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Quand Paris se brouille avec Rabat, Alger est au spectacle
1 mars 2014 12:18
À Alger, au ministère des Affaires étrangères, on a dû, sans déplaisir, assister à la brouille publique entre Paris et Rabat. De mémoire d’observateur, c’est la première fois que les relations entre le Maroc et la France sont à ce point dégradées. L’affaire a été gérée au plus haut niveau puisqu’elle a donné lieu in fine à des échanges téléphoniques entre François Hollande et Mohamed VI consécutifs à deux affaires sérieuses.

À la base, il y a des propos tenus, de façon confidentielle, attribués à un diplomate français à propos du Maroc et qui ne sont guère flatteurs pour Rabat. Rapportés par le comédien espagnol Javier Bardem, dans le cadre d’une tournée de promotion d’un film consacré au Sahara occidental, ils qualifiaient le Royaume de « maitresse avec laquelle on dort toutes les nuits, dont on n'est pas particulièrement amoureux, mais qu'on doit défendre ».

Le Maroc, destination de tourisme sexuel, ne pouvait que se sentir outragé par cette phrase que le journal Le Monde attribuait à l’ambassadeur de France à Washington et qui, après enquête et néanmoins dénégation, a vraisemblablement été tenue par le représentant de la France à l’ONU. Autant dire que cela avait commencé à cristalliser le mécontentement de Rabat.

Mais, c’est une autre affaire, bien plus sérieuse et moins symbolique, qui a fait monter la tension entre les deux pays. Des forces de police, sur commission rogatoire d’un juge français enquêtant sur des faits de tortures au Maroc, ont profité de la présence, en France, du Directeur général de la surveillance du territoire marocain pour le retenir plusieurs heures dans le cadre de dossiers relatifs à la torture, alors qu’il faisait partie d’une délégation officielle qui accompagnait le ministre de l’Intérieur marocain en visite à Paris.

Autant dire que la démarche du juge à l’égard d’un responsable d’une institution policière marocaine n’a pas été du goût de Rabat, qui a organisé des manifestations devant l’ambassade de France et convoqué l’ambassadeur français. C’est ainsi que François Hollande a été contraint de décrocher son téléphone pour lever les ambiguïtés et certainement dire ses regrets devant les démarches d’indépendance manifestées par la justice française à l’égard du policier marocain.

L’Algérie avait connu cela du temps de l’affaire Hasseni du nom de ce diplomate algérien que Paris avait voulu poursuivre en justice. Cela avait engendré de nombreuses tensions avec Alger et les Français avaient finalement dû renoncer. Tout comme il apparait probable, malgré la compétence universelle retenue par la justice française pour ces affaires de torture au Maroc, que cela ne débouchera certainement pas sur la mise en accusation, devant un tribunal parisien, d’un haut cadre de la police marocaine. Ce serait du jamais vu entre les deux pays, alors même qu’un juge continue d’enquêter sur les responsabilités d’agents marocains dans la disparition, en France, de l’opposant Mehdi Ben Barka.

En attendant, Rabat a annoncé la suspension de tous les accords de coopération judiciaire avec Paris et le rappel à Rabat de son magistrat de liaison. Un acte fort, alors que ces affaires sont le symptôme d’une crise inédite entre les deux pays, qu’Alger aura certainement observée avec gourmandise. « Si, effectivement, Rabat est une maîtresse avec laquelle la France dort chaque nuit », saillie que n’auraient pas reniée, en privé, bien des diplomates algériens, c’est le soutien français à la position du Maroc sur le dossier du Sahara occidental qui est, en permanence, scruté par les observateurs. Et que ce soit l’ambassadeur de France à l’ONU qui ait été l’auteur de cette sortie peu diplomatique en dit, néanmoins, long sur les états d’âme de bien des diplomates français contraints de tenir une ligne pro-Rabat malgré les écarts du Royaume chérifien.

À Alger, on sait également combien les quiproquos diplomatiques peuvent avoir des conséquences parfois irréversibles. Ainsi, un diplomate algérien rapportait, il y a quelques semaines, la chronologie de l’épisode qui a conclu à la fermeture provisoire de la frontière entre l’Algérie et le Maroc. Au départ, c’est l’attentat meurtrier de Marrakech, en 1994, qui conduisit les Marocains à instaurer un visa pour les Algériens. Près de 200 000 vacanciers algériens au Maroc furent reconduits à la frontière. Les autorités algériennes réagirent en demandant au Maroc de fournir des preuves que les services algériens étaient impliqués dans l’attentat. Personne n’imaginait, à l’époque, que les frontières demeureraient fermées, il y a vingt ans cette année.

C’est ainsi que des maladresses et un manque d’égards entre pays peuvent avoir des conséquences pour des populations de nombreuses années durant.
 
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