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Témoignage. "Moi, ex-condamné à mort …"
h
3 mars 2005 19:11
Témoignage. "Moi, ex-condamné à mort …"

Le prince héritier Abdullah,
à l'ouverture de la conférence
anti-terroriste (AFP)
Le sergent Farid Belmejdoub n’a pas pris part au coup d’État de Skhirat. Mais l’acharnement de l’appareil policier et judiciaire l’a voué au couloir de la mort. Récit d’un cauchemar vieux de 34 ans.


Quand la condamnation à mort a été prononcée, les pensées de Farid ont vacillé, la terre a tourné autour de lui. "J'étais à demi inconscient, j’avais l’impression d’entendre la prière des morts et je crus que ceux qui la disaient procédaient à mon enterrement. C'était sinistre". Puis ce fut le trou noir, une sorte
de coma profond dû au choc de la nouvelle. Farid Belmejdoub n’a finalement pas été exécuté, du moins pas au sens physique du terme mais 34 ans après ce cauchemar, il n’arrive pas à oublier. Il n’arrive d’autant pas à oublier que pour accepter son dossier, les gens de l’IER lui ont demandé de faire le tour des lieux, des personnes qui peuvent témoigner de son calvaire, de retrouver la trace de son séjour dans le sinistre itinéraire. "Il m’est difficile de reconstituer le fil des événements avec précision. Transporté d’un lieu de détention à l’autre, jeté des semaines durant dans le noir, j’ai perdu la notion de temps".
Normal. Le jeune et fringant sous-officier de l’époque a eu droit à la totale : disparition forcée, détention arbitraire et tortures en tous genres pour avouer un crime imaginaire. Car le seul crime du jeune sous-officier de l’époque, ce fut de se trouver au mauvais moment, au mauvais endroit, en face de la mauvaise personne. Le mauvais moment, c’était de rentrer de permission le 10 août 1971, le jour même de la tentative de coup d’Etat de Skhirat. Le mauvais endroit, c’était la gare de Fès squattée par la police qui recherchait les mutins. Et la mauvaise personne, c’était le commissaire Lhaj Lamarti. Muté par mesure disciplinaire à Fès après avoir eu des démêlés avec l’oncle de Farid à Sidi Kacem, le commissaire, plutôt rancunier, n’a pas hésité un seul instant à faire embarquer le jeune sergent. Ce qui n’arrangeait pas les choses c’est que le jeune garçon, un athlète accompli, plutôt beau gosse, semblait avoir l’arrogance des fils de riches à qui tout sourit et à qui tout réussit.

Le tour des centres de détention
Placé de force dans l’armée par un papa, riche propriétaire terrien, mais plutôt conservateur, Farid ne savait pas que ce retour de permission était en fait un ticket pour l’enfer. Même si, lui, faisait la bringue pendant que ses camarades de promo faisaient le coup de feu à Skhirat, il ne sera pas épargné. En attendant le 24 mars 1972, date de sa condamnation à mort (pour rien), il aura droit à un traitement exceptionnellement avilissant. Tazmamart, c’était du gâteau par rapport à ce qui l’attendait. La descente aux enfers allait se faire en plusieurs étapes. Chaque étape avec son lot de souffrances physiques, psychologiques et morales. Prisons officielles, centres de détention secrète, officines des services, sans oublier la fameuse salle de cinéma de la DGSN où il a eu à répondre aux officiers de la DST Française chargés de sous-traiter les mutins. Pourquoi tant d’acharnement contre un sergent visiblement innocent ? Dans l’esprit (dérangé) des tortionnaires, quelqu’un qui n’avouait pas, qui ne donnait pas le nom de ses chefs était extrêmement dangereux et devait avoir droit à un traitement spécial. Alors qu’en réalité le pauvre bougre n’avait tout simplement rien à avouer puisqu’il n’avait pas été mis au parfum par les putschistes et n’était pas, par conséquent, au courant des desseins de Mhammed Ababou et de sa bande.
Un détail avait pourtant contribué à l’enfoncer. En janvier 1971, il y avait eu la première tentative d’assassinat de Hassan II à El Hajeb, épisode que l’histoire n’a pas retenu. En effet, Ababou et ses complices avaient tout préparé. Le roi qui devait assister à des manœuvres militaires dans les montagnes surplombant la bourgade devait être tué par les officiers à l’instant même où les armes tonneraient sur le champ de tir. Or, au dernier moment, alors que les manœuvres étaient déjà bien avancées, le roi, alerté, va s’enfuir précipitamment à bord d’un hélicoptère de l’armée. Malheureusement, parmi les commandos qui effectuaient les manœuvres, le commando d’élite no 5 était piloté par le sergent-chef Farid Belmejdoub. Or, tous ses compagnons, ayant faire leurs preuves à El Hajeb, avaient été recrutés pour Skhirat. Le fait qu’il fasse l’exception, personne n’a voulu le croire.
Après son arrestation, le jeune sous-officier à la décapotable rouge a fini par récolter le must en la matière. La tristement célèbre prison de Aïn Kaddous de Fès constitue la première halte vers l’inconnu. Ici, ce sont les propres matons qui sont chargés d’appliquer aux prisonniers les bonnes vieilles méthodes, notamment le supplice de la bouteille et le perroquet. Dans les cellules surpeuplées, la chaleur était insoutenable, intolérable. L'énervement gagnait les prisonniers.
"Pour ma part, assoiffé comme tous, je léchais au petit matin les bords en acier de la porte, là où la sueur, s'étant distillée, formait une sorte de rosée. Ma langue était pleine de saletés mais j'avais l’impression d'avoir ingurgité un peu d'eau".
Les évanouissements se multipliaient. Alors les prisonniers se passaient, à bout de bras, le compagnon de cellule pour le faire respirer à la lucarne, particulièrement surélevée. Ensuite un tour de rôle fut organisé pour que chacun vienne respirer de temps à autre. Quelques jours après, garrotté comme une bête, Farid va être transporté avec d’autres prisonniers à Rabat, dans une caserne de la gendarmerie. Au menu, des séances de bastonnades subies sur un terrain de football.
"Je ne me rappelle plus de la dernière partie du voyage, je l'ai vécue inconsciemment. Toutefois, après être passé par une ville, qui devait être Khémisset, je me réveillais pour être de nouveau tabassé par le chauffeur qui s’arrêtait souvent pour soulager sa vessie". Après la gendarmerie, c’est le camp de la Brigade légère de sécurité, l’actuel camp Moulay Ismail qui fut transformé en cité dortoir pour les jeunes étudiantes. "Chaque jour, au même moment, des gardiens nous faisaient sortir en courant, nous comptaient au passage, avant de nous mettre un bandeau sur les yeux, nous menottaient les pieds et les mains et nous jetaient dans les coffres de voitures deux par deux. Bien avant l’aube, nous étions, je le pense, conduits, au bord de l’océan. Tout au moins il y avait des petits rochers au bas desquels couraient de grosses vagues. Voir cette eau, sans pouvoir l'atteindre, accentuait encore non seulement ma terrible soif mais grossissait ma terreur d’être noyé comme un rat ou balancé du haut des rochers dans le plus simple appareil".
Les coups fusaient de partout, Farid devait dire ce qu’il savait. Les questions étaient à la limite de l’absurde. Il devait donner le nom de l’officier qui avait jeté le prince héritier sidi Mohammed dans la piscine à Skhirat. Alors que les flics savaient pertinemment que le pauvre bougre avait été officiellement arrêté au retour de sa permission et que par conséquent il n’avait pas assisté au coup d’État.
Autre grief qui revenait souvent dans les interrogatoires : "Comment se fait-il qu’un garçon de bonne famille, riche et instruit, ayant décroché son BEPC en 1963, s’était enrôlé dans l’armée avec le grade de sous-officier ?"
Quatrième destination, la prison centrale de Kénitra. Par petits groupes, les arrivants se dirigeaient vers une grande salle. "Nous y sommes allés, nous aussi, vers l'inconnu...". Vers un procès ubuesque, où il sera jeté dans le couloir de la mort.

Sauvé par la folie ?
"À ma descente de l’estafette de la police, j’ai reconnu mon ex-instructeur, un certain Cherti qui s’occupe, aux dernières nouvelles, de la direction du centre sportif du Kawkab de Marrakech. Quand je lui ai demandé de prévenir ma famille, il m’a répondu cyniquement : “À quoi ça sert puisque tu ne les reverras plus”". Après le jour où Oufkir est venu voir Akka, l’un des principaux putschistes, les prisonniers eurent désormais droit à une sortie hebdomadaire d’une heure pour profiter du soleil. "Quelques jours après, quand un gardien, un grand gaillard qui devait friser la cinquantaine, me sauta dessus, je sus qu’il était rentré pour tenter de me violer. Alors, malgré ma faiblesse, je ne sais pas comment je suis arrivé à le cogner, à le mordre, le griffer. La rage m’étouffait tellement que je ne sentais plus mes dents se casser contre ses os, j’ai failli le tuer. Dans l’après-midi, je suis convoqué dans le bureau du directeur, le redoutable colonel Bouazza. Dès que je me présentai devant lui, les bras menottés, il me dit me fixant droit dans les yeux “enlève le pantalon !” J’ai senti le sol se dérober sous mes pieds. Ayant compris que je n’allais pas me laisser faire encore une fois, il me couvrit d’insultes, les unes plus obscènes que les autres. Le gardien qui me ramena à ma cellule me donna une tape sur le dos en me promettant une bonne rigolade pour le lendemain". En fait de rigolade, le jeune prisonnier allait avoir l’honneur de passer la journée dans le "tombeau".
Véritable supplice de tantale, l’opération consistait à mettre le prisonnier dans un trou creusé spécialement pour l'opération dans la cour de la prison, dans un endroit particulièrement ensoleillé. Le prisonnier était placé tout nu dans la fosse avec de la confiture sur les parties sensibles de son corps, les quatre membres immobilisés par des cordes attachées à des pieux. Les insectes de tout poil se chargeaient du reste. C’était l’horreur au quotidien, des lieux et des hommes qui vous déniaient toute espèce d’humanité. Une sensation d’être abandonné de tous, doublée d’un profond sentiment d’injustice. Avec la condamnation à mort, le mince espoir de sortir vivant de cet enfer s’étant estompé, Farid n’avait plus qu’à sombrer allègrement dans la folie. Après tout, des prisonniers devenaient bien fous par la faim, la soif et les tortures. "Plus tard, quand j’ai tenté de me suicider, on m’a enfermé à l’infirmerie avec une camisole de force portée en permanence pendant des mois".
Cette brève incursion dans la folie
a-t-elle sauvé Farid du peloton d’exécution ? Qui sait ? En tout cas, quelques mois après, on vient lui annoncer qu’il allait passer quelques jours dans une prison normale avant d’être libéré.
"Quand le bus nous débarqua dans une sorte de cour, nous entendîmes quelqu’un demander : Où sommes-nous ? À la prison de Témara ! J’avoue que je n’ai jamais ressenti autant de soulagement à rentrer dans une vraie prison, avec de véritables prisonniers fussent-ils des criminels ! Et bizarrement comme dans les mauvais films de série B, la seule chose qui me vint à l’esprit à ce moment là, ce fut le refrain d’une chanson célèbre de l’époque “Nous avons toute la vie pour nous amuser, nous avons toute la mort pour nous reposer”".



© 2005 TelQuel Magazine. Maroc. Tous droits résérvés
c
3 mars 2005 20:15
quand je lis ce genre de temoignage ,je me dis non c est pas possible je suis pas marocain
4 mars 2005 12:44
Franchement c'est choquant ...
s
4 mars 2005 13:30
Si ca peux te soulager moi aussi j'étais victime du système de 1981-1986, l'époque ou mohamed 6 poursuivait ces études.Mon problème,c'était d'abord de l'extorsion du savoir,du harcélement moral et physique de la part de l'élite de la police, des awaks(agent de sécurité à la fac)....et même de la part de certains profs de gauche.
Aujourd'hui installé en France,même la nationalité Marocaine est refusée à mes gosses non pas officiellement mais sous prétexte que le prénom adam ou sami ce n'est pas arabe,je trouve ça minable et surtout de la part des fonctionnaires soit disant du peuple.Alors, dés qu'ils portent un nom Alaoui ils se prennent pour les fils du roi....
Moi je ne demande rien aujourd'hui sauf,sauf la paix.....
Trois choses à ne pas chercher au maroc
-un frère humain san défaut
-un homme d'action dont le coeur s'ccorde avec ses actes
_un savant dont le savoir corresponde à son savoir.....
r
15 mars 2005 22:46
sinic je te souhaite de tout coeur de la trouver cette paix.
la France n'est pas un Eldorado, dommage que certains le croient encore..

parfois j'ai honte d'être française.. et j'en ai marre de ce monde qui marche sur la tête.
allez au forum association "les enfants des montagnes", vos frères et soeurs.. ont besoin de vous, rapprochez vous des assos, aidez-les merci :)=ooo(^_^)ooo=
t
15 mars 2005 22:49
Contrairement a la nationalite marocaine .. tu peux demander a ne plus etre française!! Ce n'est pas une fatalite pour toi!!

Arretez de cracher dans la soupe!!
r
15 mars 2005 23:03
ma soupe je la mange et avec plaisir.. méé tu es sale toi avec ta propostion smiling smiley

il n'y a pas de société idéale, mais j'en ai marre que la France se fasse passer à l'étranger pour ce qu'elle n'est vraiment pas (une terre d'accueil) les français ont la vie dure.. même s'il y a pire ailleurs.
f
15 mars 2005 23:39
Moi, je suis fier d'être Français, c'est mon pays,il n'est pas parfait mais il reste le mien et je l'aime.......je me bagarre tous les jours pour qu'il change dans le bon sens....c'est la vie et rien n'est parfait...


je trouve exécrable le comportement de certaines personnes
r
21 mars 2005 00:38
faridsolimen a écrit:
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> Moi, je suis fier d'être Français, c'est mon
> pays,il n'est pas parfait mais il reste le mien et
> je l'aime.......je me bagarre tous les jours pour
> qu'il change dans le bon sens....c'est la vie et
> rien n'est parfait...
>
>
> je trouve exécrable le comportement de certaines
> personnes
>


tu as une âme de don quichotte smiling smiley
belle vie à toi..
allez au forum association "les enfants des montagnes", vos frères et soeurs.. ont besoin de vous, rapprochez vous des assos, aidez-les merci :)=ooo(^_^)ooo=
 
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