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La nouvelle stratégie européenne des néo-conservateurs
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7 octobre 2005 21:33
Tirant les leçons des événements qui ont agité l’Europe depuis deux ans, les néo-conservateurs ont décidé de bouleverser leur agenda dans cette partie du monde. Celui-ci prévoyait initialement : (1) de redéployer les forces armées US stationnées en Europe, en les déplaçant à la fois vers l’Est et le Sud de manière à contrôler l’Europe centrale et orientale et à former un « cordon sanitaire » autour de la Fédération de Russie ; (2) de neutraliser toute vélléité de Défense européenne indépendante et de renforcer le leadership de l’OTAN ; (3) de s’appuyer sur la Commission de Bruxelles pour faire fusionner la zone de libre-échange nord-américaine et la zone de libre-échange ouest-européenne. Et pour cela de faire adopter un traité, dit « constitutionnel », déterminant à l’avance les pouvoirs et le programme politique de la Commission de sorte qu’elle soit affranchie de tout contre-pouvoir.

Le redéploiement des troupes états-uniennes est en cours et n’est pas remis en question. L’Union européenne participe efficacement et sans discussion à toutes les opérations de déstabilisation des marches de la Russie : sous couvert de programmes d’assistance et de développement économique, elle a facilité l’ingérence états-unienne dans le Caucase ; Javier Solana est venu personnellement en Ukraine superviser la « révolution » orange ; et la Commission finance un programme de déstabilisation du gouvernement biélorusse.

Le fidèle Solana, qui se souvient d’avoir été secrétaire général de l’OTAN avant d’accéder au secrétariat général de l’Union européenne, a réussi à faire adopter par le Conseil des chefs d’État et de gouvernement une doctrine stratégique calquée sur celle du président Bush. Il s’ensuit que, par la force des choses, la défense de l’Union est plus dépendante que jamais de l’OTAN. Cependant, si M. Solana est parvenu à impliquer l’Union en Afghanistan et au Soudan aux côtés de l’OTAN, il a échoué en ce qui concerne l’Irak.
De ce résultat incomplet, les néo-conservateurs ont conclu que l’Union est facilement instrumentalisable sur le continent européen, mais que les États membres conservent des intérêts trop divergents dans le reste du monde pour pouvoir y jouer le rôle qu’ils leur assigne.


George W. Bush et Javier Solana
Enfin, force est de constater l’échec du projet de Traité constitutionnel, rejetté par les Français et les Néerlandais, et l’échec d’Angela Merkel à faire entrer les Allemands dans la globalisation pseudo-libérale. Après avoir hésité à interpréter ces événements comme une peur de l’élargissement de l’Union et de l’immigration qu’elle provoque, ou comme une crise de dépression face au chômage qui se traduirait également par des votes extrémistes voire antisémites, les néo-conservateurs en ont conclu qu’ils ne parviendraient pas à imposer aux populations récalcitrantes le modèle socio-économique anglo-saxon par la voie politique. Changeant leur fusil d’épaule, ils ont donc décidé de s’appuyer sur la faction mondialiste des patronats nationaux. Jose-Manuel Barroso, devenu président de la Commission par la grâce de George W. Bush après avoir organisé le sommet des Açores pour l’invasion de l’Irak, a été prié de faire son deuil de la Constitution européenne et de resserer le dispositif. Il a donc annoncé la semaine dernière l’enterrement de soixante-dix projets législatifs au prétexte qu’ils sont trop complexes et incommodent l’opinion publique, en réalité parce que la stratégie est inversée : il ne s’agit plus de réglementer sous l’autorité de la Commission, mais au contraire de démanteler les codes actuels et de transférer l’élaboration de la réglementation à un Forum réglementaire transatlantique animé par les grands patrons du TABD (Transatlantic Business Dialogue).
Dans le même ordre d’idée, les directives Reach et Bolkenstein que l’on avait sacrifiées dans l’espoir de faire adopter la Constitution, ressortent des cartons. La première vise à déréguler la production chimique ; la seconde, de loin la plus importante, vise à détruire les législations sociales nationales pour rendre l’Union compatible avec l’ALENA (accord de libre-échange nord-américain). Le principe est simple : sous prétexte de libre-circulation, on donne la possibilité au patronat de choisir la législation sociale qu’il applique à ses employés en transférant le siège social de ses sociétés dans l’État le mieux-disant.
Par ailleurs, pour convaincre les populations européennes, là où les responsables politiques ont échoué, les néo-conservateurs ont fait appel à Benoît XVI et à l’Église catholique. Les dirigeants de la Conférence épiscopale des États-Unis et ceux de la Commission des épiscopats de la Communauté européenne se sont réunis du 21 au 23 septembre à Bruxelles pour soutenir le « Nouvel agenda transatlantique ».

À Washington, les néo-conservateurs ont décidé d’adapter leur dispositif organisationnel à leur nouvelle stratégie. Le groupe qui, au sein de l’American Enterprise Institute, avait été chargé de rédiger le programme de la présidence G. W. Bush, le Project for a New American Century (Projet pour un nouveau siècle américain), a été discrètement dissout il y a deux semaines. Il a été remplacé par un American Committee for a Strong Europe (Comité américain pour une Europe forte). Par « Europe forte », il faut comprendre, une Europe capable de suppléer les troupes US dans le monde et de vaincre les résistances anti-globalisation dans sa population.

Ce Comité, qui évitera d’intervenir trop ouvertement dans la politique de l’Union, a immédiatement sollicité des « amis de l’Amérique » pour le faire en son nom. Ainsi, l’Arabie saoudite a-telle répondu présent pour financer les prochaines campagnes électorales de Nicolas Sarkozy en France et permettre aux néo-conservateurs d’en finir avec Dominique de Villepin. Des mesures similaires ont été prises pour chaque grand État membre de l’Union.


Thierry Meyssan
Journaliste et écrivain, président du Réseau Voltaire
 
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