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sharî'a et haqîqa
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19 février 2013 12:18
Assalam alaikoum

Je mets en partage ce texte de René Guénon (Abd al-Wâhid Yahyâ, né le 15 novembre 1886 à Blois, en France, et mort le 7 janvier 1951 au Caire, en Égypte, métaphysicien français).



De toutes les doctrines traditionnelles, la doctrine islamique est peut-être celle où est marquée le plus nettement la distinction de deux parties complémentaires l’une de l’autre, que l’on peut désigner comme l’exotérisme et l’ésotérisme. Ce sont, suivant la terminologie arabe, as-sharî'a, c'est-à-dire littéralement la « grande route », commune à tous, et al-haqîqa, c'est-à-dire la « vérité » intérieure, réservée à l’élite, non en vertu d’une décision plus ou moins arbitraire, mais par la nature même des choses, parce que tous ne possèdent pas les aptitudes ou les « qualifications » requises pour parvenir à sa connaissance. On les compare souvent, pour exprimer leur caractère respectivement « extérieur » et « intérieur, à l’ « écorce » et au « noyau » (al-qishr wa al-lobb), ou encore à la circonférence et à son centre. La sharî'a comprend tout ce que le langage occidental désignerait comme proprement « religieux », et notamment tout le côté social et législatif qui, dans l’Islam, s’intègre essentiellement à la religion ; on pourrait dire qu’elle est avant tout règle d’action, tandis que la haqîqa est connaissance pure ; mais il doit être bien entendu que c’est cette connaissance qui donne à la sharî'a même son sens supérieur et profond et sa vraie raison d’être, de sorte que, bien que tous ceux qui participent à la tradition n’en soient pas conscients, elle en est véritablement le principe, comme le centre l’est de la circonférence.

Mais ce n’est pas tout : on peut dire que l’ésotérisme comprend non seulement la haqîqa, mais aussi les moyens destinés à y parvenir ; et l’ensemble de ces moyens est appelé tarîqa, « voie » ou « sentier » conduisant de la sharî'a vers la haqîqa. Si nous reprenons l’image symbolique de la circonférence, la tarîqa sera représentée par le rayon allant de celle-ci au centre ; et nous voyons alors ceci : à chaque point de la circonférence correspond un rayon, et tous les rayons, qui sont aussi en multitude indéfinie, aboutissent également au centre. On peut dire que ces rayons sont autant de turuq adaptées aux êtres qui sont « situés » aux différents points de la circonférence, selon la diversité de leurs natures individuelles ; c’est pourquoi il est dit que « les voies vers Dieu sont aussi nombreuses que les âmes des hommes » (at-turuqu ila ‘Llâhi Ka-nufûçi banî Adam) ; ainsi, les « voies » sont multiples, et d’autant plus différentes entre elles qu’on les envisage plus près de leur point de départ sur la circonférence, mais le but est un, car il n’y a qu’un seul centre et qu’une seule vérité. En toute rigueur, les différences initiales s’effacent, avec l’ « individualité » elle-même (al-inniyah de anâ, « moi »), c'est-à-dire quand sont atteints les états supérieurs de l’être et quand les attributs (çifât) d’al-'abd, ou de la créature, qui ne sont proprement que des limitations, disparaissent (al-fanâ' ou l’ « extinction ») pour ne laisser subsister que ceux d’Allâh (al-baqâ' ou la « permanence »), l’être étant identifié à ceux-ci dans sa « personnalité » ou son « essence » (adh-dhât)."

"L’ésotérisme, considéré ainsi comme comprenant à la fois tarîqa et haqîqa, en tant que moyens et fin, est désigné en arabe par le terme général at-taçawuf , qu’on ne peut traduire exactement que par « initiation » ; nous reviendrons d’ailleurs sur ce point par la suite. Les Occidentaux ont forgé le mot « çufisme » pour désigner spécialement l’ésotérisme islamique (alors que taçawuf peut s’appliquer à toute doctrine ésotérique et initiatique, à
quelque forme traditionnelle qu’elle appartienne (ceci étant son propre avis)) ; mais ce mot, outre qu’il n’est qu’une dénomination toute conventionnelle, présente un inconvénient assez fâcheux : c’est que sa terminaison évoque presque inévitablement l’idée d’une doctrine propre à une école particulière, alors qu’il n’y a rien de tel en réalité, et que les écoles ne sont ici que des turuq, c'est-à-dire, en somme, des méthodes diverses, sans qu’il puisse y avoir au fond aucune différence doctrinale, car « la doctrine de l’Unité est unique » (at-tawhîdu wâhidune).

Pour ce qui est de la dérivation de ces désignations, elles viennent évidemment du mot çûfî ; mais, au sujet de celui-ci, il y a lieu tout d’abord de remarquer ceci : c’est que personne ne peut jamais se dire çûfî, si ce n’est par pure ignorance, car il prouve par là même qu’il ne l’est pas réellement, cette qualité étant nécessairement un « secret » (sirr) entre le véritable çûfî et Allah ; on peut seulement se dire mutaçawwif, terme qui s’applique à quiconque est entré dans la « voie » initiatique, à quelque degré qu’il soit parvenu ; mais le çûfî, au vrai sens de ce mot, est seulement celui qui a atteint le degré suprême. On a prétendu assigner au mot çûfî lui-même des origines fort diverses ; mais cette question, au point de vue où l’on se place le plus habituellement, est sans doute insoluble : nous dirions volontiers que ce mot a trop d’étymologies supposées, et ni plus ni moins plausibles les unes que les autres, pour en avoir véritablement une ; en réalité, il faut y voir plutôt une dénomination purement symbolique, une sorte de « chiffre », si l’on veut, qui, comme tel, n’a pas besoin d’avoir une dérivation linguistique à proprement parler ; et ce cas n’est d’ailleurs pas unique, mais on pourrait en trouver de comparables dans d’autres traditions. Quant aux soi-disant étymologies, ce ne sont au fond que des similitudes phonétiques, qui, du reste, suivant les lois d’un certain symbolisme, correspondent effectivement à des relations entre diverses idées venant ainsi se grouper plus ou moins accessoirement autour du mot dont il s’agit ; mais ici, étant donné le caractère de la langue arabe (caractère qui lui est d’ailleurs commun avec la langue hébraïque), le sens premier et fondamental doit être donné par les nombres ; et, en fait, ce qu’il y a de particulièrement remarquable, c’est que par l’addition des valeurs numériques des lettres dont il est formé, le mot çûfî a le même nombre que El-Hekmah al-ilâhiyah, c'est-à-dire « la Sagesse divine ». Le çûfî véritable est donc celui qui possède cette Sagesse, ou, en d’autres termes, il est al-'ârif bi’ Llâh, c'est-à-dire « celui qui connaît par Dieu », car Il ne peut être connu que par Lui-même ; et c’est bien là le degré suprême et « total » dans la connaissance de la haqîqa.
r
19 février 2013 18:32
Mashaallah, trés beau rappel, la shari3a horizontale ou la haqiqa verticale sont pour moi tel la terre et la construction, c'est complémentaire, on ne peut pas élever des étages si on a pas une terre, et avoir une terre sans la cultiver ou la construire c'est pas ça aussi, l'idéal est de jouer sur les deux tableaux
f
20 février 2013 10:49
Assalam alaikoum

Effectivement, la sharî'a, et comme vient dans le texte, étant la règle de base, et sans la règle rien ne peut se faire, rien ne peut se réaliser, et la haqîqa étant la réalisation.
On peut dire que la sharî'a étant l'aspect extérieur et la haqîqa l'aspect intérieur, formant un tout. Par exemple l'adoration, son aspect extérieur est rituel et son aspect intérieur est amour et connaissance.
 
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