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Opinion - Mon Islam
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7 octobre 2009 17:29
Mon islam n’est pas tribal, il est universel. J’ai eu dans ma vie le privilège de rencontrer des athées, des juifs, des chrétiens, des boudhistes dont la hauteur d’esprit et la grandeur d’âme forcent l’admiration et le respect. Des «non-musulmans» que je considère meilleurs musulmans que moi.
De hauteur d’esprit et de grandeur d’âme les ouléma officiels et la majorité de la classe politique n’en ont guère fait preuve. Quel spectacle désolant de voir ces élites montrer les crocs et sortir les griffes contre les promoteurs du MALI. Elles portent en bandoulière leur sainte vertu lorsqu’il s’agit de Marocains revendiquant leur liberté de manger en public durant le ramadan, et elles regardent ailleurs quand d’autres Marocains accusés de jihadisme se font torturer dans les prisons secrètes de Témara ? Chacals devant les faibles et serpillères devant les puissants. Non, ce n’est pas ma religion. La couardise mêlée au populisme de ces élites fait appel au pire de nos instincts, celui des meutes. Elle enlaidit notre âme au lieu de l’embellir. Elle nous rabaisse au lieu de nous élever. Non, ce n’est pas mon islam. Mon islam, ma conscience m’exhortent à condamner les vindictes haineuses contre les promoteurs du MALI. C’est pour cela que j’ai aujourd’hui l’impudeur de relater les détails personnels et le contexte de mon cheminement religieux et spirituel. Oui je suis musulman et qui plus est, pratiquant. Au cours de mes années de journalisme, je ne me suis jamais prévalu de ma religion pour défendre mes points de vue car j’ai toujours craint le phénomène «tribal». Je craignais que l’attitude des lecteurs musulmans vis-à-vis de mes idées ne soit obstruée par un «il est des nôtres» faussement réconfortant. Et que celle des non-musulmans par un «c’est trop commode de jouer les téméraires lorsqu’on se prévaut de l’écrasante majorité du pays», trop expéditif. Je voulais qu’ils jugent mes idées sur leur validité propre et non sur les convictions religieuses de leur auteur. Et puis, ne doit-on pas juger les gens sur ce qu’ils font et non sur ce qu’ils prétendant être ? Si j’ai décidé aujourd’hui de parler de mon appartenance à cette communauté de foi, c’est que je me sens profondément insulté, en tant qu’être humain bien sûr, mais aussi en tant que musulman, par certaines réactions à l’affaire du Mouvement Alternatif des Libertés Individuelles (MALI). J’ai décidé de parler de ma religion aujourd’hui parce que ces comportements diffament ma foi. Et parce que mon entrée en islam a justement à voir avec jeûner ou plutôt dé-jeuner durant le ramadan

J’avais 16 ans et comme de coutume je passais l’été chez mes grands-parents paternels. C’était ramadan et l’été était chaud. Mais cela m’importait peu. Je mangeais et buvais à satiété. Mon refus de jeûner était militant. Pour des raisons que j’évoquerai plus tard, j’avais consciemment rejeté l’islam. Un incident changera mon attitude vis à vis de la religion. Un matin, je fus pris la main dans le sac ou plutôt le baghrir dans la bouche. Consternée de voir le petit-fils aîné de Si Bouchta Jamaï alem al Karaouyine, commettre une telle forfaiture, ma grand-mère s’empressa d’en informer le fkih. Sans grande conviction, je prétextai que je n’avais pu me réveiller pour le shour. J’écoutai dissimulé derrière la porte le réquisitoire de cette grand-mère aimante qui, pour le salut de mon âme, se transforma en procureur implacable. Il faut dire ici que bien que ma décision de ne pas jeûner était militante, je ne voulais pas confronter mes grands-parents à ma révolte contre les idées et la foi qu’ils chérissaient. Ce n’était pas la peur qui motivait ma discrétion. Ce serait insulter leur mémoire que de le prétendre. La peur est un sentiment qu’ils n’ont jamais voulu nous inspirer. C’était plutôt ma crainte de paraître leur manquer de respect. Mais le jour de la confrontation était arrivé. En fait, il n’eut jamais de confrontation. «Calme-toi al hajja ! T’a-t-il dit pourquoi il ne jeûnait pas?», s’enquit mon grand père.

-Il dit qu’il ne s’est pas réveillé pour le shour», répondit-elle du ton de ceux à qui on ne la fait pas. La réponse de mon grand-père la laissa perplexe. Moi, elle me désarçonna. «Comment peut-on lui demander de jeûner alors qu’il n’a pas pris de shour. A son âge on a besoin de se nourrir». Sa sentence était définitive et c’était la clémence. J’ai attendu pendant quelques jours l’explication qui, pensais-je, ne tarderait à venir. Mon prétexte pour manger ce matin-là était bancal et, je persiste à le croire, mon grand-père n’y a jamais cru. Il allait me demander des comptes.
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7 octobre 2009 17:31
(Suite)

Forcément. L’explication n’arriva jamais. Son comportement à mon égard ne changea pas d’un iota. Il me montra la même affection et sollicitude d’avant «l’incident». Mais, si lui resta égal à lui-même, il en fut tout autrement pour moi. Ma belle assurance de jeune athée inculte qui avait déjà compris que la religion était l’opium des peuples, se trouvait ébranlée. Il avait instillé le doute dans mon esprit. Il piqua ma curiosité. Je voulais connaître SON islam.

Mon grand-père n’a jamais fait de prosélytisme effréné auprès de ses enfants et petits-enfants. Cela ne l’empêchait pas de nous relancer de temps en temps, histoire de nous rappeller que ce serait quand même bien qu’on fasse notre prière. C’est comme cela qu’à chaque début de vacances j’avais droit à un «Si Boubker, hdak allah oula mazal tbda tssali chouia». Ce à quoi je répondais invariablement «mazal a L’hajj». Cette fois, je m’en fus le voir pour qu’on étudie quelques sourates de ce Coran dont la lecture remplissait ses journées. Il ne parut pas surpris de ma requête mais demanda néanmoins «Es-tu sérieux ?». -«Bien sûr», répondis-je, croyant que sa question relevait davantage de la rhétorique qu’elle n’avait de substance. Le soir même, je compris ma douleur. Après ce jour, le mot «sérieux» n’a plus jamais eu le même sens pour moi. J’eus droit à tout ou presque. Il choisit trois courtes sourates dont l’étude nous prit bien quelques jours. L’explication du texte, la conjugaison, le contexte de la révélation, la diction, bref, la totale. Mais le plus important était le choix des sourates. La première en particulier. Avait-il perçu la nature de mes doutes sur l’islam pour choisir la sourate «Addoha» comme point d’entrée ? Je ne lui ai jamais posé la question. J’ai reçu «Addoha» comme on reçoit une gifle. Elle a ébranlé mon âme. J’avais trouvé ma religion. Celle d’un Dieu qui ne nous abandonne jamais mais qui nous ordonne de ne jamais abandonner les plus faibles d’entre nous. Quelle ne fut mon émotion lorsqu’un quart de siècle plus tard je découvris, accrochée à un mur dans le bâtiment de l’Université de San Diego où j’enseignais, une traduction en anglais de la sourate «Addoha». Un responsable de l’université l’avait choisie pour représenter l’islam au côté d’autres versets et maximes des grandes religions et philosophies du monde. Ma tante Soukaïna me racontera quelques années plus tard qu’adolescente, elle alla voir Si Bouchta pour lui dire qu’elle avait des doutes sur la religion. Sa réponse fut : «C’est le début de la foi, ma fille». La quête permanente, cet effort qui maintient le cœur en éveil.

Après mon épisode ramadanesque, la graine de l’islam essaima en moi. Je m’intéressais ensuite à Mohammed. Qui était cet homme, le prophète de l’islam ? Plus j’en apprenais, plus ma foi se consolidait. Un homme qui ne laissa jamais les affres endurées après la révélation et les exigences de la gestion de la communauté des musulmans obstruer les voies du cœur. C’est ainsi que ma recherche a commencé et qu’elle se poursuit à ce jour. Cet islam qui prenait racine dans mon âme, j’avais pourtant commencé par l’abhorrer. J’avais rejeté cet islam que mes maîtres d’école croyaient m’inculquer à coup de bâtons. Ce Coran qu’on voulait me faire apprendre par la force. Ces prières qu’on voulait m’imposer par la contrainte. Comment pouvais-je adhérer à cet islam dont l’autorité ultime au Maroc, le commandeur des croyants, était cet homme au regard sévère qui inspirait la crainte. Cet homme dont les portraits étaient partout. Dont la police avait enlevé mon père, l’avait torturé pendant six mois dans les sous-sol du commissariat central à Rabat, lorsque j’avais 5 ans. L’enfant que je fus avait vu la détresse dans les yeux de sa jeune mère de 26 ans qui ne savait pas où était son mari qui l’avait laissée enceinte de leur troisième enfant. Plus dans ses tripes que dans sa tête, cet enfant comprit confusément qu’une religion, qui se donne de tels gardiens, ne pouvait être faite pour les hommes.

Mes modèles étaient mes parents. Leur respect pour autrui et leur attachement à la justice a inspiré et continue d’inspirer ma vie. Leur ouverture sur le monde m’ouvrait l’esprit. Leur attachement au respect de la dignité des Hommes était constant. Grâce à mes parents, le sort de mes concitoyens ne pouvait m’être indifférent. Les injustices du monde devaient au moins m’interpeller. Leur soutien militant à la cause palestinienne restera un point d’ancrage de ma conscience politique. S’il m’est quelquefois arrivé de trouver le chemin du Bien, c’est grâce à leur boussole morale. Si je suis le musulman que je suis aujourd’hui, c’est en grande partie grâce à eux.
H
7 octobre 2009 17:32
(Suite)

Ce vécu, ce bagage m’amène à désapprouver la méthode du MALI, mais aussi à soutenir l’idéal de ses promoteurs et saluer leur courage. Je n’approuve pas nécessairement la méthode, car je ne suis pas persuadé que la première étape de leur légitime combat devait forcément être ce qui reste une violation d’une loi, aussi inique soit-elle. N’aurait-il pas fallu entamer un débat ? Organiser des conférences et demander aux forces vives de ce pays de prendre position dans une atmosphère calme et apaisée ?
Je n’approuve pas la méthode, car elle est celle de la confrontation avec une majorité raidie par les relations conflictuelles entre l’occident et le monde arabo-musulman et qui voit dans ces demandes de réformes une insupportable invasion de notre être collectif.

Loin de moi l’idée que le MALI soit une cinquième colonne d’un quelconque colonialisme culturel, mais était-ce suffisant pour ne pas tenir compte de ses perceptions? Une approche moins frontale n’aurait-elle pas été plus constructive ? Ces questions ne sont pas rhétoriques, je me les pose vraiment, car je ne suis pas non plus sûr qu’une autre façon de faire aurait porté ses fruits. Je suis, par contre, convaincu que la demande d’abrogation de l’article 222 du Code pénal est absolument juste. Et c’est pour cela que je soutiens les objectifs du MALI. Il est intéressant de noter que la plupart des réactions négatives ne se fondent pas sur le critère religieux mais sur le critère communautaire.

En somme, ce n’est pas la religion que le MALI offense, c’est la communauté. Or, si on est d’accord pour dire que la religion et l’observance de la religion sont des affaires strictement personnelles, alors l’article 222 est une loi forcément inique. Inique parce qu’elle ôte aux individus un droit qui ne provoque pas de dommages considérables à la communauté. Il n’y a pas de liberté absolue. La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres.

En quoi la liberté des uns de manger durant le ramadan enfreint-elle la liberté de quiconque ? Ce n’est pas tout, il est légitime pour une communauté de limiter certaines libertés individuelles, criminaliser certains comportements. Le père de famille que je suis serait choqué que ses enfants soient exposés à certains comportements indécents sur la voie publique. Mais pour qu’une loi criminalise ce qui est une liberté individuelle au nom des us et coutumes d’une communauté, il faut que les dommages encourus par cette communauté du fait de l’exercice de ces libertés, soient considérables. Quels dommages considérables notre société encoure-t-elle du fait qu’un groupe de personnes mangent pendant le ramadan ?Et puis, le Maroc s’inscrit dans un cadre de valeurs universelles incarnées dans les traités internationaux signés dans le cadre de l’ONU.

Faut il rappeler que notre pays a, très justement, souscrit au respect de ces libertés individuelles que défend le MALI et ce, en signant le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ? Aussi, ne sommes-nous pas choqués lorsque d’autres pays non-musulmans passent des lois qui limitent la liberté individuelle de nos coreligionnaires d’exercer leur culte ? Combien d’entre nous n’ont-ils déploré la loi contre le port du voile en France ? Combien d’entres nous n’ont-ils invoqué la liberté individuelle pour condamner le passage de cette loi ? Et pourtant, une majorité de l’opinion publique française y était favorable. Cela la rend-elle pour autant moins inique à nos yeux ? L’un des arguments avancés en faveur du 222 est sécuritaire. Les Marocains n’accepteraient pas son abrogation et lyncheraient les contrevenants, donc trouble à l’ordre public, donc nécessité de criminalisation. Si c’est peut être l’argument le plus valable pour la répression de l’action du MALI, est-il assez valable pour autant ?

Car, si la question n’est qu’une question de manque de préparation des Marocains à un type de comportement qui, dans l’absolu, devrait être permis, que faut-il faire pour préparer ces Marocains ? Il faut bien commencer la discussion quelque part. Et quand bien même estimerait-on que la méthode adoptée par le MALI n’est pas la bonne, doit-on pour autant les vouer aux gémonies ? Alors oui, je salue le courage des promoteurs du MALI de défendre leurs idéaux et d’en assumer les risques. Il faut rappeler que les sociétés respirent et évoluent par les marges. Une société qui ne permet pas à ses groupes minoritaires d’exprimer leurs points de vue se sclérose. Ces mouvements, marginaux au début, peuvent devenir les baliseurs de l’avenir.

Criminaliser systématiquement leurs idées et leurs modes d’expression va à l’encontre des intérêts de la société. Tous ne réussissent pas à nous convaincre de la justesse de leurs idées mais nous avons besoin de leur expression, car certains d’entres eux éclaireront les voies du futur.

Source:
Aboubakr jamaï
[www.lejournal-press.com]



Modifié 1 fois. Dernière modification le 07/10/09 17:32 par Hichamo.
k
7 octobre 2009 19:16
un p't mot :

Y a de la bonne parole :

"Quel spectacle désolant de voir ces élites montrer les crocs et sortir les griffes contre les promoteurs du MALI. Elles portent en bandoulière leur sainte vertu lorsqu’il s’agit de Marocains revendiquant leur liberté de manger en public durant le ramadan, et elles regardent ailleurs quand d’autres Marocains accusés de jihadisme se font torturer dans les prisons secrètes de Témara ? Chacals devant les faibles et serpillères devant les puissants."


Mais le fond est rebelle et je sais de qui et de quoi je parle .

ça pue l'incrédulité (d'Oumayya) et la tenacité (d'Ibliss) ....................

M'en fin ça reste UNE opinion ,heureusement !








Une perle grinning smiley:


====) Consternée de voir le petit-fils aîné de Si Bouchta Jamaï alem al Karaouyine

====) Je m’intéressais ensuite à Mohammed.


Une anecdote :

il m'est arrivé d'échanger avec un alem (érudit) d'al karaouyine ,et tout ce que j'ai pu retenir ,à l'instar de sa maitrise parfaite de la langue de molière ,une citation : le7mir katba3 fi lesswa9 ou lfo9ha (érudits) keyweldouhom "grinning smiley avec mes respects pour les ânes .
 
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