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Regard sur la situation en Palestine.
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6 mars 2005 12:26
Chercheur sur le Moyen-Orient à l’IRIS, Barah Mikaïl répond à trois questions sur le nouveau gouvernement palestinien, l’attentat de Tel-Aviv et le sommet de Londres.

Qu’indique la composition du nouveau gouvernement Qoreï ?

B.M. : Le nouveau gouvernement Qoreï a très souvent été présenté comme un cabinet de « technocrates ». Ce qui est vrai au regard du parcours de la majorité des nouveaux ministres palestiniens, mais mérite quand même d’être nuancé. Depuis le 21 février 2005, maintes compositions gouvernementales présentées par le Premier ministre palestinien n’avaient pas réussi à rallier à elles le consensus des députés palestiniens, faisant craindre le spectre d’une crise institutionnelle.

Mais cette situation a pu être surmontée, et le profil des personnalités constitutives du nouveau gouvernement palestinien ont mis en exergue un fait essentiel : la volonté des membres du Parlement palestinien de mettre en avant des personnes à la fois compétentes et officiellement éloignées de l’entourage de feu Yasser Arafat.

Cela s’explique surtout par deux raisons : sur le plan international, faire preuve de ce que le nouvel exécutif palestinien part sur des bases nouvelles et déconnectées des priorités politiques qui prévalaient avant l’élection de Mahmoud Abbas à la présidence palestinienne le 9 janvier 2005 ; et, sur le plan local, appliquer une politique sécuritaire, économique et sociale efficace de manière à contrer au mieux le succès pressenti de formations telles que le Hamas ou le Djihad islamique à l’occasion des élections législatives de juillet 2005.

Qui peut être derrière l’attentat de Tel-Aviv ?


Les déclarations contradictoires qui ont suivi l’attentat du 26 février 2005, tant du côté palestinien qu’israélien, rendent peu aisée la réponse à cette question. Il est cependant intéressant de noter la réaction du gouvernement d’Ariel Sharon, qui a cherché à donner à cet acte une connotation lui permettant de tirer profit de la situation sensible qui prévaut dans la région.

Le Premier ministre israélien a en effet pointé les responsabilités successives du Hezbollah libanais et du gouvernement syrien dans l’organisation de cet attentat, avant que d’étendre le champ de la culpabilité à l’Autorité palestinienne.

Cette réaction n’est en rien anodine, puisque l’on sait que, depuis l’assassinat de Rafiq Hariri le 14 février dernier, la question de l’application de la résolution 1559 est revenue à l’ordre du jour. Or, cette résolution sous-entend deux faits pour l’essentiel : le retrait des troupes syriennes du Liban, et le désarmement des milices armées en présence dans le pays du Cèdre, Hezbollah en tête. Ainsi, en accusant la Syrie et le Hezbollah d’être responsables de l’attentat du 26 février, Ariel Sharon cherche, en attirant l’attention de la communauté internationale, à faire accélérer l’application de la résolution 1559, et donc à affaiblir deux de ses principaux adversaires régionaux.

Tel-aviv continue en effet à occuper les fermes de Chebaa, ce qui permet au Hezbollah libanais de lui tenir tête ; quant à la présence syrienne au Liban, elle est pensée par Damas comme étant un moyen d’assurer une parité stratégique face à l’Etat hébreu qui occupe le Golan syrien depuis 1967.

Or, Tel-aviv est soucieux d’ôter à la Syrie tout atout qu’elle est susceptible de pouvoir faire valoir dans l’éventualité de la reprise de négociations israélo-syriennes. La fin de l’influence syrienne au Liban jouerait ainsi indirectement en faveur d’Israël, qui continue d’ailleurs à faire la sourde oreille face aux appels insistants de Damas pour une reprise des négociations entre les deux pays.

Notons cependant que A. Sharon s’est empressé d’accuser ces deux acteurs sans pour autant étayer ses propos par des preuves tangibles. Dans ce contexte, qui croire ? La volonté des acteurs régionaux de retourner la forte instabilité politique ambiante à leur avantage reste le seul élément certain.

Quelles sont les avancées attendues du sommet de Londres ?

Les Palestiniens ont essentiellement deux types d’attentes quant à ce sommet : un soutien politique et diplomatique, qui se traduirait par une insistance active de la communauté internationale sur la nécessité de relancer les négociations de paix israélo-palestiniennes ; et un soutien financier, qui se concrétiserait par un apport conséquent de capitaux en vue de procéder à la reconstruction de l’infrastructure économique palestinienne et d’atténuer les effets de la pauvreté qui affecte l’écrasante majorité des Palestiniens.

On peut néanmoins noter que, sur le plan politico-diplomatique, les Palestiniens risquent d’être extrêmement déçus. Au-delà des déclarations d’intention habituelles auxquelles on peut s’attendre de la part des quelque soixante représentants officiels qui participeront à ce sommet, rien ne semble augurer d’une prochaine relance du processus de paix israélo-palestinien.

Les Israéliens seront les grands absents de cette rencontre, et ils ont d’ores et déjà insisté pour que le communiqué final de ce sommet insiste sur la nécessité pour les seuls Palestiniens d’être mis face à leurs responsabilités. Soit une manière de reporter la question de la réactivation de la fragile Feuille de route à un horizon inconnu mais manifestement encore très éloigné. Cela est d’autant plus regrettable que les Etats-Unis seront représentés par leur secrétaire d’Etat Condoleeza Rice en personne.

La solution au conflit israélo-palestinien tient pourtant avant tout à des considérations territoriales et politiques, et seul Washington a, dans l’immédiat, les moyens concrets de ramener les parties en conflit à la table des négociations. Pour leur part, les initiatives d’ordre exclusivement économique ne résoudront strictement rien.

Barah Mikhaïl
La liberté des autres étend la mienne à l'infini.
 
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