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reponse de mouloud à la lettre de sarko (leçon de laicité)
A
23 décembre 2009 12:35
la lettre de Mouloud à Nicolas Sarkozy

Cher Nicolas, Mon cher compatriote,


Tu as écrit une tribune dans Le Monde (9 décembre) qui a retenu toute mon attention. En effet, tu t’adresse à tes « compatriotes musulmans », et c’est mon cas, moi Mouloud Baubérot, frère siamois de celui qui tient ce blog.

Comme une lettre ne doit pas rester sans réponse, alors j’ai décidé, à mon tour de t’écrire. Après tout, toi aussi tu es mon « compatriote ». Et puis, comme je suis professeur d’histoire en terminale, j’ai l’habitude de corriger des copies.


Nous allons le voir, il y a plein de belles idées dans ta lettre, et je vais pouvoir te citer souvent.

Mais tu t’as commis une légère erreur de perspective, qui gâche un peu ton propos. Et comme cela vous concerne en particulier ton frère siamois et toi, permets moi de la rectifier.


Avant, par politesse, il faut que je me présente très brièvement. Ma famille provient de Constantine, ville française depuis 1837 et chef lieu d’un département français depuis 1848. Nous sommes donc d’anciens Français.

D’autres nous ont rejoint peu de temps après et sont devenus Français, en 1860, tel les Niçois et les Savoyards.[2] Nous avons intégré volontiers ces "nouveaux arrivants" et avons ajouté la pizza à nos coutumes alimentaires.

Et au siècle suivant, bien d’autres encore sont venus, puisqu’il paraît qu’un quart des Français ont au moins un grand parent « étranger ».


Certains « arrivaient » de l’Europe centrale, bien différente de notre civilisation méditerranéenne. Mais, comme tu l’écris très bien, nous sommes très « accueillants », nous autres.

Alors nous avons donc accueilli parmi eux, un certain Paul Sarkozy de Nagy-Bosca, qui fuyait l’avancée de l’Armée Rouge en 1944.

Nous sommes tellement « accueillants » que nous avons fait de son fils, ton frère siamois, immigré de la seconde génération, un Président de notre belle République.

Comment être plus accueillants ?


Mais faudrait quand même pas tout confondre : entre lui et moi vois-tu, c’est moi qui accueille, et lui qui est accueilli. Ne l’oublie pas.


Ceci précisé, je suis tout à fait d’accord avec ce que tu écris :

Moi, Mouloud, l’accueillant, j’offre à ton frère siamois et à toi-même, « la reconnaissance de ce que l’autre peut lui apporter ». Mais je demande, à « celui qui arrive, le respect de ce qui était là avant vous »

Et, je vais y revenir, quand les Sarkozy sont devenus Français, le ciel de Paris s’ornait d’une Grande Mosquée, avec un beau minaret.


Je suis d’accord, moi Mouloud qui t’accueille, je dois te faire « l’offre de partager (mon) héritage, (mon) histoire [y compris en classe de terminale], (ma) civilisation), (mon) art de vivre. »

Tiens, je t’invite volontiers à venir manger un couscous avec moi.


Mais, naturellement, toi « qui arrive », ou toi dont c’est juste le père qui est arrivé, je te demande, comme tu l’écris toi-même, d’avoir « la volonté de (t)’inscrire sans brutalité, comme naturellement, dans cette société que (tu vas) contribuer à transformer, dans cette histoire que (tu vas) désormais contribuer à écrire. »


« Sans brutalité » : tu as bien raison, c’est important ça.

Nous, anciens Français, nous ne jouons pas au matamore, aux « tu causes tu causes, c’est tout ce que tu sais faire » ; nous n’aimons pas trop tout ce qui est « bling-bling ».

Nous aimons, tu le soulignes, « l’humble discrétion » et nous comptons sur toi pour être exemplaire dans ce domaine.

Nous comptons sur toi, pour, comme tu l’affirmes que cela doit être le cas des « nouveaux arrivants », de te « garder de toute ostentation et de toute provocation ».

Car, toi dont le père a fui le totalitarisme, tu dois être bien « conscient de la chance que (tu as) de vivre sur une terre de liberté ».

Et cela te donne le devoir de n'en supprimer aucune. Or, quand j’apprends certaines de tes décisions, je suis inquiet à ce sujet.


Contrairement à moi, puisque tu n’es en France que depuis une seule génération, tu as encore beaucoup de choses à apprendre quant aux « valeurs de la République (qui) sont partie intégrante de notre identité nationale ».

Vu ta fonction, il faut que tu l’apprennes vite car « tout ce qui pourrait apparaître comme un défi lancé à cet héritage et à ces valeurs condamnerait à l’échec. »

Mais, je ne suis pas inquiet : tu es très doué

Donc, il suffit que je te précise un peu les choses, notamment sur la laïcité dont je parle souvent à mes élèves dans mes cours de terminale, et tu obtiendras une brillante note.


D’abord, la laïcité, ce n’est nullement « la séparation du temporel et du spirituel » comme tu l’écris.

Cette expression, elle fleure le Moyen Age, la société de chrétienté, bref l’exact contraire de la société laïque.

Comme tu as publié ta tribune le 9 décembre, jour anniversaire de la « séparation des Eglises et de l’Etat », ta formule est particulièrement malheureuse.
A
23 décembre 2009 12:39
Le « spirituel » et le « temporel », ce sont des notions théologiques, et cela connotait des pouvoirs.

La lutte de l’Empereur et du Pape, c’était la lutte du « pouvoir temporel » pour s’imposer face au « pouvoir spirituel ». Deux souverainetés.

En laïcité, seul « le peuple » est souverain et, en conséquence, le seul « pouvoir » est le pouvoir politique qui émane de lui. Le pouvoir, écrit Max Weber, a « le monopole de la violence légitime » : il peut réprimer par la loi.

La religion n’est pas sur le même plan. Et peut avoir, elle, autorité, si l'on est convaincu de sa validité.

Mais elle ne doit pas disposer de pouvoir.


Bon, la première leçon étant apprise, passons à la seconde.

Elle concerne aussi la laïcité.

Tu fais preuve d'une curieuse obsession des minarets et tu sembles assez ignorant à ce sujet.

Pour être concret, je vais te raconter l’histoire de France en la reliant à ma propre histoire d’ancien Français, du temps où toi, tu ne l’étais pas encore.

Pendant la guerre 1914-1918, mon arrière grand-père est mort au front, comme, malheureusement, beaucoup de Français, de diverses régions : Algérie, Savoie, ou Limousin, « petite patrie » de mon frère siamois.

Mais si je te raconte cela, ce n’est pas pour me cantonner dans la petite histoire, celle de ma famille, c’est pour rappeler l’Histoire tout court.

Car nous avons été environ 100000, oui cent mille, musulmans a mourir ou a être blessés au combat pour la France.

Nous étions déjà tellement « arrivés » en France, que nous y sommes morts !

Et que les « tirailleurs maghrébins (…) se forgèrent lors de cette guerre la réputation de troupe d’assaut par excellence »[3]

Ces combats avaient lieu dans cette partie de la France appelée « métropole ». Ma famille y était venue, à cette occasion, et elle y est restée. A Paris, précisément.

Comme nous commencions à être assez nombreux, et provenant, outre la France, de différents pays, la République laïque a eu une très bonne idée : construire une mosquée, avec un beau minaret bien sûr.

Elle avait décidé, en 1905, de « garantir le libre exercice du culte » (Article I de la loi de séparation).

« Garantir », c’est plus que respecter. C’est prendre les dispositions nécessaires pour assurer son bon fonctionnement.Pourquoi passes-tu tant de temps, dans ton texte, à nous parler des minarets ?

Cela n’a vraiment pas été un problème. Bien au contraire.

Et pourtant, ils étaient très laïques, tu sais, plus laïques que toi, mon cher chanoine, les rad’soc (radicaux-socialistes), les Edouard Herriot, ou Léon Bourgeois (un des « pères » de la morale laïque) qui ont pris la décision de consacrer des fonds publics à la construction de cette mosquée, de ce minaret.


Tu sais, j’aime bien fréquenter les bibliothèques. J’y ai trouvé un ouvrage d’un historien qui retrace l’histoire de cette construction. Et c’est fort intéressant.

« Il est a remarquer, écrit son auteur, Alain Boyer, que personne n’a soulevé à l’époque le problème de la compatibilité de cette subvention avec l’article 2 de la loi de 1905, concernant la séparation des Eglises et de l’Etat qui dispose la République ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte ; il aurait pu d’ailleurs être répondu que l’Etat ne finançait que la partie culturelle, l’institut, et non pas la mosquée proprement dite, c'est-à-dire le lieu de culte. »[4]


« Il aurait pu être répondu» :

Donc c’est plus tard que l’on a justifié ainsi les subventions de l’Etat et de la ville de Paris. Sur le moment, on s’est contenté de trouver cette construction nullement incompatible avec la loi de séparation.

Tellement peu incompatible que non seulement elle n’a pas été évoquée, mais que le rapport de la Commission des finances présenté par Herriot (en 1920) évoque explicitement la mosquée en même temps que la bibliothèque et la salle de conférences.

« Le financement d’un lieu de culte par la République, précise l’historien M. Renard, fut donc voté en toute conscience, malgré la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat. On parla surtout de la reconnaissance de la France pour l’indéfectible loyauté de ses fils musulmans. »[5]
A
23 décembre 2009 12:39
Comment conciliait-on cela avec la loi de 1905 ? On en est réduit à des suppositions.

Une me semble fort plausible, on a raisonné par analogie : en effet la conséquence de l’article 1 de la loi de 1905, de sa garantie du libre exercice des cultes avait été double :

- d’une part la mise à disposition gracieuse (donc manque à gagner par absence de loyer!) des édifices du culte existants en 1905 et propriété publique (des milliers et des milliers !), mise à dispostion aux religions correspondantes à ces édifices (et on y a ajouté presque tout de suite le droit de faire des réparations sur fonds publics) ;

- d’autre part, la possibilité (prévue dans l’article 2 lui-même) de payer des aumôniers pour garantir le libre exercice du culte dans les lieux clos : hôpitaux, prisons, armée, internats des lycées,…


On s’est dit : étant donné tout ce que l’on consent financièrement pour garantir l’exercice des cultes catholique, juif, protestant, c’est bien le moins de donner des subventions publiques pour une Grande mosquée et son minaret.

D’ailleurs le père de la loi de 1905 Aristide Briand avait dit à son propos : « En cas de silence des textes ou de doute sur leur portée, c’est la solution libérale qui sera la plus conforme à la pensée du législateur. »



De plus, et je vais t’étonner Nicolas, les laïques, ils aimaient bien les minarets.

Lors de la détermination de la qibla (direction de La Mecque), en mars 1922, le représentant du gouvernement, Maurice Colrat, a prononcé un très beau discours. Il a déclaré notamment:

« Quand s’érigera, au dessus des toits de la ville, le minaret que vous allez construire, il montera vers le beau ciel de l’Ile de France qu’une prière de plus, dont les tours catholiques de Notre-Dame ne seront point jalouses. »

Et tous les dirigeants et militants laïques présents l’ont chaleureusement applaudi.


Ils étaient comme cela les laïques : ils assumaient, mais ne voulaient pas « valoriser » les « racines chrétiennes de la France ».

Ils estimaient, au contraire, que le pluralisme religieux faisait partie de son histoire, de son identité nationale laïque.

Et plus il y avait de prières différentes, plus ils étaient contents.


Le 15 juillet 1926, la grande mosquée a été inaugurée en présence de ton prédécesseur, Gaston Doumergue, le président de la République.


J’ai plein d’autres choses à t’écrire à propos de ton discours. Mais la bonne pédagogie veut que l’on ne cherche pas à en dire trop en une seule fois.

Pour le moment, assimile bien ces deux premières leçons.

Ecris nous vite une seconde tribune qui rectifie le tir.

Et on reviendra ensuite sur le « communautarisme » notamment, car la (en un seul mot ?) il y a aussi quelques petites choses à reprendre.


Ton cher compatriote

Mouloud Baubérot
g
23 décembre 2009 13:37
C'est génial cette lettre!Merci de nous la faire partager...
A
23 décembre 2009 13:45
Citation
gerem a écrit:
C'est génial cette lettre!Merci de nous la faire partager...
c'est ce que j'ai pensé aussi ...
c'est un plaisirWelcome
ok
24 décembre 2009 10:28
Gaston Doumergue est née à Aigues-Vives (Gard), dans la médiathéque dans laquelle je suis entrain de vous écrire!

Il a remplacé un autre éminent politique qui aurait du devenir président à sa place, mais qui est mort prématurément.
24 décembre 2009 15:43
Citation
tournesol2009 a écrit:
Citation
gerem a écrit:
C'est génial cette lettre!Merci de nous la faire partager...
c'est ce que j'ai pensé aussi ...
c'est un plaisirWelcome

c est plaisir de lire cette lettre.mais beaucoup ne connaise l histoire
h
24 décembre 2009 16:17
Identité nationale : Lettre ouverte d'un écrivain franco-marocain au Président Sarkozy


Monsieur le Président, Je ne supporte plus ces dérapages volontaires, ces phrases imbéciles qui explosent comme des bombes mortelles des bouches haineuses de vos ministres et de votre entourage.

[www.yabiladi.com]
assalam o alykoum
25 décembre 2009 09:29
Citation
habib75 a écrit:
Identité nationale : Lettre ouverte d'un écrivain franco-marocain au Président Sarkozy


Monsieur le Président, Je ne supporte plus ces dérapages volontaires, ces phrases imbéciles qui explosent comme des bombes mortelles des bouches haineuses de vos ministres et de votre entourage.

[www.yabiladi.com]

bjr
merci pour ce texte
25 décembre 2009 10:18
merci habib75 pour cette lettre de mr kharmoudi

on se reconnait tous là


un grand merci aussi "politiques" marocains pour leur silence

et leur grand courage , pas un mot pour nous defendre
N
25 décembre 2009 16:37
nous devrions tous ecrire une lettre, l'union fait la force.
25 décembre 2009 17:32
Citation
mohammed06 a écrit:
merci habib75 pour cette lettre de mr kharmoudi

on se reconnait tous là


un grand merci aussi "politiques" marocains pour leur silence



et leur grand courage , pas un mot pour nous defendre[/quot

bjr mohammed06

quel politiques marocains il nous connaise que du 15 JUIN AU 15 SPETENBRE POUR LES VACANCES AU MAROC
ces anous de nous defendre é a preserve nos droit
N
25 décembre 2009 17:42
je pense que mohammed06 fait reference aux rachida dati & co !
h
25 décembre 2009 17:53
Citation
charles1 a écrit:
Citation
habib75 a écrit:
Identité nationale : Lettre ouverte d'un écrivain franco-marocain au Président Sarkozy


Monsieur le Président, Je ne supporte plus ces dérapages volontaires, ces phrases imbéciles qui explosent comme des bombes mortelles des bouches haineuses de vos ministres et de votre entourage.

[www.yabiladi.com]

bjr
merci pour ce texte

merci plutot a l'ecrivain, pas a moi, j'ai fait que poster le lien ..

je retrouve aussi dans sa lettre.
assalam o alykoum
S
25 décembre 2009 19:35
Cool mille bravo grinning smiley
Vivre sans entraves et mourir libre.....!
m
26 décembre 2009 03:24
un régal cette lettre !
26 décembre 2009 17:54
salam charles1

c'est vrai , ils ne nous connaissent que pendant leur operation "marhaba bi flouskoum"

je voulais bien sur parler de nos bledards de "politiques"


toujours egaux a eux memes
j
27 décembre 2009 11:15
Mouloud devrait passer chez Afflelou, car jusque vers les années 1990, voir un voile dans la rue, c'était un évènement; aujourd'hui c'est en train de se banaliser au point de devenir une obligation religieuse, et en plus avec une escalade dans le genre avec la burqa. Que je sache, sarko a laissé sa tenue de Cosaque dans la Puzta, et contrairement au cheval d' Attila l'herbe continue à pousser la où il met les pieds. On demande aux musulmans de laisser leur tenue Moyen orientale là bas, et de prier comme nous le faisons. C'est pas compliqué. On assite à un truc qui consiste à dire : coucou je suis français; je suis dans un pays de liberté, et je ferai ce que je voudrai, et petit à petit à petit à la manière de Grippeminaud le bon apôtre, je croquerai les uns et les autres avec considération et délicatesse. Le jour où la France, l'Europe vont se scinder en communautés ethniques et religieuses on va passer la marche arrière. De sociétés scientifiques ouvertes sur le progrés on va redevenir des sociétés théocratiques, où il faudra se faire la guerre entre nous pour survivre.

Si l'on croit que le laisser faire solutionnera les problèmes, on se met le doigt dans l'oeil. L'Algérie y croyait. Voilà ce qu'elle a récolté. A l'inverse, le Maroc l'a bien compris.
 
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