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Psychiatrie sociale ???
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1 avril 2010 23:14
salam alaykoum:

Quand on sait que près d'un Marocain sur deux (42%) souffre d'un trouble psychique mineur mais récurrent, qu'à Casablanca 6% de la population générale a des envies suicidaires, que la société marocaine dans son ensemble souffre d'une perte de repères du fait des mutations dont elle est l'objet, on ne peut qu'espérer voir la question de la santé mentale faire l'objet de la plus grande attention.

Oxford, petite ville anglaise de 110 000 habitants, compte 450 lits de psychiatrie. Casablanca, mégapole de plusieurs millions d’individus, n’en dispose que de 200. Alors, à l’hôpital Ibn Rochd, au Centre psychiatrique universitaire du Pr Moussaoui, on tremble chaque fois qu’on lâche dans la nature un malade faute de pouvoir le garder ou qu’on refuse un placement, pourtant impératif, pour les mêmes raisons, à savoir le manque criant de lits.
On tremble à bon escient car avec certaines maladies mentales, le pire est toujours possible. Les drames rapportés dans les rubriques «Faits divers» en attestent régulièrement. Ainsi de cet homme qui, dans un accès de folie, a tué cinq membres de sa propre famille : après enquête, il s’est avéré que le détraqué était un ancien patient du CPU.

Depuis plus de 30 ans, le professeur Moussaoui se bat sans relâche pour que la psychiatrie cesse d’être le parent pauvre de la Santé publique. Le travail accompli par cet infatigable militant est remarquable quand on compare l’actuel CPU avec ce lieu kafkaïen qu’était le célèbre Pavillon 36. La sensibilisation des mécènes a permis la construction et l’équipement de cette nouvelle structure. Mais, à l’échelle nationale, la psychiatrie continue à fonctionner avec 1% du budget global de la Santé publique, d’où l’impossibilité de faire face à une situation critique tant en termes de souffrance individuelle que de sécurité collective. Car, bien que ne concernant qu’une petite proportion de malades, les troubles psychiatriques peuvent s’accompagner de violence et donc être un danger pour la collectivité.

Les autorités publiques commenceraient enfin à en prendre conscience, interpellées par le fait qu’un grand nombre d’agressions perpétrées dans la rue le sont par de personnes souffrant de troubles psychiatriques. Au-delà de cela, il y a eu l’électrochoc des attentatse du 16 Mai 2003 qui ont coûté la vie à trente-trois personnes.
Aux lendemains du 16 Mai, les projecteurs se sont braqués sur les lieux de vie de ces terroristes. Ou plutôt ces espaces de non-vie qui fabriquent, pour reprendre l’expression des concernés eux-mêmes, des «morts vivants». La misère intellectuelle, sociale et affective dans laquelle ont baigné les auteurs de ces attentats a contribué à nourrir leur folie meurtrière. Dans ce cas présent, le lien entre dérèglement psychique et contexte social saute aux yeux. Or, même dans des situations beaucoup moins explicites, la dimension sociale, en matière de maladie mentale, est à prendre en considération. D’où l’existence en psychiatrie d’une branche dénommée «Psychiatrie sociale».

Selon le Pr Moussaoui, «maintenant que la psychiatrie biologique et la psychopharmacologie sont entrées dans les mœurs, il est extrêmement important de revenir au troisième pied du trépied sur lequel repose la psychiatrie (le biologique, le psychologique et psychodynamique, et le social). Il n’est pas possible d’avoir une bonne santé mentale, d’aider des personnes souffrant de schizophrénie ou de dépression, si on ne prend pas en compte l’environnement professionnel, familial, social, culturel et religieux de ces malades. Si le XXe siècle était essentiellement un siècle de psychiatrie biologique et de psychopharmacologie, je pense que le XXIe siècle sera celui de la psychiatrie sociale». Pour que le Maroc soit de plain-pied dans cette dynamique, une association de psychiatrie sociale vient de voir le jour à Casablanca. Quand on sait que près d’un Marocain sur deux (42%) souffre d’un trouble psychique mineur mais récurrent, qu’à Casablanca 6% de la population générale a des envies suicidaires (un pourcentage élevé aux dires des spécialistes), que la société marocaine dans son ensemble souffre d’une perte de repères du fait des mutations dont elle est l’objet, on ne peut qu’espérer voir la question de la santé mentale faire l’objet de la plus grande attention. De la part de la société civile mais, et surtout, de la part des autorités publiques. Car le «fou» n’est pas qu’à côté de nous, il est en nous.


source:
[www.lavieeco.com]
par Hinde Taarji
le 15-03-2010



Modifié 1 fois. Dernière modification le 01/04/10 23:16 par aberosabil.
 
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