Le soulèvement du peuple libyen est un événement formidable. Cette révolution effectuait une progression très rapide les premiers jours, mais nous constatons que le « guide suprême» comme il aime à se faire appeler, Kadhafi, a réussi à opposer une forte résistance aux insurgés, puisque les manifestations ont viré à la lutte armée, contrairement à ce qui s’est produit en Tunisie et en Egypte. Ce qui était prévisible quand on a vu et entendu le colonel et son fils brandir des menaces hallucinantes à l’encontre des insurgés. Kadhafi a mis dans la balance, à destination de l’Europe frileuse de se déterminer et ne sachant pas sur quel pied danser, la déferlante de l’immigration, « fléau » quasi-mortel pour l’Europe. L’Europe a pris cette menace au sérieux et s’est servie des images vues sur toutes les télévisions d’un petit nombre de tunisiens débarquant sur l’île italienne de Lampedusa, pour ne pas condamner de manière claire et nette la dictature et soutenir clairement le peuple libyen qui combat pour sa liberté. Qu’avons-nous vu ces derniers jours ? Un nouveau ministre de l’intérieur français, Claude Guéant faire un saut à Menton, à la frontière avec l’Italie, demandant et exigeant même des autorités italiennes de renforcer les contrôles et de ne pas lui envoyer les « pestiférés ». Des journalistes du JDD ont offert une tribune de quatre pages le 6 mars 2001 à l’énergumène libyen, il ressasse à l’endroit des français et à travers eux des européens, que son peuple l’adore, Al-qaeda est responsable de ce qu’il appelle « trouble » et qu’il est le rempart contre le terrorisme et contre l’immigration pour l’Europe. Il sait parler aux européens, le guide ! Il faut dire que les européens ne se forcent pas pour lui prêter une oreille attentive. Ce que je crains c’est qu’on nous rejoue la symphonie du terrorisme islamique et les vidéos sur mesure de Ben Laden, comme ça, le tour sera joué. Les libyens seront dépossédés de leur révolution et par ricochet les autres peuples qui luttent en ce moment pour leur liberté. L’Europe ne serait-elle pas en train de confisquer le soulèvement du peuple libyen pour sauvegarder son confort ? Nous avons déjà vu ce type de real-politik prendre le pas sur une politique courageuse et intransigeante avec les dictatures. Sarko, qui est toujours en retard d’une guerre, a cru bon surfer sur cette vague d’instabilité des pays arabes pour relancer sa diatribe anti-musulmane, par la voix de Copé et compagnie. Le dernier sondage plaçant Marine Le Pen en première position, démontre si besoin est, l’inefficacité de cette politique de haine. Sarko fait campagne pour Le Pen et ne récolte aucun bénéfice de cette magouille, puisqu’il court dans le même couloir que l’extrême droite. Kadhafi est un despote, son peuple n’en veut pas. Ce dernier se bat avec les moyens du bord pour l’éjecter. L’ONU n’arrive pas à prendre la décision qui empêcherait le schizophrène d’aller bombarder son peuple. Y-aurait-il un veto dans l’air ? De qui ? Des russes ? Des chinois ? La Russie, cette grande démocratie, qui n’hésite pas à exterminer les tchétchènes. Les chinois qui n’hésitent pas à massacrer des manifestants sur la place de Tiananmen et qui a une peur bleue des révolutions arabes. Ces révolutions dans les pays arabes sont des révolutions des peuples et non de la religion musulmane. Je rejoins ainsi l’historienne Sophie Bessis. Il est temps que l’occident découvre qu’il y a un peuple arabe, qui est certes très divers mais que l’idée chère à Samuel Huntington et son choc des civilisations n’a pas eu lieu et n’aura pas lieu. La classe politique française, qui a pactisé avec les dictateurs et qui a agité l’épouvantail de l’islamisme et du terrorisme pour échafauder sa politique étrangère et intérieure, est discréditée. Elle doit donc comme disent les manifestants tunisiens : DÉGAGER. Dernière minute : je viens d’entendre Alain Minc, conseiller de Sarko déclarer sur BFMTV : « Si la déstabilisation touche l’Arabie Saoudite, on souffrira beaucoup ». Avec pour seule réflexion le repli sur soi même et ne pas voir dans cette éventualité une libération d’un peuple maintenu dans un système féodal. M. Minc ne voit que le côté confortable de l’occident. La Libye possède du pétrole et du gaz. Le fait d’avoir un pouvoir démocratique ne risque-t-il pas de contrarier certains intérêts ? Ce qui se trame en arrière plan et en coulisse, ne doit pas être dépourvu de soupçons légitimes quant à la real politik qui peut encore une fois sauver la mise à ce dictateur schizophrène.
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