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Survivre à la marocaine
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6 janvier 2005 03:53



Ils font partie de ce paysage du Maroc qu’on veut à tout prix cacher, surtout lorsqu’on prétend dans les brochures et les clips touristiques que c’est le plus beau pays du monde. Ils sont partout dans les villes: ils vous abordent quand vous circulez à pied ou en voiture, lorsque vous visitez les marchés, les centres commerciaux, les rues marchandes, les administrations, ils sont les premiers à vous proposer leurs services.
Ils sont des centaines de milliers à faire partie de ce que les économistes appellent, sans trop aller dans le détail, l’économie informelle; informelle parce qu’elle réunit un conglomérat de métiers et d’activités qui échappent à leurs catégorisations, mais surtout parce qu’ils sont «hors la loi»: ils ne sont pas assujettis à la législation du travail, n’ont pas de patente, n’ont pas de local et ne paient par conséquent pas d’impôt. Ils sont perçus comme des parasites, des empêcheurs de tourner en rond, un fléau social.
Les élites des villes, mais aussi les plus honnêtes des citoyens parmi ce qu’on appelle la petite bourgeoisie, succombent parfois à la mentalité de rejet et véhiculent des idées qui suggèrent l’interdiction d’activité ou l’éradication. Il est vrai que si on n’a pas connu la misère, il est difficile de se mettre à la place de tous ces gens qui s’efforcent de survivre. Mais qui sont ces citoyens qui sont parfois plus rejetés que les mendiants?
Ils appartiennent à toutes les catégories d’âge et viennent de tous les horizons: des jeunes et des moins jeunes, chassés des campagnes par la sécheresse et la misère, des vieillards sans ressources, des femmes abandonnées avec des enfants à nourrir, des diplômés chômeurs qui ne trouvent pas de place sur le marché du travail, etc. Leur point commun est de refuser de baisser les bras, de tendre la main pour mendier. Le plus souvent, ils ont une famille ou des enfants à charge, une scolarité à assurer et ils s’ingénient à se constituer un petit capital pour avoir un peu de revenu.
Sur cette population de gens qui vendent des services ou des objets de toute nature, peu arrivent à s’en sortir et à gagner suffisamment d’argent pour vivre. Certains métiers sont réservés aux femmes, aux vieillards et aux jeunes sans formation: cireur, laveur de voiture, vendeur de cigarettes au détail, ferrachas (vendeurs à l’étalage), loueurs de cartes téléphoniques, porteurs, etc. Ils gagnent en général juste de quoi vivre, 50 dirhams par jour à peine. D’autres se débrouillent mieux, parce qu’ils ont plus poussé leurs études ou sont même diplômés chômeurs: ils facilitent les démarches administratives (dans un pays où 45 % de la population est encore analphabète et où ni l’administration ni personne ne se soucie d’expliquer aux gens leurs droits et les démarches à suivre, c’est un service qui se révèle très utile), ils vendent des produits d’imitation (vêtements, lunettes, téléphones portables, VCD, etc.). Ceux-là arrivent parfois à bien gagner leur vie et peuvent se faire de 500 à 1000 dirhams par jour. Mais tous courent toujours le risque d’être emprisonnés ou de se voir confisquer leurs marchandises. Ils apprennent à éviter les descentes régulières de la police ou à acheter leur indulgence en leur versant une redevance.
L’Etat a en fait une attitude ambiguë envers l’économie informelle. Tantôt il sévit contre les vendeurs (rafles, confiscation des marchandises, emprisonnement, harcèlement, etc.), tantôt il les tolère et se borne à mener des campagnes de sensibilisation du public au risque qu’il y a à acheter des marchandises de contrebande ou de contrefaçon. En fait les avis sont partagés, même chez les économistes qui réfléchissent au phénomène: il y a ceux qui sont partisans d’une éradication au nom de la «légalité» et qui préconisent la création d’emplois conséquents pour absorber la main-d’œuvre libérée. Devant l’utopie de cette issue, certains proposent une solution plus réaliste qui consisterait à reconnaître purement et simplement ces activités et à les intégrer à l’économie formelle.
Il semble qu’actuellement, l’Etat n’ait décidé de sévir que contre ceux qui commercialisent les produits «islamistes»: les vendeurs de cassettes vidéo et audio et d’autres gadgets au sortir des mosquées et aux abords des marchés.
 
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