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La monarchie ? Oui, mais...
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15 juin 2005 13:03


Nadia Yassine a provoqué une véritable tempête en pronostiquant la fin de la Monarchie. La décision de la poursuivre en justice expose la fébrilité du régime et risque d'occulter le débat nécessaire sur l'évolution de l'institution monarchique.


Lorsque l'ex-militant d'extrême gauche avait conduit sa campagne électorale pour les municipales de juin 1997 à Casablanca sur le triple thème de la république, l'autodétermination des Sahraouis et la laïcité, beaucoup s'étaient étonnés de la mansuétude des autorités. Depuis, les positions de celui qui est devenu l'un des plus remarquables et efficaces militants de la société civile marocaine, ne semblent plus déranger personne. La même profession de foi républicaine dans la bouche de la fille d'Abdeslam Yassine suscite en revanche une véritable tempête qui a culminé cette semaine par sa traduction en justice pour « atteintes aux institutions sacrées de la nation ». Deux éléments distinguent Nadia Yassine de ses camarades républicains de l'extrême gauche. L'audience de son mouvement et la conjoncture dans laquelle elle s'est exprimée. Al Adl est un mouvement capable de mobiliser les masses. Qu'un de ses membres emblématiques professe des théories républicaines ne peut qu'inquiéter le Pouvoir. Pourtant, ces mêmes idées avaient été avancées auparavant. Mais les circonstances ont changé. La réaction du régime trahit son désarroi face aux difficultés qui s'amoncellent.

Action irréfléchie

La situation économique plus qu'inquiétante et les troubles au Sahara ont mis le Pouvoir au pied du mur. Il paie cher sa stratégie de la poussière sous le tapis. Contrairement à ce que laissait penser son approche face aux problèmes du pays, le temps ne jouait pas en sa faveur. Il semble s'en rendre compte et… panique. La décision de poursuivre Nadia Yassine et les journalistes qui l'ont interviewée est une bourde stratégique. Dans son interview, Nadia Yassine défend la souveraineté du peuple à travers la notion de « République ». Imaginez la tête de ces messieurs du Quai d'Orsay et du Département d'Etat qui doivent expliquer à leur opinion publique que leur gouvernement soutient une monarchie absolutiste basée sur la religion qui réprime des militants, certes islamistes, mais républicains, condamnant la violence et défendant la souveraineté populaire ! L'image n'est pas si caricaturale. En agissant ainsi, le régime met forcément la lumière sur la nature des institutions du pays. Le parallèle avec la crise au Sahara est saisissant. En mettant en exergue les troubles au Sahara, la stratégie du Polisario est d'attirer l'attention de l'opinion publique internationale sur ce qu'il estime être le fond du problème : l'autodétermination. Un concept à connotation positive auprès de l'opinion publique internationale. En focalisant malgré lui le débat sur la nature du régime à travers les poursuites entamées dans l'affaire Nadia Yassine, il offre à ses opposants une occasion en or de souligner la dimension anti-démocratique de la monarchie de Mohammed VI.

Occasion manquée

Une facette partiellement occultée par la machine marketing du régime. Cette attitude risque, par ailleurs, d'occulter un débat sur les positions du mouvement de cheikh Yassine. L'interview contentieuse est riche d'enseignements. Nadia Yassine y affirme, à l'appui des positions démocratiques de son mouvement : « Nous pourrions vivre le jour où il y aura des élections libres à travers lesquelles, le peuple pourra, par exemple, décider de ne pas adopter le référentiel islamique... ». Déclaration importante car elle établit le souhait de la communauté au-dessus de la révélation. Elle cite aussi en exemple le savant andalou Ibn Rochd, grand défenseur de la raison et véritable figure d'un islam tolérant et éclairé. Evoquant les lieux de débauche, elle affirme que la majorité des Marocains peut, à travers le Parlement, prendre des « décisions démocratiques, aussi dures soient-elles », à l'encontre des individus qui persistent dans la débauche. Avant de nuancer ses positions quelques lignes plus loin en préconisant des solutions par l'éducation plutôt que par la loi. Voilà des propos qui méritent approfondissement et débat.
Le plus important réside toutefois dans le corpus idéologique du mouvement de Cheikh Yassine. On est loin du Yassine qui demandait à Hassan II d'abolir les partis politiques ou de celui qui prenait sa plus belle plume au lendemain de la révolution iranienne pour chanter les louanges de Khomeiny. Al Adl a-t-elle évolué ? Difficile de répondre et c'est là tout le problème. La popularité indéniable du mouvement en fait un acteur incontournable. Il n'en est que plus urgent de mettre ses idées et positions sur la place publique. Le débat, que la décision de poursuites judiciaires risque d'occulter, concerne aussi la politique de communication d'Abdeslam Yassine. Son refus notamment de se soumettre à l'exercice du débat contradictoire devant les Marocains devrait inquiéter les démocrates. Ce sont tous ces aspects que la maladresse politique du pouvoir risque de nous faire rater.


Source: [www.lejournal-hebdo.com]
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