Menu
Connexion Yabiladies Ramadan Radio Forum News
Le péril jeune
j
1 décembre 2005 19:35




À mesure que le terrorisme islamiste régresse, la délinquance juvénile et la criminalité progressent. Bouteflika appelle à la mobilisation.

Alger, 20 novembre. Le président Abdelaziz Bouteflika s'apprête à ouvrir solennellement l'année judiciaire. D'un ton grave, il lit le texte qu'il a préparé sans se laisser aller à ces improvisations dont il s'est fait une spécialité et dénonce avec insistance l'ampleur prise par le phénomène du banditisme en Algérie. Hasard du calendrier, quelques jours auparavant, la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) avait annoncé le démantèlement d'un gang spécialisé dans le vol qualifié, dans les environs de la capitale. Composée d'une vingtaine de malfrats, la bande était dirigée par un adolescent de 13 ans !
En Algérie, délinquance juvénile et criminalité, petite ou grande, connaissent une croissance inversement proportionnelle au nombre des opérations terroristes. De Tébessa, à l'extrême est du pays, à Maghnia, aux frontières du Maroc, des rives de la Méditerranée aux confins du Hoggar, aucune agglomération, importante ou non, riche ou démunie de tout, n'est épargnée. À Oran, Annaba, Blida ou Tiaret, aucun automobiliste ne se risque plus à garer sa voiture, la nuit, hors d'un parking : ce serait l'assurance de ne pas la retrouver le lendemain. Même en plein jour, le risque d'agression est quasi permanent. Alger n'est pas encore Johannesburg ou Lagos, mais elle n'en est plus très loin.

Publiée par la presse indépendante, une récente étude d'un institut de recherche londonien spécialisé dans les questions de sécurité cite la capitale algérienne parmi les villes les moins sûres de la planète. Principales causes de cette dégradation : la généralisation du port des armes blanches et l'apparition d'organisations mafieuses spécialisées dans certains trafics - à quoi s'ajoute, bien sûr, la persistance (surtout en milieu rural) d'un terrorisme islamiste « résiduel ».

Le chiffre d'affaires de la contrebande des cigarettes est ainsi estimé à plusieurs centaines de millions de dollars. Naguère pays de transit, l'Algérie est par ailleurs devenue un marché important pour le « kif » produit dans le nord du Maroc. Selon un universitaire, plus de dix tonnes y sont écoulées chaque année auprès d'une clientèle de plus en plus jeune. Si le développement de la consommation du cannabis n'est pas vraiment une surprise - le « kif » n'est-il pas une vieille tradition algérienne -, l'apparition des psychotropes est plus inquiétante. En 2004, les services de sécurité ont saisi plus de quatre cent mille comprimés, performance qui devrait être multipliée par deux cette année. La pilule de Diazepam, de Fazipam ou de Rivotrol coûte 100 dinars (1 euro) : une misère pour un « trip » assuré. Ceux qui ne disposent pas de cette somme peuvent toujours se rabattre sur le Patex ou tout autre type de colle, dans un sachet en plastique que l'on sniffe à longueur de journée pour oublier la faim, le froid ou la solitude. Les consommateurs de ce genre de produits, essentiellement des mineurs, constituent une menace permanente pour les autres. Partout, des ados armés d'impressionnants gourdins, parfois plantés de clous, offrent leurs services pour protéger les véhicules stationnés dans la rue. Prix de la prestation ? « 20 dinars si tu restes moins d'une heure, 50 dinars au-delà. » Mais il arrive que le gardien autoproclamé soit chassé par un autre disposant d'une arme encore plus dissuasive...

De même, on commence à voir apparaître jusque dans le centre des villes des bandes de jeunes armés jusqu'aux dents qui sèment la terreur sur leur passage. Leur arsenal va du simple objet contondant, au poignard et même au sabre ! Pourquoi la délinquance juvénile prend-elle de telles proportions ?

Pendant les années 1990, le déchaînement de la violence islamiste a eu des effets catastrophiques sur le tissu social. Les grands centres urbains ont vu débarquer des foules de villageois fuyant les massacres collectifs. Ces derniers se sont installés où ils l'ont pu, comme ils l'ont pu, c'est-à-dire, presque toujours, fort mal. D'effroyables poches de misère se sont ainsi constituées, qui, au fil du temps, sont devenues de véritables coupe-gorge. Le coût humain de l'insurrection islamiste a été dramatique : entre 100 000 et 150 000 victimes, cinq fois plus d'orphelins, des millions de handicapés et de traumatisés à vie... Certes, la solidarité familiale a joué, mais elle n'a pas suffi à la tâche - immense, il est vrai. Selon le mouvement associatif algérien, l'Algérie compterait aujourd'hui, plus de quatre mille mineurs sans domicile fixe, vivant de mendicité et de petits larcins. Privés de toit et d'autorité parentale, ces enfants sont, dans un premier temps, victimes de tous les abus. Ensuite, ils forment des bandes de malfaiteurs. Les « porteurs de sabres » peuvent passer à l'attaque à tout moment et partout : sur un marché rural, dans une rue commerçante de Blida ou près de la gare de chemin de fer d'Oran.

Mais que fait la police ? « Ce qu'elle peut, répond, agacé, un commissaire divisionnaire en poste dans une grande ville de l'Est. Nous multiplions les opérations coups de poing, mais cela ne fait que déplacer le problème. Que pouvons-nous faire quand le délinquant est un mineur sans aucune représentation, au sens juridique du terme ? Le pays est dépourvu de structures spécialisées, maisons de correction par exemple, les centres de détention sont pleins à craquer [50 000 détenus pour à peine 40 000 places, NDLR], les chiffres de l'échec scolaire alarmants et les conditions socio-économiques particulièrement défavorables à la jeunesse. » Bref, les jeunes fournissent l'essentiel des victimes comme des criminels. Près de 75 % de la population carcérale a entre 18 ans et 28 ans.

Depuis son retour aux affaires, en avril 1999, Bouteflika a bénéficié d'une insolente baraka : jamais il n'a eu à annoncer une mauvaise nouvelle à son peuple. Croissance soutenue, lancement de grands chantiers... son bilan est flatteur. Seule ombre au tableau : les mesures de grâce qu'il annonce périodiquement, à l'occasion des fêtes civiles ou religieuses, finissent par indisposer ses concitoyens. Et par provoquer le découragement des forces de l'ordre : « À quoi bon s'échiner à arrêter un criminel quand on sait qu'il sera relâché quelques mois plus tard ? » s'interrogent les hommes de la Brigade criminelle. L'Algérien « d'en bas » réagit plus brutalement. Désormais, quand les jeunes d'un quartier surprennent un cambrioleur en pleine action, ils s'abstiennent souvent de le livrer à la police ou à la gendarmerie : ils l'attrapent, le ligotent et le rouent de coups, histoire de le dissuader de revenir. La population applaudit et des équipes de surveillance sont parfois mises en place. Mais ce type d'opération n'est pas sans risque. Il arrive que le cambrioleur molesté revienne avec des renforts. Bonjour la vendetta !

Pour prévenir d'éventuels dérapages et empêcher la généralisation de la loi du talion, la police est contrainte de se montrer plus vigilante. Mais elle l'est parfois à l'excès. En témoigne la mésaventure survenue à Nabil (30 ans). Banquier de son état, celui-ci surprend un jour un homme au volant de sa voiture. Il avait brisé une vitre, dénudé les fils de contact et s'apprêtait à la mettre en marche. Nabil l'extirpe du véhicule, lui assène quelques coups et prévient la police. Les cerbères arrivent, arrêtent le voleur et... embarquent Nabil pour coups et blessures ! Le délinquant sera relâché quelques heures plus tard, mais les poursuites judiciaires contre Nabil sont toujours en cours. « Si on ne peut que se féliciter du travail des forces de sécurité en matière de lutte antiterroriste, on ne peut en dire autant pour la protection des biens et des personnes. Là, on est au bord de la faillite », commente le banquier, non sans amertume.

Reste à espérer que l'appel à la mobilisation lancé par Bouteflika, le 20 novembre, devant un aréopage de magistrats et de responsables politiques sera suivi d'effets.

Jeune Afrique

ALGÉRIE - 27 novembre 2005- par CHERIF OUAZANI
s
1 décembre 2005 20:24
Salam Jilali ,


Chaud devant ! hihi

siryne
 
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com
Facebook