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Poudrière libanaise
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10 mars 2005 20:35
La Syrie est-elle coupable de l’assassinat, le 14 février 2005, de Rafic Hariri, ancien premier ministre du Liban ? En état de choc, une partie de l’opinion publique libanaise en est convaincue. Et la dénonciation par le président syrien, M. Bachar Al-Assad, des « auteurs de ce crime odieux et de ceux qui sont derrière » n’a pas dissipé – c’est le moins que l’on puisse dire – les accusations à son égard. Pour la plupart des médias internationaux, la culpabilité du régime baasiste ne semble pas faire de doute. Des journalistes ont rappelé plusieurs mobiles présumés du meurtre. En premier lieu, la volonté de Damas de maintenir le pays du Cèdre sous son contrôle alors que des élections législatives sont prévues en mai prochain. Ils ont également évoqué les griefs de la Syrie contre Rafic Hariri, accusé de financer et de tenter de rassembler une sorte de front antisyrien (chrétien-druze-sunnite). S’ajouterait, enfin, un autre reproche : l’ancien premier ministre était soupçonné d’avoir mobilisé ses amis (parmi lesquels M. Jacques Chirac) pour faire voter, en septembre 2004, par le Conseil de sécurité des Nations unies, avec le soutien de Paris et de Washington, la résolution 1559 qui réclame la tenue d’une élection présidentielle libre au Liban et demande « à toutes les forces étrangères qui y sont encore de se retirer du et le désarmement des milices, libanaises ou non ».

Ce crime fournit un prétexte supplémentaire à Washington pour augmenter la pression sur Damas. L’ambassadeur des Etats-Unis en Syrie a été rappelé « pour consultations urgentes ». Et le secrétaire d’Etat adjoint américain pour le Proche-Orient, M. William Burns, présent à Beyrouth pour les obsèques de l’ancien premier ministre assassiné, en a profité pour déclarer à la presse : « La mort de Rafic Hariri devrait renforcer l’élan pour un Liban libre, indépendant et souverain. Cela veut dire une application immédiate de la résolution 1559 du Conseil de sécurité, et donc un retrait immédiat et complet syrien du Liban. » M. Burns semble oublier que, sans mandat de l’ONU, les Etats-Unis ont eux-mêmes envahi et occupent l’Irak.


Souvenons-nous que, dès le déclenchement de l’invasion de l’Irak, Damas a estimé que l’un des buts principaux de cette guerre était l’encerclement de la Syrie (1). Le ministre américain de la défense, M. Donald Rumsfeld, a accusé ce pays d’aider l’armée de M. Saddam Hussein pendant la durée des opérations et de servir de base arrière aux diverses résistances qui harcèlent les troupes américaines d’occupation. L’ancien secrétaire d’Etat, M. Colin Powell, s’est rendu en Syrie en mai 2003 pour exprimer directement au président Al-Assad ces accusations, et d’autres plus anciennes comme l’alliance avec l’Iran et l’appui aux milices du Hezbollah, formation inscrite par les Etats-Unis (mais non par l’Union européenne) sur la liste des « organisations terroristes ».

Dans un tel contexte, à moins de vouloir se suicider, le régime syrien avait-il intérêt à aggraver son cas ? Certains observateurs en viennent donc à se demander si la « trop évidente » culpabilité de la Syrie ne serait pas précisément le but recherché par les assassins. Ainsi Eyal Zisser, spécialiste de la Syrie au Dayan Institute de l’université de Tel-Aviv, affirme : « C’est totalement illogique que la Syrie l’ait fait. Cela aurait été une décision stupide de sa part. Tout le monde la surveille, et elle n’a aucun intérêt à déstabiliser le Liban (2). »

Quoi qu’il en soit, cet attentat et les menaces actuelles contre la Syrie pourraient remettre le feu à la poudrière libanaise. Il faut s’interroger par ailleurs sur les buts que se fixent Washington et Paris au Liban. Si leur objectif est d’y établir une « vraie démocratie », celle-ci pourra-t-elle se bâtir sans les chiites, principale communauté massivement alliée à Damas ? Sera-t-elle garantie par les partis de l’opposition qui refusent le principe « Un homme, une voix » et défendent un système confessionnel obsolète ? Si le but est l’évacuation du « Liban occupé », la communauté internationale peut-elle oublier que, dans cette région, demeurent aussi occupés, depuis 1967, le Golan syrien ainsi que la Cisjordanie, la bande de Gaza – qui pourrait être évacuée cet été – et Jérusalem-Est, malgré de nombreuses résolutions du Conseil de sécurité ? Une fois encore : deux poids, deux mesures ?

Le temps des machinations obscures est revenu. Et il semble bien que nous soyons passés, dans le théâtre du Proche-Orient, au deuxième acte, y compris avec le risque d’une relance de la guerre civile au Liban qui ne paraît pas émouvoir les « défenseurs » du pays du Cèdre. Après la guerre d’Irak – et malgré le désastre de l’occupation et la défaite cinglante aux élections de la liste soutenue par Washington –, les grandes manœuvres reprennent simultanément contre les deux autres objectifs depuis longtemps désignés : l’Iran et son alliée la Syrie, qui constitue sans doute le maillon le plus faible. Ceux qui ont tué Rafic Hariri savaient-ils qu’ils offraient symboliquement sur un plateau, à la « communauté internationale », le destin du régime syrien ?

Ignacio Ramonet.
La liberté des autres étend la mienne à l'infini.
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10 mars 2005 20:45
Face à l’unanimité anti-syrienne, les Libanais affichent leur diversité.

Cédant aux pressions internationales et libanaises, le Haut Conseil syro-libanais présidé par Bachar Al Assad et Emile Lahoud a décidé, le 7 mars, le « redéploiement des forces syriennes jusqu’à la Békaa [...] avant la fin mars 2005 ». La suite des événements ­ un réel départ des troupes et, surtout, des services secrets ­ reste à envisager. Ce sera le cas, si l’on veut bien l’en croire.

La réaction internationale ne s’est pas fait attendre. Mieux, elle a même anticipé cette décision, lorsque Bachar Al Assad s’est prudemment exprimé sur le sujet le 5 mars. Dan Bartlett, directeur de la communication de la Maison Blanche, a fustigé « [c]es généralités et [c]es demi-mesures, [...] en complète contradiction avec la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l’ONU qui appelle un retrait immédiat ». Même son de cloche dans les grandes capitales, de Paris à Moscou. Mais pas à Beyrouth, où, déjà, quelques dissonances apparaissent au sein même des partis d’opposition. Certains mettent de l’eau dans leur vin, conviennent, tel Walid Joumblatt, que le discours de Bachar Al Assad est « positif », tout en demandant un calendrier précis, voire s’enthousiasment : « L’annonce n’a pas de précédent depuis trente ans, commente Nassib Lahoud, et correspond aux revendications de l’opposition. » D’autres sont plus radicaux et dénoncent, comme l’ex-président Amine Gemayel, l’« absence de date butoir ». « Nous voulons un retrait total avant les élections législatives », lance ainsi le général Michel Aoun du loin de son exil parisien.

Surtout, la rue n’est plus seulement investie par les anti-syriens, manipulateurs politiques ou manifestants sincères. À l’appel de Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah, les principaux mouvements chiites, forts de leur assise populaire, ont eux aussi défilé le 8 mars pour « dénoncer les ingérences étrangères ainsi que la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l’ONU, défendre la résistance, préserver la paix civile et rejeter tout accord avec Israël ». Évidemment, les liens unissant la Syrie au Hezbollah sont pour une grande part dans cette mobilisation. Ils ne sauraient pour autant tout expliquer. Car ce que mettent ainsi en avant le Hezbollah et Amal est leur attachement aux accords de Taëf plutôt qu’aux décisions internationales. Un point de vue que partagent aussi certains membres de l’opposition : après tout, ce sont ces accords qui ont mis fin à la guerre, certainement pas l’ONU ou les casques bleus.

Il y a de quoi se méfier. Pendant de nombreuses années, le sort du petit Liban n’a guère préoccupé les grands de ce monde. Mais, une fois le Liban Sud libéré par les Israéliens (à l’exception des fermes de Chebaa), la seconde Intifada lancée et l’Irak occupée, la Syrie est revenue dans le collimateur, et la résolution 1559 a été adoptée par l’ONU. Dès lors, la pression n’a cessé de s’accentuer. Tant et si bien que Bachar El Assad a déclaré le 6 mars au Times : « Je ne suis pas Saddam Hussein. Je veux coopérer. » Pendant ce temps, Israël viole allégrement nombre de résolutions. Avec ce « deux poids deux mesures », le Liban, même débarrassé en apparence de la lourde tutelle syrienne, peut-il être stabilisé ?

Marion Dumand
La liberté des autres étend la mienne à l'infini.
h
11 mars 2005 11:44
monde
« Faire émerger les exigences politiques populaires »

Khaled Hadadeh, secrétaire général du PC libanais, se bat pour une souveraineté nationale. Rencontre.

Envoyé spécial.

Pour le secrétaire général du Parti communiste libanais (PCL), Khaled Hadadeh, « la mort de Rafic Hariri, sur laquelle nous demandons toute la vérité, est une étape dans un contexte politique en crise depuis quatorze ans. Le fond de ces problèmes est que les Libanais et les Syriens n’ont pas vraiment mis en oeuvre l’accord de Taëf. Aujourd’hui, alors que les État-Unis ont envahi l’Irak, après l’ingérence américaine et française via la résolution 1559 de l’ONU et alors que la Syrie maintient ses troupes au Liban, le problème libanais prend une dimension régionale nouvelle à cause de la structure confessionnelle du régime libanais, qui permet les ingérences extérieures ». Il note que les divisions qui se font jour aujourd’hui sont plus confessionnelles que politiques. « Une grande partie de l’opposition a fait confiance à l’ingérence américaine et française, et maintenant à l’ingérence israélienne ». Concernant les déclarations syriennes, Khaled Hadadeh souligne que les communistes libanais espéraient le retrait syrien après l’accord de Taëf, mais c’est « un problème lié aux structures du régime libanais. Les relations entre le gouvernement libanais et la Syrie sont de l’ordre du troc politique. Le gouvernement assure l’ingérence extérieure et cette ingérence extérieure assure le renouvellement des mandats de ces gouvernements. Dans cet acte de troc ont participé tous les hommes politiques libanais, même ceux qui sont maintenant dans l’opposition gouvernementale. Le retrait annoncé est donc un acte positif. Soit il y a maintenant une véritable négociation interlibanaise pour la mise en oeuvre de l’accord de Taëf dans tous ses aspects : le retrait syrien et tout ce qui a à voir avec les réformes libanaises, en particulier la suppression du confessionnalisme et une loi électorale plus démocratique. Soit l’opposition est en train d’élaborer une loi qui n’est pas démocratique, qui ne prend pas en compte la proportionnalité ».

L’accord de Taëf peut-il entrer dans le cadre de la résolution 1559 ? « Le point commun est en train de se mettre en oeuvre, explique le dirigeant communiste, c’est le retrait des troupes syriennes. Pour les deux autres points essentiels, celui de la résistance libanaise et celui des camps de réfugiés palestiniens, il est très dangereux de les intégrer dans la résolution 1559. Seules les négociations interlibanaises peuvent les traiter, suivies, pour le second point, par un dialogue avec les Palestiniens. Le problème de la résistance libanaise doit être maintenant mis sur la table des négociations interlibanaises pour avoir une vue unifiée sur le problème de la continuation de l’acte de résistance, sur les moyens de la résistance, sur la relation entre le Liban et le conflit israélo-arabe. Pour les Palestiniens du Liban, seule la résolution 194 peut le résoudre. Donc, dans les deux cas, sans ingérence extérieure. »

Le Parti communiste libanais estime par ailleurs que « l’opposition, qui manifeste sur la place des Martyrs, et le gouvernement sont, des points vue social, politique et confessionnel, sur le même plan. Nous sommes dans un autre plan. Nous sommes l’opposition politique de ce régime qui se divise toujours en deux, en relation avec le problème syrien et le conflit régional. Ceux qui se trouvent au gouvernement ont une légitimité issue du soutien aux Syriens. Sur la place des Martyrs, il y a un rassemblement de plusieurs religions. Ce n’est pas un rassemblement national et démocratique, comme on le dit parfois en France. Nous disons qu’une addition de trois religions n’égale pas un parti mais trois religions ! Il faut en fait un plan de lutte différent que ces deux plans et les priorités qu’ils développent ».

« Si nous voulons préserver l’unité nationale, il faut des réformes stratégiques qui préservent le pays des influences extérieures. C’est la condition pour l’existence de la souveraineté nationale. Nous comptons nous tourner vers certains partis de l’opposition, vers le Hezbollah, vers certains partis loyalistes, les syndicats. Surtout, nous travaillons dans les régions libanaises afin de créer un mouvement qui puisse faire émerger les exigences politiques. C’est dans ce cadre que nous organisons un rassemblement à Beyrouth, le 13 mars. »

P. B.







Page imprimée sur [www.humanite.fr]
© Journal l'Humanité


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11 mars 2005 18:00
Salam Hux,
Merci.




Modifié 1 fois. Dernière modification le 11/03/05 20:07 par 2loubna.
La liberté des autres étend la mienne à l'infini.
 
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