Exemple de celui qui profite de l'expérience des autres.
Un lion, un loup et un renard se lièrent d’amitié, et sortirent pour chasser. Ils prirent un âne sauvage, un lièvre et un cerf. Le lion s’adressa au loup : -« Partage entre nous », ordonna-t-il. Le loup dit : -« Le cas me paraît clair : l’âne est à toi, le lièvre est au renard et le cerf est à moi. » Le lion lui asséna un grand coup qui lui sépara la tête du corps ; puis il s’adressa au renard : -«Ah ! que ton ami est ignorant dans l’art du partage. Alors, partage entre nous ». Le renard déclara : -« Cela me paraît évident : l’âne est pour le déjeuner de Sa Majesté, le cerf est pour son dîner et le lièvre est le goûter, entre ces deux repas. » -« Que tu es juste, s’écria le lion ; qui t’a inculqué cette justice ? » Le renard répondit : -« C’est de voir la tête du loup séparée de son corps. »
Un Lion décrépit, goutteux, n'en pouvant plus, Voulait que l'on trouvât remède à la vieillesse : Alléguer l'impossible aux Rois, c'est un abus. Celui-ci parmi chaque espèce Manda des Médecins ; il en est de tous arts : Médecins au Lion viennent de toutes parts ; De tous côtés lui vient des donneurs de recettes. Dans les visites qui sont faites, Le Renard se dispense, et se tient clos et coi. Le Loup en fait sa cour, daube au coucher du Roi Son camarade absent ; le Prince tout à l'heure Veut qu'on aille enfumer Renard dans sa demeure, Qu'on le fasse venir. Il vient, est présenté ; Et, sachant que le Loup lui faisait cette affaire : Je crains, Sire, dit-il, qu'un rapport peu sincère, Ne m'ait à mépris imputé D'avoir différé cet hommage ; Mais j'étais en pèlerinage ; Et m'acquittais d'un voeu fait pour votre santé. Même j'ai vu dans mon voyage Gens experts et savants ; leur ai dit la langueur Dont votre Majesté craint à bon droit la suite. Vous ne manquez que de chaleur : Le long âge en vous l'a détruite : D'un Loup écorché vif appliquez-vous la peau Toute chaude et toute fumante ; Le secret sans doute en est beau Pour la nature défaillante. Messire Loup vous servira, S'il vous plaît, de robe de chambre. Le Roi goûte cet avis-là : On écorche, on taille, on démembre Messire Loup. Le Monarque en soupa, Et de sa peau s'enveloppa ; Messieurs les courtisans, cessez de vous détruire : Faites si vous pouvez votre cour sans vous nuire. Le mal se rend chez vous au quadruple du bien. Les daubeurs ont leur tour d'une ou d'autre manière : Vous êtes dans une carrière Où l'on ne se pardonne rien.
Le lion tomba malade. Tous les animaux sauvages vinrent lui rendre visite, sauf le renard ; le loup en profita pour le calomnier et raconter des propos mensongers sur son compte. S’adressant au loup, le lion lui dit : -« Si le renard se présente, préviens-moi. » Entre-temps, le renard fut mis au courant des agissements du loup. Lorsque le renard arriva, le loup avertit le lion. Ce dernier demanda au renard : -« Où étais-tu, brave cavalier? » Le renard répondit : -« J’étais parti en quête d’un remède pour Sa Majesté. » -« Et qu’as-tu trouvé ? » demanda le lion, intéressé. -« On m’a conseillé le remède suivant : un osselet de la patte du loup. » Le lion asséna alors un coup de griffe qui mit en sang la patte du loup, mais ne trouva rien. Le renard s’éclipsa, puis il vit le loup, les pattes couvertes de sang, il lui dit : -« Ô toi, le loup à la patte rouge de sang, tu ferais mieux, lorsque tu t’assieds chez les rois, de retenir ta langue. »