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Nous sommes la cruauté, nous sommes le pouvoir.
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8 mai 2006 21:28
Nous sommes la cruauté, nous sommes le pouvoir.




Ron Furer, sergent chef (Réserviste) ne peut plus désormais continuer à vivre sa vie de façon habituelle.
Il est hanté par des images de ses trois années de service militaire dans Gaza, et la pensée que cela pourrait être un syndrome qui toucherait tous ceux qui servent aux checkpoints ne lui laisse aucun répit.
Près de terminer ses études de décorateur à l’Académie d’Art et Décoration de Bezalel, il a décidé de tout laisser tomber et de consacrer tout son temps à un livre qu’il voulait écrire.

Les principaux éditeurs à qui il l’a apporté, ont refusé de le publier. L’éditeur qui a finalement accepté de le publier (Gevanim) a dit que la chaîne de librairies Steimazky refuse de le distribuer. Mais Furer est déterminé à attirer l’attention du public sur son livre.

"Vous pouvez adopter les positions politiques les plus extrèmes, mais aucun parent n’acceptera que son fils devienne un voleur, un criminel ou une personne violente" dit Furer. Le problème, c’est que cela n’est jamais présenté de cette façon. Le garçon lui-même ne se décrit pas de cette façon à sa famille, quand il rentre des Territoires. A l’opposé - il est reçu en héros, comme quelqu’un qui remplit un travail important, celui de soldat. Personne ne peut être indifférent au fait qu’il y a beaucoup de familles qui, dans un certain sens, comportent deux générations de criminels. Le père est passé par-là, et maintenant le fils aussi, et personne n’en parle autour de la table, au diner.

Furer est certain que ce qui lui est arrivé n’est pas un cas unique. Lui qui était un diplomé du lyçée d’Arts de Yellin, créatif, sensible, est devenu un animal au point de contrôle, un violent sadique qui battait des Palestiniens parce qu’ils ne lui montraient pas la politesse requise, qui tirait dans les pneus des voitures, parce que leurs propriétaires mettaient la radio trop fort, qui a maltraité un adolescent retardé mental couché sur le plancher de la jeep, les mains liées derrière le dos, juste parce qu’il avait besoin d’évacuer sa colère, d’une manière ou d’une autre.

"Checkpoint Syndrome" (c’est aussi le titre du livre), transforme progressivement chaque soldat en animal, assure-t-il, quelles que soient les valeurs qu’il apporte avec lui de la maison. Personne ne peut échapper à cette corruption. Dans un endroit où presque tout est permis et où la violence est perçue comme un comportement normatif, chaque soldat teste ses propres limites de violence, d’impulsivité sur ses propres victimes - les Palestiniens.

Son livre n’est pas facile à lire. Ecrit en prose succinte, féroce, dans le langage abrupt et grossier des soldats, il reconstruit des scènes des années de son service dans Gaza (1996-1999) années qui, chacun doit en convenir, étaient relativement calmes.

Il décrit comment lui et ses camarades, forçaient les Palestiniens à chanter "Elinor" - "C’était vraiment quelque chose de voir ces Arabes chantant une chanson de Zohar Argov (chanteur israélien contemporain, interprète des chansons nationalistes sur accompagnement musical oriental ndlt), comme dans un film" .... "Parfois ces Arabes me dégoutaient vraiment, surtout ceux qui essayaient de nous flatter de manière outrancière - les plus âgés, qui arrivaient au checkpoint avec un sourire sur leur visage" ; les réactions qu’ils provoquaient -"s’ils nous embêtaient vraiment, nous trouvions un moyen de les coincer au checkpoint pendant quelques heures. Ils perdaient parfois une journée entière de travail à cause de cela, mais c’était la seule manière pour qu’ils apprennent".

Il décrit :
Comment ils ordonnaient aux enfants de nettoyer le checkpoint avant l’heure d’inspection . Comment un soldat appelé Shahar avait inventé un jeu : "il vérifie la carte d’identité de quelqu’un, et au lieu de lui rendre, il la lance en l’air. Il prenait plaisir à voir l’Arabe obligé de sortir de sa voiture pour ramasser sa carte d’identité.... C’est un jeu pour lui et il peut passer tout le temps de sa garde de cette façon".

Comment ils ont humilié un nain qui venait chaque jour au checkpoint sur son chariot : "ils l’ont obligé à être pris en photo sur le cheval, l’ont frappé et humilié pendant une bonne demi-heure, puis l’ont laissé partir quand des voitures sont arrivées au checkpoint. Le pauvre type, il ne le méritait vraiment pas."

Comment ils se sont fait prendre en photo souvenir avec des arabes attachés, ensanglantés, qu’ils avaient battu.
Comment Shahar a pissé sur la tête d’un arabe parce que l’homme avait eu l’audace de sourire à un soldat.
Comment Dado a obligé un arabe à se tenir à quatre pattes et à aboyer comme un chien, et...
Comment ils ont volé des chapelets de prière et des cigarettes "Miro voulait qu’ils lui donnent leurs cigarettes, les Arabes ne voulaient pas, alors Miro a cassé la main de quelqu’un et Boaz a lacéré les pneus".

Confession glaciale. Celle qui glace le plus le sang de toutes ses confessions : J’ai couru vers eux et j’ai donné un coup de poing dans la figure d’un Arabe. Je n’avais jamais donné un coup de poing de la sorte. Il s’est effondré sur la route. Les officiers ont dit que nous devions le fouiller pour trouver ses papiers. Nous lui avons mis les mains derrière le dos et je les lui ai attachées avec des menottes en plastique. Puis, nous lui avons bandé les yeux, pour qu’il ne voit pas ce qu’il y avait dans la jeep. Je l’ai ramassé de sur la chaussée. Un filet de sang coulait de sa lèvre jusqu’au menton. Je l’ai mis debout derrière la jeep et l’ai jeté dedans, ses genoux ont heurté le coffre et il a atterri à l’intérieur. Nous nous sommes assis derrière en piétinant l’Arabe... Notre Arabe était étendu là, plutôt calme, juste pleurant doucement pour lui-même. Son visage était juste sur mon gilet pare-balles et il saignait. Il y avait une flaque de sang et de salive, cela m’a dégoutté et mis en colère, alors je l’ai empoigné par les cheveux et je lui ai tourné la tête sur le côté. Il a pleuré tout haut et, pour faire en sorte qu’il arrête, nous lui avons piétiné le dos de plus en plus fort. Cela l’a calmé pendant un moment, puis il a recommencé. Nous avons conclu qu’il était soit retardé, soit fou.

Le commandant de la compagnie nous a informé par radio que nous devions l’amener à la base."Bon travail, tigres" dit-il en nous taquinant.

Tous les soldats attendaient là bas pour voir ce que nous avions attrapé. Quand nous sommes arrivés en jeep, ils ont sifflé et applaudi à tout rompre.

Nous avons mis l’Arabe à côté du garde. Il n’arrêtait pas de pleurer et quelqu’un qui comprenait l’arabe dit qu’il avait les mains qui lui faisaient mal à cause des menottes. L’un des soldats est allé vers lui et l’a frappé dans l’estomac. L’Arabe s’est plié en deux et a grogné, et nous avons tous ri. C’était marrant.... Je lui ai donné un gros coup de pied dans les fesses et il s’est étalé juste comme je l’avais prévu. Ils ont crié que j’étais totalement fou, et ils ont ri. et je me suis senti heureux. Notre arabe n’était qu’un garçon mentalement retardé de 16 ans.

Dans l’appartement de sa soeur sous les toits, à Tel Aviv, où il vit actuellement, Furer, 26 ans, donne l’impression d’être un jeune homme reflèchi, intelligent. Il a grandi à Givatayim, après que ses parents ont émigré d’Union soviétique dans les années 70.
Avant l’assassinat de Ytzhak Rabin, sa mère était une militante de Droite. Mais il dit qu’à la maison ce n’était pas politisé. Il voulait être dans une Unité de combat dans l’armée, et il a servi dans deux unités d’élite de l’Infanterie. Il a fait la totalité de son service militaire dans la Bande de Gaza.

Après l’armée, il a voyagé en Inde, comme beaucoup d’autres. "Maintenant, je suis libre. Les énergies folles de Goa et les chakras m’ont ouvert l’esprit... Vous m’avez collé dans ce Gaza puant, et avant cela, vous m’avez fait un lavage de cerveau avec vos fusils et vos marches, vous avez fait de moi une serpillière qui ne pensait plus," écrit-il de Goa. Mais ce n’est qu’après, alors qu’il étudiait à Bezazel, que les expériences de son service militaire ont commencé à l’affecter.

"J’ai pris conscience qu’il y avait là un processus inchangé." dit-il. C’était la même chose pendant la première Intifada, pendant la période où j’ai fait mon service, période qui était calme, et pendant la seconde Intifada. C’est devenu une réalité permanente. J’ai commencé à me sentir très mal à l’aise, du fait que ce sujet très chargé, était à peine mentionné en public.

Les gens écoutent les victimes, ils écoutent les politiciens, mais la voix qui dit : J’ai fait ceci, nous avons fait des choses qui étaient mauvaises - à vrai dire des crimes - c’est une voix que je n’ai jamais entendue. La raison pour laquelle cette voix n’était pas entendue, c’était un mélange de répression - que j’ai refoulé et ignoré - et de sentiments profonds de culpabilité.

Dès que vous sortez du service militaire, la réalité politique et médiatique autour de vous n’est pas prête à entendre cette voix. Je me rappelle que j’étais surpris qu’aucun soldat n’ait soulevé ce problème publiquement. Cela se dissolvait complètement dans le débat sur la légitimité des colonies dans les Territoires, sur l’Occupation - pour ou contre - et rien n’est apparu dans les médias ou dans l’art, lié à la routine du maintien de l’occupation.

Ce n’est pas un cas individuel.

Furer veut prouver que c’est un syndrome et non pas une collection de cas isolés, individuels. C’est pourquoi il a supprimé beaucoup de détails personnels du manuscrit original, pour souligner le caractère général de ce qu’il décrit. Pendant mon service militaire, je croyais que j’étais atypique, parce que je venais d’un milieu artistique et créatif.

J’étais considéré comme un soldat modéré - mais je suis tombé dans la même trappe dans laquelle la plupart des soldats tombent. Je me suis laissé emporter par la possibilité d’agir de la manière la plus primaire et impulsive, sans avoir peur de la punition et d’être critiqué.

Au début, vous êtes tendu, mais, avec le temps, en vous sentant plus à l’aise aux checkpoints, le comportement devient plus naturel. Les gens testent par étape les limites de leur comportement envers les Palestiniens. Cela devient petit à petit de plus en plus grossier.

Je suis devenu plus sûr de moi avec la situation - dès que nous tirons la conclusion que - chacun selon son tempérament - nous sommes les patrons, que nous sommes les plus forts, quand nous ressentons notre pouvoir, chacun commence à tirer de plus en plus sur les limites, selon sa personnalité.

Dès que servir aux checkpoints devient une routine, toutes sortes de comportements déviants deviennent normaux. Cela a commencé avec "la collecte de souvenirs". Nous confisquions des chapelets de prière, et puis c’était les cigarettes, et cela ne s’est pas arrêté. C’est devenu un comportement normal. Après, est venu le jeu du Pouvoir. Nous avons reçu le message de nos supérieurs que que nous devions montrer aux Arabes froideur et force de dissuasion. La violence physique est devenue également normale. Nous nous sentions libres de punir tout Palestinien qui ne suivait pas notre propre code de conduite aux checkpoints. Toute personne que nous ne pensions pas assez polie ou qui essayait d’agit intelligemment était sévèrement punie. C’était du harcèlement délibéré sous les prétextes les plus futiles.

Pendant mon service militaire, il n’y a pas eu un seul incident où on nous a fait comprendre ce qui se passait, où notre commandant est intervenu. Personne ne parlait de ce qui était permis et de ce qui ne l’était pas. Tout était une question de routine. Rétrospectivement, la plus grande source de sentiments de culpabilité en ce qui me concerne, n’est pas arrivée au checkpoint, mais à la clôture de Gush Katif (colonie dans la Bande de Gaza ndlt ) , quand nous avons attrapé le garçon retardé mental. J’y ai démontré l’attitude la plus extrème.

C’était une occasion pour moi d’en attraper un - la chose la plus proche de celle d’attraper un terroriste, une occasion d’évacuer les pressions et les impulsions qui s’étaient construites en nous. Devenir violent, de la manière que nous voulions. Nous étions habitués à donner des gifles, attacher les mains, donner quelques coups de pied, frapper un peu, et là, il y avait une situation qui justifiait de se laisser aller complètement.

L’officier qui était avec nous était aussi, lui-même, très violent. Nous avons administré au gamin une vraie raclée, et dès que nous sommes arrivés au poste, je me souviens avoir eu un immense sentiment de fierté, d’avoir été traité comme quelqu’un de fort. Ils disaient : "quel cinglé tu es, quel fou tu es" ce qui était comme s’ils disaient : "comme tu es fort".

Aux checkpoints, des jeunes gens avaient l’occasion d’être les maîtres, et l’utilisation de la force et de la violence devient légitime. Ceci est une impulsion beaucoup plus fondamentale que les points de vue politiques ou les valeurs que vous apportez de la maison. Dès que l’utilisation de la force est légitimée et même récompensée, la tendance est de l’utiliser le plus possible, de l’exploiter le plus possible,. pour satisfaire ces impulsions au-delà de ce que la situation exige. Aujourd’hui, je les appelerai des impulsions sadiques....

Nous étions des criminels ou des personnes spécialement violentes. Nous étions un groupe de braves garçons, un groupe plutôt de "haute qualité", et pour tous - et nous en parlons encore quelquefois- le checkpoint devient un endroit où tester nos limites personnelles. Comment nous pouvions être durs, inhumains, cinglés ? - Et nous pensions cela dans son sens positif. Quelque chose sur la situation - être dans un endroit perdu, loin de la maison, loin de toute critique - le rendait justifié... La ligne de ce qui était défendu n’a jamais été définie précisément. Personne n’a jamais été puni et ils nous ont simplement laissé continuer.

Aujourd’hui, je suis sûr que même les plus hauts gradés - le Commandant de Brigade, le Commandant de Bataillon - sont au courant du pouvoir que les soldats ont dans cette situation et ce qu’ils font avec.

Comment un commandant pourrait-il ne pas être au courant, quand, plus ses soldats sont cinglés et durs, plus le secteur est calme ? L’image plus complexe des effets à long-terme d’un tel comportement violent, est quelque chose dont vous prenez seulement conscience que quand vous vous éloignez du checkpoint.

Aujourd’hui, il est clair pour moi que le garçon dont nous avons humilié le père pour une broutille, grandira en haissant toute personne qui représente ce qui a été fait à son père. Je comprends vraiment maintenant leurs motifs.

Nous sommes la cruauté, nous sommes le pouvoir. Je suis sûr que leurs réponses sont affectées par des éléments en relation avec leur société - un mépris pour la vie humaine et une disposition à sacrifier des vies humaines - mais le désir fondamental de résister, la haine elle-même, la peur - sont, je le sens, complètement justifiés et légitimes, même si c’est risqué de dire cela.

C’est impossible d’être dans un tel état émotionnel, de rentrer à la maison pour une permission et de se détacher de cela. J’étais vraiment très insensible aux sentiments de ma petite amie à cette époque là. J’étais un animal, même quand j’étais en permission.

Cela vous colle aussi à la peau après votre service. J’ai vu des restes de ce syndrome en Inde - le fait d’être dans un pays sous-développé, parmi des personnes à la peau fonçée, fait resurgir le pire de "l’affreux Israélien" qui est aussi Israélien qu’il puisse l’être. Ou la façon dont vous réagissez à un sourire : quand des palestiniens me souriaient au checkpoint, je devenais tendu et le percevait comme un geste de défiance, de culot. Quand quelqu’un me souriait en Inde, j’étais immédiatement sur la défensive.

J’étais un soldat moyen" dit-il. J’étais le blagueur du groupe. Maintenant, je vois que j’étais souvent celui qui dirigeait dans les situations violentes. J’étais souvent celui qui donnait les gifles. Je suis celui qui a eu toutes sortes d’idées comme dégonfler les pneus. Cela semble tordu maintenant, mais nous admirions vraiment celui qui pouvait frapper un type qui était supposé voir venir le coup. L’officier que nous admirions le plus, c’était l’officier qui ne ratait pas une occasion d’utiliser son arme. Parmi tous ceux avec qui j’en ai parlé, je suis le seul à avoir le plus de sentiments de culpabilité....

Un ami de l’armée a lu le livre et m’a dit que j’avais raison, que nous avons fait des choses mauvaises, mais que nous étions des gosses. Et il a dit que c’était dommage que je le prenne si mal.

Gideon Levy
transmis par Sam Sahour / New Profile newletter
Source : www.haaretzdaily.com
Traduction : MDB
"L'orgueil du savoir est pire que l'ignorance"
s
8 mai 2006 21:42
tu sais ce syndrome ne touche pas que furer mais de milliers d'israeliens c'est pourquoi ils vont pour une majorité emigré en inde pour oublier toutes les horreurs qu'ils ont subir sous les ordres de leurs superieurs!!! je ne sais plus trop le nom de cet endroit en inde. il y'en a qui se defoule en ecrivant un livre il y'a ceux qui font le voyage jusqu'en inde se defoncent et boivent pour oublier...
b
8 mai 2006 22:57
Imaginez alor les pauvres palestiniens qui ne peuvent voyager pour oublier juste une seconde leur quotidien abominable, les bouchers israéliens pour la minaurité peuvent avoir des remords, mais ils restent des bouchers, alor que les victimes leur soufrances est infiniment plus grandes, car se sont eux et leur familles qui souffrent.
 
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