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Au temps maudit des colonies
I
31 janvier 2006 10:50
Au temps maudit des colonies…




« La Nation exprime sa reconnaissance aux femmes et aux hommes qui ont participé à l'oeuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d'Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine ainsi que dans les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française (article 1).
Les programmes de recherche universitaire accordent à l'histoire de la présencefrançaise outre-mer, notamment en Afrique du Nord, la place qu'elle mérite. Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l'histoire et aux sacrifices des combattants de l'armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit. La coopération permettant la mise en relation des sources orales et écrites disponibles en France et à l'étranger est encouragée (article 4) ».
Non, la colonisation ne fut pas positive
« Reconnaissance », « œuvre accomplie », « positif ». Les qualificatifs présents dans le désormais célèbre texte de loi du 23 février dernier, ont vraiment de quoi choquer. Je ne crois pas qu'on ait encore bien saisi la portée, les visées et les causes qui ont dicté sa rédaction. Cette loi est tout bonnement la loi la plus grave de l'histoire française depuis la période de Vichy. Elle justifie, légitime et réhabilite rien moins que le principe de colonisation, si cher à Jules Ferry. Elle condense en quelques lignes seulement un mélange de négationnisme, de mensonge et de mépris face à ce que fut la souffrance de millions de victimes.
Non, la colonisation ne fut pas positive. Pas pour les autochtones algériens, malgaches et indochinois, dépossédés de leurs terres, de leurs libertés, de leurs cultures et tout simplement de leurs vies.
La violence symbolique de cette loi, écrite non en 1830, mais en 2005, marque une nouvelle fois l'une des pages les plus sombres de la République française.
Elle consacre définitivement la rupture des élites, politiques et médiatiques françaises avec ces citoyens de seconde zone, indésirables et marqués du sceau indélébile de l'altérité. Elle ajoute à l'injustice sociale du présent (discrimination, exclusion), l'injustice symbolique du passé (amnésie de l'histoire coloniale).
Elle nous offre, une fois de plus, le sinistre exemple de ce que peut être l'utilisation et l'instrumentalisation de la loi à des fins identitaires et idéologiques inavouées, car inavouable.
Une loi votée en catimini, à une heure désertique de l'Assemblée nationale. Une loi qui n'a pas suscité de réactions réelles, jusqu'à récemment, de la part des habituelles « consciences morales » de ce pays, si promptes à monter au créneau quant il s'agit de l'antisémitisme, de la laïcité ou de l'insécurité.
Après l'exclusion violente, radicale, puis silencieuse, du « voile », officialisée par une loi en mars 2004, exclusion du champs socio-éducatif, voici l'exclusion toute aussi violente et radicale de la vérité historique du champs de la mémoire nationale.
Diviser pour mieux régner
Il faut avoir vu et entendu tous les acteurs, émissaires et thuriféraires de cette loi pour en saisir toute l'horreur. Voir et entendre Arno Karsfeld, avocat, citoyen français qui a effectué son service militaire en Israël, qui défendait il y a peu l'intervention américaine en Irak, qui, compte tenu du lourd passif existant entre les communautés judéo-arabes et de son incompétence en terme d'expertise historique, n'a visiblement pas la distance idéologique requise pour ce genre de travail, le voir donc remettre un rapport, tout personnel, sur la base de ses propres « vues », sans avoir auditionné personne sinon sa personne, au ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, pour comprendre les raisons inavouées du gouvernement et le message politique qu'il exprime ainsi. Entendre le même avocat, sur de nombreux plateaux télé, rétorquer à ses détracteurs que « l'histoire n'est pas le pré carré des historiens », qu'abroger cette loi « reviendrait à abroger la loi Gayssot, la loi reconnaissant le génocide arménien et celle reconnaissant l'esclavage comme crime contre l'humanité » ou encore « qu'il faut voir les deux aspects de la colonisations : les méfaits et les aspects positifs ».
Des faux arguments qui témoignent contre son auteur puisque toutes les lois citées ne positivent et ne réhabilitent en aucun cas les crimes qu'elles dénoncent. C'est tout le problème de la loi du 23 février et de l'argumentation du gouvernement qui nous refait le coup du diviser pour mieux régner. Diviser les causes mémorielles pour mieux les contrôler.
Entendre et voir Patrick Devedjian, ministre du gouvernement actuel, sarkozyste, arborer un grand sourire méprisant, de complicité et d'approbation, aux propos de son ami Karsfeld. La chose est entendue. Soit.
Rappelons seulement à tous ces bienfaiteurs de la colonisation quels éléments positifs le colonisateur apporta en Algérie. Saint-Arnaud, maréchal de France, s'en exprima longuement dans une correspondance avec le général Bugeaud, dès 1841.
« Nous resterons jusqu'à la fin juin à nous battre dans la province d'Oran, et à y ruiner toutes les villes, toutes les possessions de l'émir. Partout, il trouvera l'armée française, la flamme à la main. » (Mai 1841).
« Mascara, ainsi que je te l'ai déjà dit, a dû être une ville belle et importante. Brûlée en partie et saccagée par le maréchal Clauzel en 1855. »
« Nous sommes dans le centre des montagnes entre Miliana et Cherchell. Nous tirons peu de coups de fusil, nous brûlons tous les douars, tous les villages, toutes les cahutes. L'ennemi fuit partout en emmenant ses troupeaux. »
« Entouré d'un horizon de flammes et de fumée qui me rappelle un petit Palatinat en miniature, je pense à vous tous et je t'écris. Tu m'as laissé chez les Brazes, je les ai brûlés et dévastés. Me voici chez les Sindgads, même répétition en grand, c'est un vrai grenier d'abondance…Quelques-uns sont venus pour m'amener le cheval de soumission. J'ai refusé parce que je voulais une soumission générale, et j'ai commencé à brûler. » (Ouarsenis, octobre 1842).
« Des tas de cadavres pressés les uns contre les autres et morts gelés pendant la nuit ! C'était la malheureuse population des Beni-Naâsseur, c'était ceux dont je brûlais les villages, les gourbis et que je chassais devant moi. » (Région de Miliana, 1843.)
"J'ai laissé sur mon passage un vaste incendie. Tous les villages, environ deux cents, ont été brûlés, tous les jardins saccagés, les oliviers coupés. » (petite Kabylie, mai 1851).
Réponse du général Bugeaud. « Plus d'indulgence, plus de crédulité dans les promesses. Dévastations, poursuite acharnée jusqu'à ce qu'on me livre les arsenaux, les chevaux et même quelques otages de marque…Les otages sont un moyen de plus, nous l'emploierons, mais je compte avant tout sur la guerre active et la destruction des récoltes et des vergers. »
(18 janvier 1843).
« J'espère qu'après votre heureuse razzia le temps, quoique souvent mauvais, vous aura permis de pousser en avant et de tomber sur ces populations que vous avez si souvent mises en fuite et que vous finirez par détruire, sinon par la force du moins par la famine et les autres misères. »
« J'entrerai dans vos montagnes ; je brûlerai vos villages et vos maisons ; je couperai vos arbres fruitiers, et alors ne vous en prenez qu'à vous seuls. » (Discours à la Chambre, le 24 janvier 1845.)
Assez messieurs Chirac, Sarkozy, Debré, Karsfeld. Assez.
Nous sommes convaincus…



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