieux souligner le problème de l'hérédité dans le domaine des idées.
A
15 décembre 2012 12:58
Je sais faire des copié/collé et je suis content. Gni.



A la mémoire de mon père qui m’a légué l’idée du bien et du beau.

« Notre génie ne s’affirme pas en niant ou détruisant les autres mais en les absorbant.»Romain Rolland

La notion de renaissance en Europe sera une période de profondes transformations culturelles, économiques et sociales, entre le XIVe et XVIe siècle. Elle sera surtout perçue comme une nouvelle vision de l’homme et du monde, constituant selon Jean Delumeau « une grande marche en avant ».

C’est l’avènement de l’esprit critique, de nouvelles découvertes scientifiques, le renouvellement de la condition humaine avec des valeurs inédites dont se réclameront bientôt les nations. La lettre de Gargantua à Pantagruel témoigne de cette ambiance générale et de ce sentiment insatiable de renouveau et de découverte : « Maintenant toutes disciplines sont restituées…Tout le monde est plein de gens savants… » (Rabelais, Pantagruel, VIII).

Le problème capital de la renaissance du monde musulman (c’est-à-dire nouvel essor de la Oumma sur le plan sociétal, institutionnel, activité intellectuelle, architectural, artistique, etc.), a été abordé par beaucoup d’intellectuels donnant naissance à maints courants de pensée.

A cet égard, le bâathisme, le progressisme, le nationalisme, le marxisme, les arabisants, les francophones, les pseudo-modernistes, le wahabisme, le kemalisme, le salafisme, ont tenté vainement d’affermir leurs « solutions », en s’attachant à l’élémentaire et au superficiel. Ces « conceptions » disparates ont sombré le monde musulman dans l’incohérence.

En pleine confusion, le monde musulman se débat en vain : « La renaissance musulmane, écrit Bennabi, est partagée entre l’attraction intégriste du passé et l’impulsion progressiste du présent.». Le monde musulman « n’a encore fait le choix ni de la méthode, ni du modèle.»

Doué d’une grande capacité d’analyse et de réflexion, Malek Bennabi pose avec justesse le problème de la renaissance en « problèmes de la civilisation ». Rien de mieux vu, car l’occultation de ce problème est le prélude de nos futures désillusions et déboires. Il écrit : « Le drame de chaque peuple est essentiellement celui de sa civilisation » plus catégorique et explicite encore : « Le peuple algérien ne pourra ni comprendre, encore moins résoudre son problème tant qu’il n’aura pas pénétré le mystère qui enfante et engloutit les civilisations ».

C’est donc la voie de la civilisation qu’il faut emprunter et le champ de ce processus long et perpétuel qu’il faut comprendre : « Il faut préparer la génération qui vient à porter une civilisation dans ses entrailles et à savoir l’enfanter. Que chacun dans ce domaine soit capable de cet accouchement… »

Il déclare alors sans ambages sa profonde conviction : « Je sais que la solution que je propose au drame musulman depuis un quart de siècle est rigoureusement exacte : il faut une civilisation pour résoudre le problème musulman. Toute autre solution n’est qu’un cautère sur une jambe de bois. L’indépendance, notamment, n’est qu’un cautère sur une jambe de bois… ». Deschamp écrira : « On ne fait pas impunément la guerre à la civilisation ».

Voici la vision de Bennabi sur la renaissance. Il fait le point : « Quand on parle de renaissance, est-il nécessaire d’envisager les choses sous un double rapport : celui par lequel elles tiennent au passé, à tous les substrats et à toutes les ramifications de la décadence, et celui par lesquelles elles tiennent aux germes du devenir, aux racines de l’avenir…Il y a donc lieu de donner aux choses de cette renaissance une double définition, l’une disruptive, négative, et l’autre constructive, positive ; l’une pour opérer des ruptures nécessaires, l’autre pour établir des contacts opportuns.»

Des idées claires, succinctement formulées mais quel programme ! C’est dans son ouvrage au titre significatif, Les Conditions de la Renaissance (voilà qui donne le tondu livre), que Bennabi tentera d’élaborer « une technique de renaissance ».

Bien qu’il fût publié depuis des années (1948), cet ouvrage n’a pas pris une ride. Les problèmes liés à la renaissance sont toujours d’actualité et sa réflexion garde toute sa pertinence. La renaissance du monde musulman étant assujettie à des conditions, Bennabi les examine tout au long de cet ouvrage.

Que de choses à dire sur ce thème. Il aborde la notion du temps, le rapport entre le devoir et le droit, l’orientation du travail, du capital, à l’art, au sens esthétique, du sol, de la colonisabilité, du problème vestimentaire et son impact psychologique sur l’individu et sa relation avec la vie moderne, du problème de la désertification. Cette somme de réflexions montre par sa précocité et sa profondeur toute l’étendue et surtout l’avancée intellectuelle prise sur le front intellectuel du monde musulman de cette époque.

Le ton est donné, la réflexion s’approfondit et la vue s’éclaircit. En méditant l’ouvrage, le lecteur s’imprègne des idées de l’auteur, du général au particulier (détail). L’idée maitresse de Bennabi, est que les idées ne sont pas un vain mot, et qu’elles doivent être transcrites et vécues au niveau de la vie quotidienne à travers l’ensemble de ces menus détails qui font justement toute la différence entre le civilisé et le non-civilisé. Ces passages en sont un témoin vivant : « Tout à l’heure, en me rhabillant, j’ai eu un moment donné voulu laisser le cintre sur lequel je venais de retirer mes habits sur le lit, sous prétexte que j’allais me déshabiller dans un quart d’heure ou une demi-heure.

C’était évidemment une économie de fatigue inutile apparemment et, au fond, de la paresse. Mais je me suis ressaisi comme devant une grave faute que j’allais commettre. J’ai senti que laisser le cintre sur le lit sous prétexte que ce n’est rien, m’aurait entraîné à laisser mes sandales devant le lit sous prétexte que ce n’est rien non plus. Mais la situation qui s’est présentée à mon esprit comme la somme totale de ces riens, c’était précisément la condition de l’être non civilisé et l’état de non civilisation.

J’ai compris que si je cédais sur un rien à chaque coup, je finirais par transformer tout l’aspect de ma vie et finalement toute ma manière de vivre. Je comprends combien le danger du "rien" qu’on néglige est grave pour le progrès de l’âme et de la société, précisément parce qu’il parait négligeable.»

L’enseignement est remarquable : ce sont ces détails – qui sont le produit de la psychologie de l’individu - qui créent le clivage entre une société civilisée et le sous-développement, « regardons, écrit Bennabi, marcher un imam, un cadi et un prêtre catholique. Qui a l’air vif, décidé et l’allure rapide ? » et d’ajouter « balayer devant sa porte, porter un paquet, cirer ses chaussures, planter un arbre (quand on le peut) » sont autant de gestes et de comportement qui constituent des indices sérieux d’une société civilisée, et tout ceci n’aboutit qu’à une conséquence : la création d’une ambiance « faite de couleurs, de sons, de formes, de mouvements, de choses familières, de paysages, de figures, d’idée diffuses » qui impriment l’individu dès sa naissance et qui forment le cadre socio-culturel dans lequel il évoluera.

La culture dira Bennabi est le produit de cette ambiance. Les conditions que Bennabi pose dans ce livre pour la régénération de l’homme, ont pour but l’organisation, la naissance d’une société, d’un « milieu où chaque détail est un indice d’une société qui marche vers le même destin : son berger, son forgeron, son artiste, son savant (…) mêlant leurs efforts » et « où toute faute de style tombe sous la sanction de la critique, toute faute de comportement tombe sous la contrainte sociale.»

Le sens esthétique

La question du sens esthétique a beaucoup compté dans la vie et l’œuvre de Bennabi. A ce propos il écrit : « Même l’activité la plus insignifiante est liée à une certaine esthétique. Il manque en Algérie précisément le sens esthétique, et ce sens nous fait terriblement défaut, car il résoudrait déjà pas mal de petits problèmes qui commandent tout le problème de l’homme.

L’esthétique, c’est tout le problème de notre musique ennuyeuse comme un bâillement, c’est tout le problème de l’art, de la mode vestimentaire, de nos usages, c’est une manière de faire un geste plus ou moins élégant ou gracieux de balayer devant sa porte, de peigner nos enfants, de cirer nos chaussures (...), de marcher sans indolence comme le recommande le Coran.

Toute l’ambiance d’une civilisation : c’est là le problème de l’esthétique. Il faudrait que dans nos rues, dans nos cafés, on trouve la même note esthétique qu’un metteur en scène doit mettre dans un tableau de cinéma ou de théâtre. Il faudrait que la moindre dissonance de son, d’odeur ou de couleur, nous choque comme on peut être choqué devant une scène théâtrale mal agencée.»

Tel est en effet la quête continuelle de Bennabi, de sa recherche de l’ambiance d’une civilisation. On est presque ému de cette jalouse passion pour le beau, condition fondamentale pour une société civilisée.

A côté de l’intérêt que présente le sentiment esthétique pour la renaissance du monde musulman, Bennabi en fin observateur va lui donner une autre dimension et une explication subtile : c’est la relation entre l’esthétiqueet le colonialisme. On trouvera dans ces extraits l’essentiel de son idée : « Il y a dans toute culture un rapport esthétique-éthique qui reflète le génie d’une société et (...) détermine sa vocation historique.

On peut considérer, certainement et jusqu’à un haut degré, le colonialisme comme un phénomène où le rapport esthétique-éthique se trouve établi en faveur du premier terme.»

L’explication est profonde et rationnelle mais en même temps correspond à une réalité palpable constatée et vécue dans sa chair par Bennabi. En 1965, déambulant dans Alger, il laisse apparaître tout son désarroi et son inquiétude en constatant le rapport esthétique-colonialismedans les faits : « Maintenant en se promenant dans Alger, les signes de la dégradation et du laisser-aller deviennent évidentes. Ici, une enseigne dont certaines lettres sont éteintes la nuit, là dans un couloir d’administration ce sont les poignées de portes qui manquent. L’autre jour, je ne sais où, j’avais remarqué dans un lieu public que l’horloge marquait six heures quelque chose à midi. Partout un détail de cette nature attire l’attention…Si d’ici un an une réaction forte et clairvoyante (…) n’a pas lieu, la Révolution qui a coûté au peuple sept années de sacrifices sera morte.»

A l’évidence, pour Bennabi la Révolution devait être un affranchissement, mais aussi et surtout l’établissement d’un ordre impeccable car « le désordre fait la servitude » comme s’exclamait Péguy. Il semble alors désenchanté de tout : « Aujourd’hui (bien sûr Bennabi parle ici pendant la période postcoloniale, probablement en 1963), le restaurant chic sur le bord de la mer devient une gargote. Le matériel roulant s’épuise et ne peut pas être remplacé aisément. Le service qui fonctionnait à plein effectif fonctionne aujourd’hui au tiers de son effectif normal et peut-être à un centième de sa capacité technique, les lampes qui s’éteignent dans les rues ne sont pas remplacées ou le sont lentement. Les routes ? L’équipement mécanique ? La pharmacie ? Des points d’interrogation angoissants… »

Ces constats de Bennabi ne sont que la traduction du rapport entre l’esthétique et l’action : « Même l’activité la plus insignifiante est liée à une certaine esthétique » écrit-il dans Les Conditions de laRenaissance.

L’idée donc de l’esthétique qui s’associe à la période postcoloniale est parfaitement établie dans ces passages de Bennabi : « Des indices de relâchement existent bel et bien aujourd’hui dans notre secteur public en particulier vit encore sur ce que le colonisateur (c’est nous qui soulignons)nous a laissé en partant.

Quand ce capital sera épuisé, que ferons-nous si l’impôt ne rentre pas, si le fonctionnaire ou l’employé néglige son devoir ? Et Bennabi d’une façon simple et concrète poursuit : « A titre d’exemple, le matériel roulant de notre réseau de chemin de fer, s’épuise à vue d’œil, parce que visiblement l’entretien est négligé. Sans parler de l’horaire qui est fréquemment inobservé sur une ligne importante comme la ligne Constantine-Alger.

Il est donc urgent de repenser, les problèmes du pays » et il convient de constater « quand le mot indépendance devient la justification de certaines négligences qui pèsent sur notre marche.» Mais le temps (on devrait dire l’homme de la décadence) à fait son œuvre et le constat est amer.

Autre page aussi importante et qui montre la profonde sensibilité esthétique de Bennabi : « Dans la chambre où je suis au 5e étage de l’Hôtel Budapest, je vois une fenêtre de l’immeuble d’en face fleurie. Les occupants du lieu semblent entretenir leur culte des fleurs multicolores que j’aperçois dans un baquet qui occupe toute la largeur de la fenêtre. Cet aimable détail me rappelle brusquement que je n’ai pas vu, même en Ouzbékistan, une fenêtre garnie de linge étendu comme dans les beaux quartiers d’Alger. Même le socialisme n’exclut pas le goût.». On est en 1967.

Qui a vécu après Bennabi, peut constater qu’à Alger par exemple, après la période postcolonial, la plupart des immeubles sont devenus des cloaques, tant il est vrai « qu’il y a une relation directe entre la grandeur et l’architecture, ses qualités esthétiques, et la grandeur d’un peuple. Une période pauvre en architecture me semble correspondre à une période de faiblesse ». Ce qui n’a pas fini d’être vrai.

Il est entendu que par ces observations importantes, et dans son développement logique, Bennabi aura établit un rapport entre esthétiqueet colonialisme. Il fut le seul. Si l’explication est ici esthétique car « le goût de la beauté, donnera le goût du parfait, celui qui aura vraiment le sens du beau aura le mépris de l’inachevé », pour Ibn Khaldoun, elle sera d’ordre sociologique, celle qui a trait au rapport entre le nomadisme (al-badw) et la civilisation (umran).

L’esprit nomade est par essence même un esprit de transhumance, de déplacement incessant, « or, nous dit Ibn Khaldoun, c’est là l’antithèse et la négation de la sédentarisation (maskun), qui produit la civilisation. » Ce point de vue n’a pas échappé à Bennabi, il écrit dans Idée d’un Commonwealth islamique : « Si dans la société musulmane le problème de l’homme se pose d’une manière générale, il est un aspect sous lequel il doit être considéré plus particulièrement : celui du nomadisme.

Le nomade est un homme non encore intégré au processus d’une civilisation. En effet, dans le bilan de la vie sociale d’un milieu donné, il figure comme un élément nul ou neutre parce qu’il n’agit dans ce milieu, ni sur son équilibre économique, ni sur son équilibre culturel, et il peut déranger son équilibre politique quand des influences étrangères s’en mêlent, comme on l’a vu bien souvent dans les pays musulmans.

Or de nombreux pays musulmans comptent dans leur population un important pourcentage d’éléments nomades qui, en tant que tels, ne sont pas intégrés à la vie sociale et constituent, pour ainsi dire, l’indice le plus certain de l’état pré-social dans lequel se trouvent ces pays.

Plus ce pourcentage croît dans le pays, plus son état mental se rapproche des conditions définies par la psychologie infantile. Et si une étude systématique était faite sur le sujet, on se rendrait certainement compte, en appliquant des tests appropriés, de l’effet du pourcentage nomadique sur le niveau mental d’un pays. Et bien entendu, comme il faut s’attendre à ce que cet « effet » devienne « cause » - ce qui est normal dans un processus social - on voit quelle conséquence il peut avoir par exemple sur le facteur sol.

Le nomadisme agit sur le sol non seulement d’une façon numérique, du fait qu’une certaine partie de la population n’y est pas positivement fixée, mais il agit aussi psychologiquement : l’état du sol étant en partie le reflet d’une certaine psychologie sociale. Donc d’un point de vue technique, le problème du sol se greffe naturellement sur le problème de l’homme. Mais en outre, il a sa spécificité. La plupart des pays musulmans en effet possèdent une partie plus ou moins importante de leur territoire à l’état désertique ou semi-désertique.

Or, là où l’homme est nomade et le sol à l’état désertique ou semi-désertique, c’est l’assise même de la vie sociale qui fait défaut : c’est l’infrastructure naturelle de la civilisation qui manque.»

Car à voir de près, les nations, les sociétés, les empires et même les individus se distinguent par leur proximité de la civilisation. Dans Colette Baudoche, Maurice Barres a pour le moins traduit cette conception en écrivant : « Mais à son insu, dans ce garni messin (Bennabi aurait dit ambiance A.S.), il subit l’agrément d’une certaine supériorité d’hygiène et de goût. Et à vrai dire, il n’y fallait pas voir une réussite de l’excellence de Mme Baudoche, mais plutôt l’effet modeste d’une vieille civilisation. » Ou à autre endroit : « J’ai plusieurs fois regardé, écrit Barres, dans les villages messins des écoliers qui s’en allaient abîmer leur esprit clair sous les mots allemands du maître étranger. En dépit de cet embarras, ils travaillent plus et comprennent mieux que les enfants des envahisseurs. Cela s’explique : ils sont civilisés depuis plus de siècles.»

Il est, pour toute civilisation, des traits qui la caractérisent du point de vue scientifique, technique, et dans l’ordre intellectuel et moral. Elle a alors un pouvoir émissif et d’assimilation. L’apport peut être aussi dans l’architecture, et on voit cette conviction et admiration chez Jules Verne : « En quelque années, le génie colonisateur (c’est nous qui soulignons) de la Grande-Bretagne y avait fondé une ville importante et crée un port.» Jules Verne, Le tour du monde en 80 jours, Bibliothèque d’éducation et de récréation, Paris, 1979, p.150).

A la fin de l’ouvrage et après avoir développé les conditions de la renaissance et essayé de poser les jalons d’une société civilisée, Bennabi préoccupé par le rôle et la responsabilité de cette société envers les « autres » de sa « conscience pour participer au drame de ce monde, écrit : « Notre époque peut-elle enfanter une civilisation qui soit celle de l’humanité et non celle ‘un peuple et d’un bloc ? »

- L’individu musulman a-t-il les possibilités d’être un civilisateur ?

- Le monde musulman est-il un groupe humain susceptible de favoriser les dispositions de l’individu, en vue d’une civilisation ?

Questions fondamentales. Il reconnait, en outre, qu’il y a l’homme civilisé, l’homme à civiliser, mais il n’y a pas l’homme civilisateur. Le drame est là.

Ce constat par sa force et son intensité, nous amène à nous poser les questions suivantes : comment mesurer le degré d’une civilisation d’une société ? Quelles sont les valeurs de la civilisation ? Sont-elles universelles ? Ya t-il une civilisation ou des civilisations ? On parle de peuples « non civilisés », « société archaïque », des peuples « naturels » (Naturevölker), civilisation « primitive », civilisation « inférieure ». L’opposition peuples civilisés-peuples barbares est-elle justifiée ? « L’Occident est-il le seul dépositaire de la civilisation et doit-il en être le missionnaire ? Apporte t-il avec cette mission des « valeurs dont les conséquences sont la science, la justice, l’égalité et les valeurs humaines ? La civilisation européenne est-elle « indemne de vieillesse et de mort ? » selon l’expression de F. Mitterrand.

Si une civilisation ne connaissait pas ce que Toynbee appelle le breakdown, serait-elle apte à conduire l’humanité vers la « Grande Société » avec cette conscience de ce que le P.Teilhard de Chardin appelle la « planétisation ».

C’est dans le même ordre d’idées que Paul Valéry, en deux phrases qui furent célèbres : Où val’Europe ?, va être animé du même souci et poser le problème du destin de l’humanité lié au destin de la civilisation européenne.

La question dépasse celle de la domination exercée par une minorité (l’Europe) sur le reste du monde. Le destin de l’humanité dépend t-il de celui de l’Europe ?

Paul Valéry, chose fondamentale, va définir aussi les qualités qui lui ont assuré la prééminence en ces termes : « Considérez un planisphère. Sur ce planisphère, l’ensemble des terres habitables. Cet ensemble se divise en régions, et dans chacune de ces régions, une certaine qualité des hommes. A chacune de ces régions correspond aussi une richesse naturelle, un sol plus ou moins précieux, un territoire plus ou moins irrigué, plus ou moins facile.

L’idée de culture, d’intelligence, d’œuvres magistrales est pour nous une relation très ancienne –tellement ancienne que nous remontons rarement jusqu’à elle, avec l’idée de l’Europe. Les autres parties du monde ont eu des civilisations admirables, des poètes du premier ordre, des constructeurs, et même des savants. Mais aucune partie du monde n’a possédé cette singulière propriété physique : le plus intense pouvoir émissif uni au plus intense pouvoir absorbant. Or, l’heure actuelle comporte cette question capitale : L’Europe va-t-elle garer sa prééminence dans tous les genres ? L’Europe deviendra-t-elle ce qu’elle paraît, c’est-à-dire la partie la plus précieuse de l’univers terrestre, la perle de la sphère, le cerveau d’un vaste corps ?

Nous avons suggéré tout à l’heure que la qualité de l’homme devait être le déterminant de la précellence de L’Europe… » Qualité de l’homme, certainement. Bennabi était très attaché à « l’efficacité de l’homme comme facteur de civilisation ». La force qui nous manque. On retrouve ici chez Valéry le concept normatif de la civilisation, et la conception linéaire de l’histoire.

Le mot civilisation se confond avec l’Occident, et la France en est l’incarnation. Guizot écrit : « Ce n’est pas un choix arbitraire ni de convention que prendre la France pour centre de cette étude (de la civilisation en Europe) ; c’est au contraire se placer au centre de la civilisation elle-même.» ou Veuillot : « Le peuple de France parut longtemps le plus apte à la civilisation ; l’on tient encore que la civilisation ne saurait être complète que par lui et peut-être qu’en lui.»

Cependant, cet égocentrisme occidental a été revu et dénoncé par certains écrivains (Les frères Tharaud, Pierre Loti, Victor Segalen), ainsi que les méfaits de la colonisation. Maurice Delafosse apporte des précisions et fait observer que : « Si par "civilisation "on entend l’état de la culture générale, sociale, morale et matérielle auquel sont arrivées les grandes nations e l’Europe et de l’Amérique, il est bien certain que l’on est forcé de considérer les indigènes du Soudan comme ne faisant pas partie de ce que l’on appelle communément le monde civilisé. Mais si l’on attribue au mot " civilisation "son sens véritable, c’est-à-dire si on entend par ce mot l’état actuel de culture de n’importe quelle société ou nation, si, en d’autres termes, on parle des " civilisations "et non de la "civilisation "- la nôtre -, on est bien obligé d’admettre que, pour avoir une culture et un état social fort différents des nôtre, les habitants du Soudan n’en ont pas moins des civilisations qui valent la peine d’être étudiées et décrites.»

Telle est la préoccupation, voir la curiosité des Occidentaux : étudier et comprendre les autres. Entre le concept descriptif et le concept normatif de la civilisation, quel est la théorie de Bennabi sur le sujet ? Préoccupé et extrêmement affecté par l’état de la décadence du monde musulman, il ne pouvait accepter cette approche. Il voit une approche spécifique « le monde arabe et musulman - à la différence du monde occidental et du monde communiste - il ne s'agit pas seulement de comprendre le phénomène culture, mais de le réaliser.»

Il adopte ce ton tranchant en écrivant : « Qu’est-ce qu’une civilisation ? Quand on pose cette question, on peut avoir à l’esprit diverses préoccupations, notamment celle de l’anthropologie pour qui " toute forme d’organisation de la vie humaine ", dans n’importe quelle société, développée ou sous-développée, est une civilisation.

Cette acception du terme est trop large (…) dans un pays qui lutte précisément contre les difficultés du sous-développement. Si la forme de vie qu’il a hérité de l’ère de la colonisabilitéet du colonialisme est une " civilisation ", la question posée est superfétatoire.»

« La civilisation n’est pas toute forme d’organisation de la vie humaine dans toute société mais une forme spécifique propre aux sociétés développées, spécifiée ans l’aptitude de ces sociétés à remplir une certaine fonction à laquelle la société sous-développée n’est adaptée ni par son vouloir ni par son pouvoir, ou si l’on veut, ni par ses idées ni par ses moyens.»

Des idées claires et précises qui sortent de ses entrailles et donnent du poids à tous les mots, parce qu’il vit et souffre le problème de la décadence dans sa chair
N
15 décembre 2012 21:54
hey t'as ramené ta fraisoo! ...naze le jeu de mot

les idées, l'essence d'une civilisation.
"notamment celle de l’anthropologie pour qui " toute forme d’organisation de la vie humaine ", "
les fourmis aussi sont organisées, très organisées même, sans système économique et scolarisation...
mais une fourmi philosophe j'en connais pas des masses.

Nos critères pour juger le degré de civilisation d'un peuple sont à revoir.
on peut être aussi organisé qu'on le veut mais si les idées sont mortes, en quoi une société peut être "civilisée"?
chacun à une interprétation bien à lui de ce qu'est une civilisation, surtout dans un monde comme celui ci régi par des codes lourds mais obsolètes.

et.. c'est tout

ouai je sais, ya pas grand chose mais j'ai la meuflé.
très bon texte sinon. thanks
 
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