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"Une pandémie de grippe aviaire émergera un jour ou l'autre"
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17 octobre 2005 14:39
"Une pandémie de grippe aviaire émergera un jour ou l'autre"

LE MONDE | 17.10.05 | 13h52 • Mis à jour le 17.10.05 | 13h59

ue pensez-vous de l'article paru sur le site de la revue Nature, vendredi 14 octobre, qui indique que le virus H5N1 peut devenir résistant au Tamiflu chez les personnes traitées avec ce médicament antiviral, dont la France a constitué un stock de 17 millions de traitements ?

Cette publication intéressante ne concerne qu'un cas, mais vient confirmer des éléments parus dans The New England Journal of Medicine . Cette observation conforte l'idée selon laquelle la préparation à la lutte contre la pandémie impose de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier. C'est pourquoi la France est actuellement en pourparlers avec la multinationale GlaxoSmithKline afin de constituer un stock de Relenza, l'autre antiviral ayant démontré une efficacité contre les virus de la grippe. Nous pourrions ainsi améliorer notre stratégie thérapeutique en cas d'émergence de résistances au Tamiflu.

Nous avons constitué un premier stock important de cet antiviral et nous préparons un deuxième stock sans avoir de véritables certitudes, qu'il s'agisse de l'efficacité de ces médicaments contre un nouveau virus ou de l'importance des phénomènes de résistance à venir.
Nous savons en revanche que si l'on fait aujourd'hui un usage immodéré du Tamiflu, on complique beaucoup les choses. Ce médicament doit être réservé à des malades chez lesquels, pour des raisons médicales, il est important de maîtriser rapidement une infection grippale. Ce serait une erreur majeure que d'user très largement du Tamiflu à titre prophylactique.

Quelle est votre analyse de l'évolution de l'épizootie et, notamment, de la découverte de foyers de H5N1 chez des oiseaux en Turquie et en Roumanie ?

Nous devons impérativement nous intéresser au possible rôle des oiseaux migrateurs dans la propagation de certaines épidémies animales. Ce qui se passe en Turquie et en Roumanie renforce beaucoup l'hypothèse, défendue par l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), mais parfois contestée, du rôle des migrateurs dans la diffusion du H5N1. Cela nous permet aussi d'anticiper sur les événements ultérieurs.

A quoi pensez-vous ?

Ce qui est connu des voies de migration des oiseaux à partir de la Sibérie occidentale ouvre deux possibilités. La première est un accès direct vers l'Europe de l'Ouest. L'on peut s'attendre à des contacts entre oiseaux infectés et oiseaux sains dans les zones humides d'Europe occidentale, mais, au vu du nombre d'oiseaux migrants, ce scénario est toutefois jugé assez peu probable.
La seconde possibilité est en revanche beaucoup plus probable. Elle concerne la voie Méditerranée-mer Noire, qui est plus directement en connexion avec la Sibérie occidentale. Cet axe laisse redouter l'émergence de foyers au Moyen-Orient puis en Afrique. Il s'agit là d'une menace très sérieuse. On peut imaginer l'installation endémique du virus en Afrique, comme c'est le cas dans plusieurs pays d'Asie. Nous serions alors confrontés à de très grandes difficultés de contrôle de l'épizootie, puis, dans quelques mois, à la menace d'une remontée d'oiseaux migrateurs potentiellement infectés de l'Afrique vers l'Europe occidentale.
Cela impose de réfléchir rapidement à la manière dont nous pourrions aider les pays africains concernés à lutter en urgence contre les premiers foyers d'épizootie. Pour les semaines à venir, l'enjeu est clair : il concerne la capacité de la communauté internationale à se mobiliser contre l'épizootie et à répondre à l'appel lancé sur ce thème par la FAO et l'Office international des épizooties.
La situation actuelle impose-t-elle de prendre de nouvelles mesures en France ?
Nous allons devoir renforcer la surveillance des oiseaux migrateurs et de leur environnement proche dans les zones humides. Il faudra de ce fait informer les chasseurs et mobiliser les ornithologues. En cas de découvertes d'oiseaux malades ou morts, l'alerte devra être lancée au plus vite, de manière à faire des analyses biologiques spécialisées. Nous n'envisageons pas de réduire ou de limiter la pratique de la chasse, mais les chasseurs doivent prendre des précautions dans la manipulation d'oiseaux retrouvés morts ou manifestement malades.

Partagez-vous l'opinion de Liam Donaldson, votre homologue britannique, qui, dans un entretien à la BBC, le 16 octobre, a déclaré que l'émergence d'une pandémie grippale était inéluctable ?

Je partage cette analyse. Une telle pandémie émergera un jour où l'autre. Mais faire une telle prévision n'expose pas à un grand risque dès lors que l'on se situe à l'échelle de l'espèce humaine. Il en va différemment si l'on s'intéresse à une échelle de temps plus réduite. Parler pour le siècle à venir est une chose ; évoquer l'année prochaine en est une autre. Nous devons malgré tout nous préparer comme si la pandémie était pour demain.
La préparation de la lutte contre la grippe aviaire a longtemps été un exercice théorique. Désormais, c'est une entreprise très concrète, même s'il n'est pas facile d'agiter une menace importante sans générer de l'anxiété.

Propos recueillis par Jean-Yves Nau
 
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