Avec la linguiste Dominique Caubet, vous venez de réaliser le documentaire Nayda (sortie prévue pour la mi-août). Pensez-vous que la Nayda existe réellement au Maroc ?
C’est la question que je pose dans le documentaire. Je ne suis ni sociologue ni anthropologue, mais j’estime qu’il existe un mouvement musical et social chez les jeunes, qui sortent d’une certaine léthargie. Donc oui, Nayda existe réellement. Et ce n’est pas le propre du Maroc. Ce mouvement se déroule à l’échelle planétaire. C’est une sorte de réaction de toutes les rues du monde face à la mondialisation. En même temps, ce phénomène revêt une dimension très locale.
Et que dire des groupes de rap qui tiennent des propos conservateurs, parfois liberticides ? Participent-ils à la dynamique Nayda ? Chacun exprime les choses qu’il ressent à sa manière. Le conservatisme, et même l’islamisme, sont aussi des modes de réaction face à cette mondialisation. Ils participent donc à ce mouvement.
Peut-on affirmer qu’il existe des similitudes entre le phénomène Nayda et la Movida du milieu des années 70 en Espagne ?
La Movida a été une vraie rupture dans l’Espagne d’après Franco, orchestrée par une population disjonctée. Au Maroc, on ne peut pas parler de changement radical. Les choses se font plutôt dans la continuité. Il existe donc une dynamique, mais elle est nettement moins brutale qu’en Espagne.
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La société marocaine comme beaucoup d’autres sociétés de nos jours, s’interroge sur sa situation, son passé et surtout son avenir.
Mondialisation, stabilités socio-économiques, peur de l’intégrisme et de l’islamisme violent, questionnement sur la citoyenneté, le travail politique, le rôle de l’individu au sein de la collectivité, sont toutes des thématiques qui émergent et prennent de plus en plus du poids tant auprès de la jeunesse qu’auprès d’une bonne partie des citoyens.
La nouvelle scène musicale marocaine, composée essentiellement de jeunes gens s’exprimant en Darija et chantant haut et fort leurs convictions, problèmes, envies et craintes témoigne du phénomène Nayda que connaît notre si beau Maroc.
Personnellement malgré mes nombreuses craintes, un phénomène comme celui que connaît notre pays, ne peut que me rassurer sur l’avenir de ma nation.
Ce phénomène qu’on peut appeler « NAYDA » est difficile à décrire avec précision, son évolution malgré qu’elle soit apparente reste encore difficile à évaluer son avenir et impacts sur l’ensemble de la société.
Qu'est ce le phénomène Nayda à tes yeux ? Sens tu que tu en fais partie ?
Quel regard porte le jeune ou moins jeune que tu es sur le phénomène Nayda au Maroc ?
Comment imagines tu l’avenir d’un tel mouvement ?
En quoi notre Nayda est différent au jour d’aujourd’hui de la Movida qu’a connue l’Espagne voisine ?
Le phénomène Nayda au Maroc se compose selon moi des évènements suivants :
- Des chansons diffusées en boucle sur les différents radios marocaines, qui répètent sans cesse des messages tel que « On veut aller de l’avant, main dans la main tous ensemble » « Celui qui aime notre pays on le veut avec nous » « Stop aux scandales, stop à la terreur » « Stop à la peur » « Soyons actif, positif » « Mobilisons nous pour avoir un impact positif sur la collectivité » « Croyons dans notre avenir » « Travaillons notre nation » « Arrêtons avec les erreurs du passé » etc, etc.
- Les images des milliers de jeune chantant et dansant devant des groupes jouant des œuvres reprenant en boucles des messages tel que cité plus haut.
- La visibilité de la culture jeune, parlant notre vraie langue DARIJA sur l’ensemble de nos médias.
- Une culture de libre parole, libre pensée qui à son tour prend place dans le champ médiatique marocain.
- Les initiatives et le dynamisme de certains jeunes, et surtout sa médiatisation.
- Le discours et les positions de certains hommes politiques qui profitent du phénomène pour s’exprimer librement et de manière très remarquables.
- Et enfin le positionnement du Roi du Maroc, qui ne cesse de manière direct ou indirect de donner l’exemple à une jeunesse en mal de model, d’objectifs, d’espoir, de rêve.
Notre portail fait aussi partie de ce dynamisme que connaît la nation marocaine, on prend de plus en plus la peine de penser, de s’exprimer, de raisonner et tenter de mieux comprendre nos réalités, ce que nous sommes, ce que nous voulons être.
Voilà en gros comment je vois le phénomène Nayda, il était temps qu’on connaisse de tel mobilité et dynamisme, cela me rend confiant, me soulage, et me fais croire que le pire est difficilement derrière nous.
Comment ne pas croire en cette dynamique quand au moins des milliers de jeunes marocains chatent et dansent sur une musique comme celle ci ?
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