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salaires au maroc dévoilés
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29 août 2006 17:18
Le ministre des Finances lève le voile sur les salaires des cadres marocains
Oualalou casse la tirelire

Longtemps tenu secret, le salaire des cadres de l’administration marocaine est aujourd’hui connu. Des sommes faramineuses qui ne correspondent pas aux responsabilités assumées ou à la situation économique du pays.

Aissa Amourag





Combien touche le Président directeur général d’un office public? Ou un ministre? Ou encore un gouverneur, un wali ou un ambassadeur? Les questions paraissent difficilement maîtrisables. Il y a quelques années, se poser des questions de ce genre était un acte sévèrement répréhensible parce qu’il bousculait un système fabriqué de privilèges et de passe-droits dont bénéficiaient surtout les plus hauts fonctionnaires de l’Etat. Personne n’osait en parler même au Parlement, devant les élus de la nation, qui ont pourtant le droit constitutionnel de suivre les dépenses de l’Etat. Le contribuable marocain, qui paie régulièrement ses impôts, ne sait pas où va son argent. La fonction publique, donnée pour moribonde et pléthorique, absorbe le plus gros du budget de l’Etat sous forme de dépenses de fonctionnement dont le niveau atteint souvent des dizaines de milliards de dirhams.

Chiffres

Porter ce sujet devant une commission parlementaire a été récemment l’acte courageux de Fathallah Oualalou, ministre des Finances et de la Privatisation, qui n’a pas lâché le sens de la franchise et de la transparence qui fait sa réputation aussi bien dans la sphère économique que politique. Il vient de faire tomber un tabou en évoquant en chiffres et en statistiques l’un des sujets les plus sensibles de la société marocaine. C’était devant la commission des Finances présidée par le député USFP (Union socialiste des forces populaires), Abdelkader El Benna. Celui-ci s’en félicite. Il affirme, avec fierté, avoir franchi un pas de géant en soutirant au ministre des Finances des chiffres considérés à l’époque comme inaccessibles sur une question dûment verrouillée par les cercles du pouvoir.
La sortie remarquée du ministre souffre toutefois d’une défaillance notable : les salaires des gouverneurs, des walis et des ambassadeurs n’ont pas été évoqués devant les élus de la nation. Et pour cause, estime Abdelkader El Benna, “les salaires de ces hauts commis de l’Etat sont déterminés par décret ministériel et sont soumis à un régime statutaire propre à eux et à eux seuls". La détermination de leurs émoluments obéit à un certain nombre de paramètres qui incluent l’importance des missions dont ils sont chargés, leur expérience dans les arcanes de l’Etat, et d’autres critères dont seule la grande administration détient le secret. Par contre, les secrétaires généraux des ministères, les directeurs des administrations centrales et les patrons des établissements publics ne sont plus, considérés comme des personnes protégées. Leurs émoluments, non plus ne sont plus des secrets. Le secrétaire général d’un ministère perçoit un salaire mensuel de 39.390 dirhams et le directeur d’une administration centrale 25.000 dirhams. Pas vraiment grand chose par rapport à ce qu’on pourrait croire. Mais, ne brûlons pas les étapes. Aux salaires nets d’impôts s’ajoutent des primes et des avantages, en numéraire et en nature, fixés en fonction des diverses responsabilités qu’ils assument.
Depuis 1998, année de l’entrée en fonction du gouvernement d’alternance sous la conduite de Abderrahman Youssoufi, une sérieuse action de rationalisation des dépenses publiques fut menée.

Rationalisation

Ainsi tous les frais remboursés par l’Etat, couvrant les consommations d’eau et d’électricité, ont été remplacés par un système de forfaits de 5.350 dirhams pour les secrétaires généraux des ministères et de 3.380 dirhams pour les directeurs des administrations centrales. Même système pour les consommations téléphoniques à domicile. Ainsi, un forfait de 5.350 Dh a été fixé pour les secrétaires généraux et un autre de seulement 800 Dh pour les directeurs des administrations centrales. L’emploi des voitures de fonction a été également réglementé. Seuls, en effet, les directeurs des administrations centrales se sont vu retirer leurs voitures de fonction en contrepartie d’une indemnité forfaitaire de 3.000 dirhams, versés mensuellement, pour couvrir les frais de fonctionnement de leurs voitures personnelles. Les autres hauts fonctionnaires de l’Etat, notamment les secrétaires généraux des ministères, n’ont pas été concernés par cette mesure.

Gratifications

Mais, la question qui se pose : comment se fait-il qu’une ébauche de réformes de la politique salariale au Maroc soit amorcée depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement de l’alternance mais qui ne soit communiquée que très récemment? Le déficit de communication de ce gouvernement y est pour beaucoup. Sous la pression des parlementaires, Fathallah Oualalou, après un silence de plusieurs années, a décidé de lâcher partiellement le morceau. Le plus surprenant, c’est qu’il a parlé des salaires des directeurs, et des présidents des établissements publics, notamment les offices. La structure des salaires de ces managers de l’entreprise publique est on ne peut plus alléchante. Composés d’éléments abondants comme le salaire de base, les primes de responsabilité, de logement, de représentativité ainsi que les primes et les gratifications annuelles, les salaires des directeurs et des présidents des établissements publics constituent des rêves pour les fonctionnaires de degré inférieur.
En somme, leurs salaires varient entre 20.000 et 125.000 dirhams, selon les chiffres avancés par l’argentier du pays. Sur la base de 150 patrons d’entreprises publiques sur lesquelles l’Etat exerce un contrôle régulier, 0,7%, perçoivent entre 120.000 et 125.000 dirhams. 2,7% entre 90.000 et 120.000 dirhams. 10% entre 60.000 et 90.000 dirhams. 39,6% entre 30.000 et 60.000 dirhams et 47% entre 20.000 et 30.000 dirhams. La moyenne de ces salaires est de 38.600 dirhams. Visiblement, et selon ces chiffres, on serait tenté de dire que nos directeurs des établissements publics sont sous-payés puisque environ la moitié d’entre eux touchent un salaire avoisinant les 30.000 dirhams.
Toutefois, le ministre reconnaît l’existence de gros salaires qui peuvent atteindre les 500.000 dirhams perçus par une minorité très limitée de patrons d’établissements publics. Certains sont reconnaissables, d’autres non. Ces super-patrons, le ministre ne peut rien modifier pour eux.
Leurs salaires mirobolants seront conservés, vu la période très longue qu’ils ont passée dans leurs postes, l’importance de leurs responsabilités et les secteurs stratégiques dans lesquels ils opèrent. Voilà pourquoi, selon le ministre, ces gros salaires font toujours honte à notre administration et à notre société. “Difficile, affirme le ministre, de procéder à leur révision". Pour tempérer ses propos, il fait une comparaison avec le secteur privé, où sont appliqués des salaires relativement supérieurs à ceux qui existent dans l’administration publique.

Révision

Par contre, il avance qu’il procèdera à la révision à la baisse des salaires jugés excessifs pour certains directeurs d’entreprises publiques dont la durée d’ancienneté ne dépasse pas 4 ans dans leurs postes. Le même sort sera réservé à tout nouveau directeur, dont le contrat sera désormais signé et ratifié par le ministre des Finances. Mais, cette catégorie constituée de hauts cadres de l’Etat qui perçoivent d’importants salaires ne constituent que 6% de la totalité des employés de la fonction publique.
Le reste, c’est-à-dire 94%, comprend les fonctionnaires dont les salaires sont inférieurs à 8.300 dirhams. Quant au SMIG (Salaire minimum interprofessionnel garanti), d’à peu près 1.650 dirhams jusqu’à 1.800 dirhams, ce sont près de 7% de la famille des fonctionnaires qui le perçoivent. 19% d’entre eux sont rémunérés de 1.800 à 2.700 dirhams. 28% de 2.700 à 3.400 dirhams, 29%, de 3.400 à 4.700 dirhams et 6% seulement de 4.700 à 7.100 dirhams.
Ces disparités salariales très flagrantes dans l’administration publique révèlent l’injustice de l’Etat vis-à-vis de ses employés.
Or, à chaque fois qu’apparaît le problème de l’importance de la masse salariale par rapport au budget de l’Etat, certains analystes et observateurs se hâtent d’évoquer un dégraissage du mammouth de l’administration marocaine. Certes, celle-ci est paralysée par un effectif pléthorique dont la productivité et l’efficacité s’éloignent encore des standards internationaux, mais le gonflement de la masse salariale est provoqué en bonne partie par les salaires faramineux dont jouit une minorité des fonctionnaires. Quant aux walis, gouverneurs et ambassadeurs, leurs rémunérations sont forcément plus importantes que celles des autres fonctionnaires.
Leur statut de représentants de l’Etat dans les différentes régions du pays et à l’étranger leur donne le droit de bénéficier d’une position socioéconomique très favorable. Le flou artistique qui entoure leurs émoluments est à attribuer à ce statut qui ne permet pas un accès facile à l’information.

Productivité

Une autre catégorie de fonctionnaires, mais qui ne l’est pas vraiment, pèse également de tout son poids dans la masse salariale de l’Etat.
Il s’agit des ministres, dont les salaires sont globalement connus. Sans rentrer dans les détails, les ministres toucheraient des salaires qui varient entre 50.000 et 60.000 dirhams, mais leurs primes sont différentes en fonction des responsabilités de chacun d’entre eux. Le Premier ministre, lui, toucherait entre 80.000 et 90.000 dirhams. Ils profitent tous d’une voiture de fonction avec chauffeur, d’un logement et de nombreux avantages sociaux très importants.
Même après leur départ du gouvernement, une indemnité à vie, d’environ 40.000 dirhams leur est allouée. Les plus officiels expliquent la subsistance de cette indemnité par le souci de l’Etat de préserver le statut socioéconomique des ministres après la fin de leurs missions. Histoire de leur renvoyer l’ascenseur après de bons et loyaux services. D’autres la regardent comme une incongruité d’un système préférentiel et de privilèges censé disparaître, pour une démocratisation plus concrète des institutions étatiques.
Dans tous les cas, l’Etat décaisse chaque mois d’énormes sommes; certaines, il faut le dire, sont justifiées et méritées, d’autres le sont moins, au profit de ses commis et employés.
Et qui paie en réalité ? C’est le contribuable, qui n’est autre que le citoyen marocain. Le respecter suppose une allocation rationnelle et scientifique des dépenses publiques
 
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