par Natacha Czerwinski avec Christophe Carrière, Paola Genone et Paul Miquel
Les couples mariés les envient, certains, même, les copient. Mais qu'est-ce qui fait courir les célibataires? Le goût de la liberté. Fini, les compromis compromettants, les obligations contraignantes. Plus question de rendre des comptes. Leur devise: mieux vaut être seul et bien portant que deux et malades. Pourtant, si beaucoup, aujourd'hui, vivent en solo par choix, la plupart n'ont qu'un rêve… trouver l'amour de leur vie. Paradoxe?
Il y a les poètes, les gros lourds, les petits marrants, les déterminées et les désabusées. Ils ont griffonné, souligné, coché, couchant leurs vies et leurs envies sur feuilles plastifiées. Photo, boulot, credo. Une centaine de CV sentimentaux enfermés dans de gros classeurs - bleus pour les garçons, rouges pour les filles - qui circulent entre les tables du «Depur», comprenez «Drôle d'endroit pour une rencontre», un café parisien, ambiance loft bobo, briques apparentes et bougies sur les tables. D'un groupe à l'autre, on compulse les fiches, mi-intéressé, mi-amusé, et on confronte les idéaux et les modes de vie. C'est sûr, quelque part, dans l'appartement d'un célibataire, entre les chaussettes sales et les CD, le Cosmo du mois et le dernier Anna Gavalda, du côté du lit, il y a une place toute chaude pour l'Elu. Mais pas à n'importe quel prix. Princes et princesses non charmants, passez votre chemin, merci. «Beau, intelligent, beaucoup d'humour, bon job, bon coup au lit. Je crois qu'il n'existe pas, alors je préfère un bon bouquin!» assène une célib' sur sa fiche. Diantre!
Teresa Berganza, 70 ans Mezzo espagnole. Elle vient de recevoir une victoire d'honneur aux dernières Victoires de la musique classique
«En quittant José, Carmen lui hurle: «Jamais Carmen ne cédera! Libre elle est née et libre elle mourra!» Carmen n'a pas peur de la solitude, car elle sait que l'on peut se sentir bien seule en étant avec un homme que l'on n'aime pas. Je suis Carmen, je suis une femme libre. Je n'ai pas besoin de l'autre pour combler mes vides. Et je crois profondément que l'on ne peut aimer quelqu'un que lorsqu'on n'a plus la «terreur» du célibat.»
A l'heure où les vitrines de bijoutiers et les devantures de fleuristes se parent de rouge et de cœurs, Saint-Valentin oblige, les célibataires relèvent la tête et portent haut les couleurs de la liberté, refusant de sacrifier leur indépendance sur l'autel du couple. Leur maître mot: exigence. Leur devise: plutôt seul que mal accompagné. «Comment faire le deuil de sa vie (heureuse) de célibataire?» s'interrogent les anciens solos sur les forums. Dans une société qui prône l'individualisme, la réalisation de soi et le bien-être personnel, la vie en solo est devenue une valeur. Plus qu'un état civil, un état d'esprit. Le célibataire veut expérimenter, bouger, inventer, se trouver, se renouveler, mais surtout pas se figer. Il incarne un «nouvel hédonisme postmoderne», dit le sociologue Pascal Lardellier (Le Cœur Net, Belin). Le célibat est mort, vive le célibat! Ce n'est plus une tare, encore moins une maladie incurable. Les «vieux garçons» et les «vieilles filles» qui, pull tricoté main et collants blancs, sentaient la naphtaline et transpiraient le mal-être, sont une espèce disparue. Le célibataire d'aujourd'hui sort, rit, drague, chatte, rencontre, rompt, re-rencontre, re-quitte. Lui aussi, désormais, grâce à Internet, a droit à sa fête, le 13 février, n'en déplaise aux couples-fiers-de-l'être. Le nombre de célibataires ne cesse d'ailleurs de s'accroître. En trente ans, leur proportion dans la société française a doublé: 1 foyer sur 3 est une personne seule, 1 sur 2 à Paris. Au recensement de 2004, on dénombrait, chez les plus de 25 ans, 9,6 millions de célibataires (5,2 millions d'hommes, 4,4 millions de femmes). Si l'on prend les plus de 20 ans, le chiffre monte à 13 millions. Certes, il existe autant de célibats que de célibataires. Quoi de plus disparate, en effet, que les vies de Carrie Bradshaw - icône glamour de Sex and the City - ou de Clara Sheller, mutine héroïne d'une série qui a cartonné sur France 2 l'an dernier (5,6 millions de téléspectateurs en moyenne), et celle du paysan en quête d'âme sœur incarné par Michel Blanc dans le film Je vous trouve très beau? Restent des notions partagées - liberté, absence d'obligations, refus de faire des compromis et de rendre des comptes sur ses choix - portées par le célibat et difficilement aliénables. Elles ont même tendance à devenir contagieuses et à frapper la sphère du couple, où l'on se rêve, plus que jamais, «libres ensemble», selon la formule du sociologue François de Singly. Les frontières s'effacent, les paysages se redessinent, les mariés d'aujourd'hui sont les solos de demain (120 000 divorces sont prononcés chaque année). Et réciproquement. Alors, tous célibataires?
Jean-Michel Verner, 38 ans Réalisateur du film Célibataires (Sortie le 1er mars)
«Je suis célibataire depuis huit mois, depuis la fin du tournage. Cela a aussi été le cas après mon premier long-métrage… Il va falloir que j'arrête de faire des films! Pendant le montage, c'était affreux: je voyais ma vie à travers l'écran, je me comportais exactement comme mon personnage principal. Je ne voyais plus les potes que je connaissais quand j'étais en couple, j'ai même failli m'acheter un chien! Le célibat, c'est bien deux mois. Après, cela devient pesant et on s'enferme. Je ne pense pas que les gens soient faits pour être seuls. Mais une bonne rencontre, c'est un coup de chance.»
Célibataire, vous avez dit célibataire?
Quand Isabelle, 24 ans, expert-comptable, décrit son homme idéal, ses proches s'exclament: «Il te faut un pilote de ligne.» Parce qu'il ne serait pas là trop souvent. «Je ne ressens pas forcément le besoin d'être avec quelqu'un, explique-t-elle. On peut s'affirmer seule.» Elle fait du sport trois fois par semaine, va danser, se fait draguer. Et raconte sur son blog ses «tribulations de célibataire dans la jungle urbaine». Célibataire, vous avez dit célibataire? Quel est donc cet animal étrange qui prolifère dans nos sociétés occidentales? Pour l'Insee, il faut comprendre «celui qui n'a jamais été marié», soit 20% de la population des plus de 20 ans. «Au sens légal, on quitte l'état de célibat une fois qu'on se marie et on n'y retourne jamais, explique France Prioux, directrice de recherche à l'Institut national des études démographiques [Ined]. Mais cette définition n'a plus beaucoup de sens au regard des modes de vie actuels.» Au sens légal, on peut aussi être célibataire pour l'état civil et avoir quatre enfants, comme Ségolène Royal. Avec la monoparentalité (1,8 million de personnes), les divorcés (1,5 million de personnes) et les veufs (630 000), l'éventail du célibat s'est considérablement élargi ces dernières années. Une étude, commandée par le site de rencontres Parship.fr et menée par l'Ifop, a tenté de dresser un «portrait-robot du célibataire français»: des hommes et des femmes majoritairement de plus de 30 ans, célibataires «endurcis» (52% déclarent se trouver dans cette situation depuis plus d'un an), qui se soucient de leur apparence et sont plutôt casaniers. Dans le trio de tête de leurs activités favorites: «regarder la télévision», «rester chez soi» et «lire». Seulement 34% d'entre eux seraient prêts à déménager pour une nouvelle relation et 12% pourraient mettre un frein à leur carrière. Mais, surtout, révèle un autre sondage Ifop réalisé pour le compte de Meetic, le solo est loin d'être à plaindre: 91% des Français concernés se disent heureux dans leur vie, et 84% contents de leur vie amoureuse.
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Citation omniah a écrit: Re: 10 millions de célibataires et moi, et moi, et moi nouveau Auteur: Galel (IP enregistrée) Date: le 17 février 2006 à 19h35
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