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Rapport. Corruption land
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30 décembre 2005 22:53
Rapport. Corruption land

Transparency international épingle les Etats arabes, le Maroc y compris. Non seulement, les taux de corruption, dans ces pays-là, atteignent des records inégalés mais en plus les systèmes de gouvernance qui y prévalent n'augurent rien de meilleur.


“Les états arabes sont généralement corrompus, ce qui rend leur réforme inévitable”. Ce constat, c'est Washington qui l'a fait pour justifier son projet du Grand Moyen Orient devant le G8. La volonté d'immixtion américaine est certes flagrante, mais son diagnostic est irréfutable. D'ailleurs, le dernier rapport du PNUD a indiqué que le taux de corruption dans les pays arabes atteint les 85%. Transparency International (TI) a cherché à en savoir plus sur ces “Etats arabes corrompus” et leur capacité réelle à “s'en sortir par eux mêmes”.

Les états coupables
“Le but des systèmes politiques arabes n'est pas la recherche de
l'intérêt public mais le maintien du pouvoir et des richesses entre les mains d'une minorité”, explique le rapport de TI. Dans les pays du Golfe, lit-on dans le dernier rapport du PNUD : “La loi et les conventions font des terres une propriété du Prince, ce qui ne permet pas de faire une distinction entre sa fortune privée et sa fonction publique”. Dans des pays plus libéralisés comme le Maroc, les deux sphères sont distinctes, mais dans les textes seulement. Dans la réalité, cela n'empêche pas des dépassements, en forme d'agréments (grimat), de passe-droits ou d'autres formes de générosité qui échappent au contrôle de la loi et des élus.
Ces abus et bien d'autres, la propagande officielle donne l'impression de les combattre au nom de “la moralisation de la vie publique”. Mais ce n'est qu'une impression. Comme le montre l'étude de TI, “On ne demande aux responsables arabes de rendre des comptes que lors d'un changement de régime”. Comme s'il s'agissait uniquement de légitimer le nouveau pouvoir en lui permettant de se démarquer de son prédécesseur. Une fois cette phase transitoire passée, la réalité finit par prendre le dessus. Ainsi, lorsque des détournements de fonds sont effectués avec la bénédiction du pouvoir en place (comme ce fut le cas pour le CIH et autres établissements publics marocains), les procès servent tout juste de trompe l'œil, avant d'être suspendus. Au fond, la (dure) réalité dans les pays arabes est simple : “Le pouvoir exécutif écrase tous les autres”. Résultat, la corruption persiste en Algérie parce que les militaires y ont le dernier mot, en Egypte parce que le parti du Raïss règne toujours sans partage, et au Maroc, parce que l'exécutif est doublé par un cabinet de l'ombre au niveau du Palais.

L'étendue des dégâts
Quels effets tout cela a-t-il sur le terrain ? Une perte de crédibilité du système électoral, qui ouvre la voie à toutes les formes de corruption. “Au Liban par exemple, il y a une offre élevée de bakchich (98%) de la part des candidats. Au Maroc, c'est pire. La demande est tout aussi élevée de la part des électeurs”. Cela rappelle la place prépondérante qu'occupe “la petite corruption” (celle de tous les jours) au Maroc et en Egypte. Et d'où vient cette spécificité ? Mesbahi n'a que des hypothèses à émettre : “L'étendue de la pauvreté, l'opacité des démarches administratives, la place du marché parallèle”. Qu'en est-il de la profusion des intermédiaires et des formes de clientélisme ? Là, le philosophe Hicham Sharabi ose une autre explication : “C'est lié à la place de la famille, du clan et de la tribu dans l'organisation sociale. La recherche d'intérêts communs entre ces catégories prend le dessus sur l'intérêt public”.
Et les affaires privées dans tout cela ? “Nous ne pouvons pas éviter les dessous de table”, déclarent en off les patrons d'entreprise, de pays où la réforme libérale est sur les rails (Maroc, Jordanie, Egypte). Pourquoi ? D'abord, parce que l'acheteur principal dans ces pays demeure l'Etat. Ensuite, parce que le privé n'a aucune garantie politique de continuer à faire des affaires, s'il n'accepte pas les règles du jeux implicites. Paradoxalement, c'est dans le Golfe que des institutions financières de très grande taille peuvent discuter d'égal à égal avec les Etats. Quant aux autres acteurs, de moindre taille, ils profitent souvent de complicités administratives. Cas récurrent dans tous les pays arabes, rapporté par TI : “Partout, les hauts fonctionnaires prennent connaissance au préalable de plans fonciers et refilent l'information à des proches ou à des partenaires qui achètent les lots à des prix très avantageux”. Et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres, de délits d'initiés rarement dévoilés.

Les systèmes de contrôle de panne
Loin du privé, il y a les structures censées faire respecter les lois et les procédures. Or, “le comble, dans les pays arabes, est que la corruption s'est enracinée dans les institutions censées la combattre, à savoir la justice et le parlement”, note TI. Côté parlement, le fameux rapport marocain sur le CIH est cité comme exemple d'une “initiative unique et innovante qui n'a pas abouti, parce qu'elle n'a pas permis de demander des comptes aux responsables”. Côté justice, le rapport évoque en priorité la position des ministres de la Justice comme supérieurs hiérarchiques des juges. C'est le cas en Algérie, au Liban, en Jordanie, en Tunisie et bien évidemment au Maroc, avec des variantes certes, mais avec la même incidence sur l'indépendance des magistrats. Ces derniers souffrent, dans des systèmes policiers, de procureurs généraux érigés en “gardiens de l'intérêt public”. Et dans les pays libéraux, comme le Maroc et la Jordanie ? Ils savent que “s'ils perdent l'empathie des responsables gouvernementaux, il peuvent perdre des privilèges, être mutés ou être jetés en pâture à la presse”.
A quoi sert, au milieu de cette jungle de droits, Diwan Al Madalim ? Quoique créé, sous diverses appellations (L'amboustman, le médiateur, etc) en Arabie Saoudite, en Tunisie, en Mauritanie, en Algérie, et dernièrement au Maroc, cette institution est en panne. “Elle n'a aucune incidence réelle, parce qu'elle n'est pas indépendante des Etats et n'a pas de plans d'action précis”. Que reste-t-il aux citoyens pour se prémunir contre des systèmes aussi corrompus ? La presse ? L'accès à l'information ? Au Bahrein, il est “interdit de publier une information, si juste soit-elle, qui porte atteinte à un haut fonctionnaire ou un élu”. En Egypte, “tout fonctionnaire civil qui laisse filtrer une information sur les abus de l'administration à la presse est passible d'une peine de prison”. Au Maroc, commente Mesbahi, “nous sommes plus avancés, parce que nous avons plus de liberté d'expression. Mais les citoyens n'ont pas accès à toute l'information nécessaire qui leur permette de réclamer leurs droits”. Cela est vrai aussi bien dans une circonscription de police, une commune urbaine ou lors d'un appel d'offres. Les fonctionnaires en savent plus que les citoyens. Et ces derniers n'ont même pas droit à un recours.
Qui, finalement, paie le prix de ces aberrations ? “Les femmes, les pauvres et les marginalisés”, répond le rapport. Ceci dit, les conséquences vont au-delà : “perte de confiance dans le système socio- politique, fuite des cerveaux, concentration des fortunes entre la main d'une minorité dirigeante ou privilégiée et transfert de fonds des investisseurs nationaux”. C'est clair, la corruption coûte très cher aux arabes. Mais ils s'emploient à la perpétuer. Même si, note le rapport, des ONG, en Palestine, au Bahrein, au Liban et au Maroc se battent pour plus de transparence et moins d'impunité. Mais le chemin est encore long. Et les politiciens arabes, rarement prêts à changer de culture.

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