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Du « printemps arabe » à la transition démocratique : un processus de...
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24 juin 2014 01:04
Du « printemps arabe » à la transition démocratique : un processus de longue haleine
Par : Ayyoub OUAZZANI CHAHDI
Chercheur en droit

Quatre ans nous sépare de l’enclenchement de la vague, inédite dans l’histoire contemporaine de la région MENA , des protestations et de revendications populaires réclamant ouvertement : Démocratie, liberté et justice sociale, baptisée à tort ou à raison « printemps arabe ». Abstraction faite de l’appellation qu’on pourrait accorder à ce phénomène social et le débat qu’il suscitait dans les sociétés arabes soifs de liberté et de la dignité, La question qui nous interpelle le plus, en tant que chercheur et avant tout citoyen censée intéressé de la chose publique, est les tenants et les aboutissants des ces contractions sociales.
Certes, le Maroc a absolument réussi à surmonter ce tournant historique, sans dégâts considérables, en réagissant promptement aux réclamations d’ordre aussi bien sociale que politique de la rue et à travers un ensemble de mesures urgentes et d’initiatives faisant preuve de l’intelligence et du pragmatisme savant de l’institution monarchique, acteur dominant et déterminant dans le paysage politique national, à savoir :
• L’ouverture précoce et inconditionnée sur les sensibilités partisane, syndicale et sociale pour endiguer les risques d’une explosion sociale. Preuve en est le fameux discours royal de 9 mars 2011, Couronné par l’adoption de la constitution de juillet 2011, nonobstant les réserves portées à la méthodologie poursuivie : la désignation de la commission chargée de la reforme constitutionnelle.
• La réduction de la tension sociale via la satisfaction des revendications catégorielles pressantes.
• l’organisation des élections anticipées sur la base d’un nouveau code électoral consensuel ayant donné naissance à un nouveau gouvernement à obédience islamique.
Toutefois, ces avancées politiques et juridiques, saluées à large échelle, n’ont pas favorisé l’éclosion d’une dynamique de changement susceptible de résorber le lourd déficit social et de mettre le Maroc sur la voie d’une démocratie véritable.
Au fil des années, la réticence et la léthargie, des nouveaux dépositaires du pouvoir, à mettre en marche le train des reformes structurelles tant sollicitées et attendues ouvrent la porte à une kyrielle de questionnements pressants et légitimes relatifs à l’évaluation de l’état d’avancement de la transition démocratique et les défis auxquels se heurte cette dynamique sociale porteur du rêve de l’Etat de droit et du bien-être socioéconomique.
De telle réflexion soulèvent la problématique intrinsèque aux sciences sociales depuis son père fondateur celle de l’objectivité et l’impartialité. C’est pourquoi le besoin d’une analyse scientifique d’ensemble s’avère particulièrement nécessaire, on veut dire une réflexion menée patiemment, au-delà de toute forme d’à priori pour décortiquer cette réalité sociale complexe où l’idéologique prend souvent le pas sur le scientifique.
En somme, notre analyse se propose de décliner, en premier lieu, un état des lieux concis et précis et une lecture, aussi objective que possible, de l’opportunité, la faisabilité et la viabilité des reformes amorcées et de son rythme d’avancement à l’aune des besoins pressants et des aspirations des citoyens, tout en essayant de forcer le trait, en fin de compte, sur certains dysfonctionnements et distorsions de l’expérience démocratique nationale encore embryonnaire.
1- Une volonté politique solennellement affichée et une réalité sociale en deça des aspirations.
Il est indéniable que la promulgation de la constitution de 2011, qui doit beaucoup à la mouvance 20 février, constitue un élan remarquable sur la voie de l’institutionnalisation de l’Etat de droit démocratique , du passage de la monarchie exécutive à la monarchie parlementaire et de la consécration de la séparation souple du pouvoir.
En effet, la Loi fondamental de 2011 représente absolument une assise solide à la base de laquelle le royaume cherche à frayer chemin pour affermir son expérience politique, atteindre le bien-être social et instaurer de nouvelles règles du jeu basées -selon l’article 1- sur « les principes de la bonne gouvernance et la corrélation entre responsabilité et la reddition des comptes ». En outre, la posologie des droits et des libertés reconnus et garantis par l’Etat laisse entendre une forte métamorphose dans la volonté étatique et une réorientation nouvelle s’acheminant vers l’adhésion solennelle aux valeurs démocratiques dans leurs acceptions universelles tout en reléguant au second plan les considérations traditionnelles regroupées sous l’alibi « spécificité marocaine » .

Bien que ces reformes semblent être sine qua none pour tout changement sociopolitique et le point d’entrée pour rétablir la relation déséquilibrée entre les pouvoirs et entre l’Etat et le citoyen, il s’est avéré que le commun des mortels n’en soit intéressé qu’à mesure de son impact sur son vécu quotidien et sa capacité à préserver sa dignité autrement dit, le degré de traduction des droits et libertés dont fourmillent la constitution -tout un titre est réservé aux droit et libertés fondamentaux- sur le développement socio-économique, la consécration de la citoyenneté et la réduction des inégalités socio-spatiales n’ayant cessé de se creuser depuis l’expérience amère du PAS. A preuve, la régression chronique du Maroc sur l’IDH.
Sans remonter par trop dans l’histoire, et en se contentant des aboutissements de l’expérience politique issue de la constitution de 2011, de son apport au changement social escompté et à la construction démocratique envisagée. Certaines constatations préliminaires relatives au comportement et mode de conduite des acteurs politiques sautaient aux yeux et laissent entendre qu’il nous reste beaucoup de chemin à faire pour en venir à une transition démocratique, digne de son nom, au sens de l’enracinement pacifique et irréversible des valeurs démocratique et libérale en tant que source, fondement et référentiel des relations institutionnelles .
Ces incuries politiques et institutionnelles se traduisaient sur la conduite du destinataire ultime de l’action publique : le citoyen par un désintéressement criard à l’égard de la chose publique et une érosion du capital social des entités politiques.

2- Des obstacles et des écueils sur la voie de la démocratisation

La valeur de toute reforme, quelle qu’elle soit, qui se propose levier du décollage sociopolitique ne se mesure qu’à son capacité à produire le changement espéré et atteindre les objectifs qui lui sont fixés. Partant de cette logique on est en droit de s’interroger si le corpus juridique revisité et les plans sectoriels lancés auraient-ils engendré la justice sociale, la dignité promise et le développement social envisagé.
Dans cette perspective, le creusement du déficit social et la dégringolade du Maroc sur l’indice de perception de la corruption remet en cause et décrédibilise le discours politique officiel et nous interpelle en tant que chercheurs pour affiner notre analyse afin de s’arrêter sur les dysfonctionnements présents du système social et sociétal en vue d’en dégager les manquements et les anomalies qui se dressent comme entraves au processus de démocratisation.

 La crise de l’élite ou ce qui fait fonction d’élite.
Les évolutions politiques récentes au Maroc auraient montré à nu la vulnérabilité de l’élite politique nationale et son incapacité à produire un discours rationnel et des projets de société intégrés et inclusifs traduisant les besoins et les attentes et à même de faire impliquer un large frange de la société. Pour mention, si par élite -au singulier- PARETO désigne la classe dirigeante et élites -au pluriel- la classe non-dirigeante, dans ce propos, et pour des raisons de simplifications, on entend du concept élite à la fois la classe dirigeante et non dirigeante.
En fait, en dépit du pluripartisme reconnu et consacré au Maroc depuis la première constitution de 1962 , le paysage politique traversé par de multiples courants idéologiques reste improductif et en déphasage avec une réalité sociale en profonde mutation. Le citoyen d’aujourd’hui n’est plus taillable et corvéable à merci comme auparavant, il est très exigeant et n’accepte non plus son sort avec fatalité.
Cette état fait montre, à quel enseigne, la classe politique dans sa diversité, une diversité qui a atteignit un seuil critique, est en retard par rapport à un contexte social en ébullition ce qui plombe sa légitimité, remet en cause sa raison d’être et décélère le train de la démocratisation.
Le temps de la démagogie et des querelles idéologique est révolu, le mandant du pouvoir réclame des visions réalistes et des résultats palpables.
Il est indubitable que Les entités politiques marocaines sont invitées, plus que jamais, à se démocratiser intérieurement et à instaurer de nouvelles règles du jeu favorisant la promotion des jeunes, l’accès des femmes aux postes de décision et la consécration de la culture de la reddition des comptes. Pour enfanter une nouvelle praxéologie politique de nature à réhabiliter l’action partisane et faire rupture avec l’esprit du clanisme et la sanctification du leader eternel.


 L’absence d’un projet de société consensuel et fédérateur.
Bien que le Maroc a capitalisé deux expériences de consensus dans son actif politique celle de 1998 et celle de 2011, si l’on ose dire, il lui fait défaut encore un projet de société faisant l’objet du consentement et de l’adhésion consciente d’une large frange des sensibilités politiques et sociales et formant une toile de fond des politiques publiques et un référentiel aux gouvernements présent et à venir .
Le lancement, en grande pompe, depuis l’aube du troisième millénaire des projets économiques sectoriels : émergence, azur, Maroc vert… parmi tant d’autres concoctés à la hâte dans des bureaux d’étude étrangers n’auraient ni l’impact social envisagé ni la concertation minimum requise, en absence de l’institution législative devenu une instance d’enregistrement ce qui risque d’éclabousser l’image du parlement, de plomber l’équilibre financier de l’Etat et d’hypothéquer l’avenir de la nation. Qui plus est, la forte présence de l’institution royale -saluée à grande échelle- sur la scène politique et économique éclipse le rôle censé tenu par le gouvernement en tant que dépositaire de la légitimité des urnes et responsable en premier et dernier ressort des choix publics. A cet égard il est impératif de souligner que quoique le pouvoir exécutif soit bicéphale, vu les dispositions de la nouvelle constitution, le gouvernement, ayant vu son champ d’action élargi , est appelé à assumer pleinement ses responsabilités et prendre les choses en main pour donner corps et âme aux lettres de la Loi fondamentale.
Dans ce sens, il faut reconnaitre que le Maroc, jusqu’à présent, n’aie pas encore forgé une vision stratégique bien ficelée, dans des secteurs aussi bien vifs que cruciaux pour toute stratégie de développement située, intégrée et durable à savoir : l’éducation, la pauvreté et la corruption qui décime les rouages du secteur public et faussant le libre jeu de la concurrence. Une stratégie opérationnelle, dans ce sens, à même de tirer la nation du bourbier de sous développement et de garantir à tout un chacun une vie digne et libre.
Au terme de cette modeste réflexion, Il est loisible de noter, qu’en faisant analyse d’un sujet aussi complexe, sensible et d’actualité -comme le notre- la prudence est de mise, car il ne faudrait verser ni dans le pessimisme destructeur ni dans l’optimisme utopique mais de s’inspirer plutôt du réalisme. La dynamique et le débat que vit actuellement le Maroc, dans un contexte régional turbulent, porte en germe des prémices prometteuses et promotrices et l’embryon d’un fœtus démocratique que l’Etat en tant que garant du choix démocratique, devrait l’encourager et le renforcer pour favoriser la floraison et l’émergence d’un modèle démocratique leader dans la région et prémunir le pays contre les contagions et les régressions néo-maraboutiques et totalitaires , aux aguets.
 
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