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Les marocains ne sont plus ce qu’ils étaient
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12 juillet 2006 18:58
Les marocains ne sont plus ce qu’ils étaient

12.07.2006 | 15h14

Un matin, au réveil, cette évidence : et si on allait à la rencontre du Maroc « d’en bas » ? Après tout, c’est ce Maroc-là qui votera l’an prochain pour des législatives cruciales. Aussitôt dit, aussitôt fait : nous voilà en route pour un périple de quelques semaines où nous ne verrons pas un seul responsable, pas un seul ministre, pas un seul politicien. En revanche, tous les jours, des rencontres instructives, émouvantes ou insolites…

Algésiras-Tanger

Le Maroc commence quelque part en Espagne. Où, exactement ? Il est difficile de le dire. Mais à mesure qu’on « descend » à travers la péninsule, à mesure qu’on s’éloigne des Pyrénées en direction du sud, des signes ténus apparaissent qui semblent indiquer qu’on n’est plus vraiment en Europe, que l’Afrique est de plus en plus présente. Puis les routes et les autoroutes convergent vers Algésiras et s’encombrent des véhicules surchargés des « Marocains résidant à l’étranger » (c’est leur titre officiel et c’est le premier poste de rentrées en devises du pays). À Algésiras, une dizaine de bateaux assurent la traversée. L’embarquement se fait sans problème.

Le ferry file dans le détroit entre deux murailles, l’Europe à tribord, l’Afrique à bâbord. Le policier chargé de contrôler les passeports vient sans façons bavarder avec nous. Il s’avère que c’est un lecteur régulier de Jeune Afrique. Après les politesses d’usage, il me raconte quelques anecdotes (« tu peux en faire des nouvelles »), puis il prononce cette phrase sur un ton mélancolique : « Les gens ne se sont pas encore rendu compte que nous étions devenus gentils… » Qui parle ? Un policier marocain, un policier comme seul le Maroc sait en produire, titulaire d’une maîtrise en biologie, fou d’ornithologie, et qui aurait tant voulu écrire une thèse sur les oiseaux migrateurs, mais qui doit se contenter de contrôler les volatiles de mon espèce. Mon passeport rapidement orné du cachet idoine, Moulay Driss - c’est le nom impérial de mon flic - me dit qu’il viendra tout à l’heure papoter avec moi, une fois expédiés les chauffeurs de camions européens et les quelques touristes qui font la queue devant son guichet. Moulay Driss s’ennuie pendant la traversée, alors il vient s’épancher sur le sein du voyageur. Il commande deux verres de Coca et entreprend de me raconter sa vie.

L’ornithologue abattu avant même d’avoir pris son essor, c’est hélas une histoire fréquente ici. Un père qui passe prématurément l’arme à gauche et voici notre jeune étudiant promu soutien de famille. Adieu veau, vache et cormorans, il faut travailler. Une maîtrise en biologie, ça ne mène à rien, semble-t-il, alors autant entrer au service de la maréchaussée. Il dit qu’il ne regrette rien, en fin de compte, du moment qu’il gagne sa vie honnêtement. Si, tout de même : « Les gens ne se sont pas encore rendu compte que nous étions devenus gentils… »

« Quand quelqu’un qui s’appelle Mohamed exhibe un passeport français, nous sommes obligés de lui demander, à titre d’information, quelle était sa nationalité d’origine. Algérien ? Marocain ? Tunisien ? Mais, ça ne rate jamais, le pèlerin prend la mouche. Il faut que je lui explique que je ne fais que mon travail. »

Le douanier qui nous a rejoints - encore un verre de Coca, garçon ! - renchérit :

« C’est la même chose pour moi. »

Et de se lancer dans des histoires ténébreuses de voitures à dédouaner, de délais et de litiges où il ne joue jamais qu’un seul rôle, celui du fonctionnaire intègre et tatillon. Mais pour les gabelous aussi, « les gens ne se sont pas encore rendu compte que nous étions devenus gentils ».

Entretemps, nous sommes arrivés à Tanger. Du ferry descend aussi un jeune garçon, 13 ans tout au plus, découvert par les Espagnols sous un camion à Algésiras et confié à Moulay Driss pour qu’il le ramène chez lui.

L’homme tient par la main le jeune passager clandestin qui n’a pas l’air de trop s’en faire. Pendant que les marins mettent en place la passerelle, le policier et l’adolescent se tiennent debout, silencieux, au premier rang des passagers, la main dans la main. Le tableau serait presque touchant si on ne savait pas de quoi il s’agit. La passerelle franchie, le policier lâche son captif qui s’en va d’un pas sautillant vers la ville.

« Il recommencera demain », lâche Moulay Driss, fataliste.

Tanger

En face du consulat de France, dans un café, trois hommes dans la force de l’âge sont engagés dans une discussion enfiévrée. Il apparaît rapidement que ce sont des sympathisants ou des adhérents de l’USFP. Ils parlent des élections législatives de 2007 - c’est demain - et des chances du PJD de les remporter. Comme je m’étonne encore qu’on puisse parler à haute voix de politique, mon voisin de table, qui travaille à la radio locale, me rétorque :

« Les Marocains n’ont jamais été aussi libres. »

Et il ajoute, en riant :

« Mais ils sont toujours aussi pauvres. »

Mon voisin continue son soliloque.

« Le PJD… et alors ? Qu’est-ce qu’ils vont changer ? Combien y a-t-il de façons de développer un pays ? Allez voir du côté du nouveau port, Tanger-Med, qui se construit sur la côte. Un port, c’est un port, il n’y en a pas d’islamiste ou de gauchiste. »

Allons donc voir de ce côté-là. Le chantier du port est impressionnant. Le Maroc des grands travaux, des progrès « visibles à l’œil nu » comme le disait le policier ornithologue sur le ferry, c’est là qu’on peut le contempler. Je me souviens de ce que me disait mon voisin de table, au café en face du consulat de France.

« Le roi vient à l’improviste contrôler l’état d’avancement des travaux. Un de ses conseillers reçoit chaque lundi matin un rapport technique précis. »

Est-ce vrai ? L’ingénieur qui accepte de me faire visiter le chantier (il s’avère que nous sortons de la même école parisienne) me montre les schémas d’avancement des travaux, qui dépendent de facteurs techniques, du matériel, de considérations logistiques. Que le roi suive personnellement le projet, c’est parfait, mais les plannings sont ce qu’ils sont, et les ingénieurs, par vocation et par formation, les respecteraient de toute façon. Deux versions de la même histoire, l’une relevant du mythe et l’autre de l’ingénierie, mais chacun y trouve son compte. On parle des « grands chantiers du roi », et ceux qui y travaillent se sentent investis d’une mission particulière.

Mais qu’en pensent les habitants du voisinage, dont certains ont dû quitter leurs maisons pour laisser la place aux infrastructures portuaires ? En contrebas de la route qui mène au port, quelques pêcheurs sont en train de ravauder leurs filets. Il s’agit d’habitants du village promis à la disparition. Plusieurs maisons sont d’ailleurs déjà détruites, leurs ruines se dressent, éparses, et font penser à un paysage bosniaque.

Je descends prendre langue avec les pêcheurs, résigné d’avance à ce qu’ils ne disent rien, méfiants envers l’étranger qui vient leur poser des questions peut-être compromettantes. Mais c’est tout le contraire, il suffit de les entreprendre pour qu’ils se racontent, intarissables. Une plainte revient en boucle dans leurs protestations :

« Nous avons été indemnisés sur des bases ridicules. »

(En remontant vers le chantier du port, j’appellerais l’ingénieur pour avoir son opinion sur ce point. Il m’explique que les indemnisations se font sur la base des ventes récentes de terrains dans la région. La valeur du mètre carré déclarée au fisc est prise comme base des indemnisations, mais elle est systématiquement inférieure à la valeur réelle des transactions. Ceci explique cela…)

On leur a aussi promis un petit port de pêche qui tarde à prendre forme, on parle maintenant de les délocaliser vers Tanger même. Devant l’avalanche de récriminations, je crois résumer les choses par une question.

« Finalement, ce port, c’est une catastrophe pour vous ? »

Ils répondent, comme un seul homme :

« Mais non, nous en sommes très fiers, la région va se développer… »

Le village, au-dessus du port, s’appelle Al-Houma, ce qui signifie quelque chose comme « le quartier ». Drôle de nom. Ces gens cachent-ils leur jeu, sous des appellations trompeuses ? Chez l’unique épicier du village, on rencontre l’instituteur et quelques notables qui boivent des Fanta orange et accueillent l’étranger avec bonhomie. Eux aussi semblent assumer deux positions a priori contradictoires. Ils ont chacun une anecdote qui illustre le tort qui leur est fait. Mais ils finissent tous par compter la voie de chemin de fer et l’autoroute, qui vont pourtant engloutir la moitié de leur village, parmi les preuves d’un Maroc qui bouge. Ambiguïté du développement…

Je vais aller jeter un coup d’œil sur le rocher le plus fameux du pays. Il y a quelques années, le Maroc et l’Espagne furent à deux doigts de se faire la guerre à cause de l’îlot Persil (les Marocains l’appellent Leila, ce n’est pas le prénom d’une belle Rifaine, mais simplement la déformation du mot espagnol La Isla, l’île). Ce rocher inhabité se dresse à quelques mètres du rivage marocain. Une Géographie universelle de 1865 explique doctement : « Sur les côtes du Rif, l’Espagne possède quelques places qui n’ont aucune importance politique ou commerciale. Mais il est important qu’elles ne tombent pas au pouvoir des Marocains parce qu’elles deviendraient autant de repaires de pirates. » Tout cela semble aujourd’hui grotesque. Aussi grotesque que les trois poissons rouges dans un aquarium qui constituent l’arme secrète de la garde civile, au poste frontière de Ceuta. Les bestioles testent 24 heures sur 24 la qualité de l’eau marocaine qui alimente l’enclave espagnole. « Si l’un d’eux crève, c’est que l’eau est empoisonnée, et on coupe tout. Mais ça n’est encore jamais arrivé », déclare un responsable. Le sort des 73 000 habitants de Ceuta semble donc dépendre d’un brelan de carassins dorés. Mais il suffit de parler à quelques Marocains de Ceuta pour se rendre compte que ce sont eux qui constituent le meilleur gage de pérennité du statu quo : trop d’intérêts commerciaux en jeu. Ils sont les premiers à admettre que le Maroc, de l’autre côté de la frontière, semble mettre les bouchées doubles dans la course au développement. Mais ils demandent à voir.

Tanger, encore

La meilleure façon de se débarrasser d’un quémandeur, c’est de lui acheter sa camelote. Il détale rapidement. Et pour cause : à Tanger, le couteau suisse garanti à vie se désintègre en moins d’une minute, comme une cassette de Mission impossible. Le temps de constater les dégâts, le vendeur est déjà loin. Ça a l’air anecdotique, mais cet envahissement général par des articles de contrefaçon augure mal d’un développement qui devrait se bâtir sur du solide.

Le soir, au gré d’une promenade dans le port, on tombe sur une fête donnée dans l’un des bateaux qui assurent la traversée du détroit pendant le jour. Dans ce ferry-boat - ferry le jour, boîte la nuit ?-, l’alcool coule à flots. Un horrible orchestre de chikhate se déchaîne, la sonorisation est déréglée, mais les stridences et hululements ne semblent gêner personne tant qu’il y a à boire. Le PJD semble très loin. Mais on conçoit, coincé entre deux amateurs avinés de chikhate (elles aussi avinées), combien il lui est facile de prêcher « la moralisation des mœurs ».

Le lendemain, petite inquiétude. Au cours d’un trajet en taxi, le chauffeur me désigne un petit mur :

« Derrière ce mur se trouve le cimetière des croisés. »

Drôle de vocabulaire. Il y a quelques années, il aurait dit « le cimetière des chrétiens ». Pourquoi parle-t-il soudain de croisés ? Est-ce l’influence des islamistes ? Je lui pose quelques questions auxquelles il répond de bonne grâce. Ce jeune homme vient de passer quatre ans en Autriche, où il était acrobate dans un cirque. Le cirque ayant fait faillite, le voilà de retour au pays, au volant d’un taxi appartenant à son frère. Il n’a de rapports que lointains avec la religion. Pourquoi parle-t-il alors de « croisés » ? Il s’avère que c’est un mot qu’il a appris en regardant Al-Jazira, et il croit que c’est un synonyme de chrétiens. Voilà comment naissent les malentendus.

L’autoroute qui mène à Casablanca est toute neuve et peu encombrée. On roule avec plaisir sur le large ruban qui trace une ligne grise dans un paysage très vert - il a plu d’abondance cette année au Maroc. On a peut-être l’air niais de s’enthousiasmer ainsi pour du bitume, mais il faut avoir connu le calvaire que représentait le voyage de Casablanca à Tanger, au temps où il n’y avait entre les deux villes qu’une route nationale bien vite engorgée. C’est aussi ça, le développement. Autre variation de ce que disait mon voisin de table, au café :

« Une autoroute, c’est une autoroute, il n’y en a pas d’islamiste ou de gauchiste. »

Casablanca

Comme toujours, la première impression que donne la capitale économique du royaume, c’est l’encombrement, l’agitation, le trop-plein. Après quelques heures, on finit par s’habituer. Quoi de neuf ? Les panneaux. Partout, des panneaux publicitaires, parfois érigés en dépit du bon sens, poussent à la consommation - y a-t-il vraiment autant de pouvoir d’achat ? Sur certaines avenues, on croirait que des archéologues ont déterré une de ces armées chinoises en terre cuite qui aligne des dizaines de milliers de soldats impassibles. Certains de ces panneaux, dominos géants, nous apprennent que le nouveau service de Méditel s’appelle Tilifoune dial dar (« la première offre mobile prépayée de la maison »). Le dialecte marocain, la darija, commence à avoir droit de cité. C’est l’un des grands débats des prochaines années.

Un cybercafé de la rue Moussa-Ben-Noussaïr. Ma voisine est engagée dans un flirt torride par l’intermédiaire de son ordinateur. Elle assure son interlocuteur, qu’elle peut voir sur l’écran, qu’il est tout beau tout mignon, qu’elle adore ses cheveux bouclés, ses yeux noisette et son coquin tee-shirt, toutes les niaiseries d’usage en somme. En réponse à une question qu’elle a dû recevoir dans son oreillette, elle susurre qu’il est encore trop tôt pour qu’elle montre sa frimousse à elle, mais que le moment viendra et en attendant, quelle est ta couleur préférée, bel inconnu ? Au bout d’un certain moment, je me retourne pour demander à ma voisine de mettre une sourdine à ses épanchements, mais je me fige dans la stupéfaction : la dragueuse par Internet est voilée de pied en cap. Ce n’est pourtant pas au Prophète qu’elle déclare sa flamme, là, en direct, dans ce lieu public. Sentant mon regard sur elle, elle me lance un regard méchant, genre « occupe-toi de tes amours ». Ne sachant que dire, je retourne à mon ordinateur.

Le soir, je vais assister à la projection du film Marock, qui a fait couler tant d’encre et provoqué une polémique nationale. Le PJD a donné un avant-goût de sa politique culturelle en réclamant l’interdiction pure et simple du film. La séance se termine sous les applaudissements du public, un public qui ressemble beaucoup aux personnages du scénario. Un journaliste qui assiste à la même séance m’assure que Marock a engrangé 10 000 entrées en quelques jours. En un mois, il en fera 100 000. C’est un immense succès, à croire que le PJD était de mèche avec le service marketing du producteur…

Meknès

« Elles sont belles, nos femmes, hein ? »

L’instituteur me désigne d’un geste ample la population du boulevard, comme s’il la possédait toute. J’opine poliment, bien qu’il me semble que la généralisation soit abusive. Ceci dit, il a raison sur au moins un point, ce Meknassi au cœur innombrable : il est facile de se faire une opinion sur la beauté des femmes de sa ville. C’est qu’elles ne la cachent pas. Cheveux au vent, vêtements moulants à l’occidentale, maquillage… Les islamistes ont beau tenir la mairie, la ville ne s’est pas voilée pour autant.

« Pourquoi certaines de vos femmes portent-elles quand même le voile ? »

Je sais bien, en lui posant la question, que la réponse est impossible. Il y a des myriades de cas individuels, chacun nécessitant, pour qu’on y comprenne quelque chose, de faire appel à la sociologie, à la psychologie, à l’air du temps, au conformisme, etc. Mais l’instituteur choisit la méthode expérimentale.

« Venez, nous allons les suivre.

- Suivre qui ?

- Ces deux fantasmes et ces deux fantômes, répond-il en ricanant. »

Devant nous déambulent en effet deux jeunes femmes voilées, habillées de blanc (les fantômes) et deux autres « en tenue européenne », tenue plutôt légère puisqu’il fait chaud et lourd. Les premières précédant les deux autres de quelques pas. Tout au long du boulevard, des grappes de jeunes hommes interpellent les deux fantasmes. Les lazzis fusent, les invitations pressantes puis les remarques désobligeantes quand les deux belles ne répondent pas. En revanche, personne n’interpelle les deux spectres qui peuvent donc se promener tranquillement.

« S’il y a de plus en plus de femmes voilées, c’est aussi à cause de nous, les hommes », conclut l’instituteur philosophe.

Par son intermédiaire, je rencontre le lendemain des sympathisants du PJD. Quand on leur demande ce qu’a fait de concret le maire (PJD) de leur ville, ils entonnent un couplet sur l’honnêteté, l’humilité, la disponibilité, etc.

« Oui, mais qu’est-ce qu’il a fait de concret ? »

Mes interlocuteurs réfléchissent. L’un deux s’écrie :

« La place L’hdim n’est plus un parking ! »

Effectivement, la place n’est plus un parking, je le constate un quart d’heure plus tard. C’est devenu une sorte de Jamaâ el-Fna, sans les conteurs, sans les singes, sans les serpents, sans les touristes, sans rien. L’instituteur ricane.

« Lénine disait que le communisme, c’était les soviets plus l’électricité. L’islamisme, c’est les mosquées plus l’aménagement des places publiques. »

Il part dans un long exposé sur les chances du PJD en 2007. À la mi-mars, un hebdomadaire avait publié les résultats d’un sondage soi-disant « américain » qui attribuait au PJD 47 % des voix aux législatives de 2007. En fait, le sondage comportait deux questions qui se combinaient pour aboutir à une belle confusion. Le tout était piloté par un bureau de marketing, d’où peut-être le caractère approximatif de la chose. Les 47 % ne signifient rien, mais le chiffre est devenu emblématique et tout le monde le cite maintenant, pour s’en réjouir ou le déplorer.

En revenant vers l’hôtel, l’instituteur m’apprend que le wali de Meknès (une sorte de préfet nommé par le roi) a organisé un Salon de l’agriculture qui a bien marché. Une pierre dans le jardin de la municipalité islamiste… Mais ce n’est pas tout.

« Tu vois cette place ? Eh bien, c’était un terrain vague il y a quelques mois. Grâce à Hassan Aourid (le wali), cela devient un bel endroit dallé. »

On se bat à coups de pavés, à Meknès, mais heureusement les pierres ne volent pas, elles servent à embellir la voirie.

À l’hôtel, je remarque avec amusement que les collègues de l’employé qui sert des jus d’orange dans le jardin le nomment Hadj, parce qu’il a fait le pèlerinage à La Mecque. Pourtant, le même homme se transforme en barman le soir… Un Hadj barman, c’est un peu le Maroc large d’esprit qu’on ne voudrait pas voir se perdre dans la crispation wahhabite.

Dans ce jardin paisible, quelques documents et un calcul rapide sur un bout de papier m’apprennent que 80 % de la vie culturelle de Meknès a lieu à l’Institut culturel français. C’est quand même étonnant. Lorsque je lui en fais la remarque, H., un étudiant qui fréquente assidûment l’endroit, s’indigne :

« Le pire, c’est que quand le PJD a demandé la fermeture des Instituts culturels français, il n’y a pas eu une seule réaction officielle ! »

Il crache par terre de dégoût.

Le lendemain, dans la médina, je fais la connaissance de M., un bazariste qui ne vend ses tapis qu’après avoir fait passer une sorte d’examen à l’impétrant. « Je ne veux pas que mes pièces uniques finissent dans un cagibi. » C’est un connaisseur qui rêve d’ouvrir un musée du tapis à Meknès. À Souq al-haïk, il fait de la résistance : le prêt-à-porter envahit tout, et les Chinois montrent le bout de leur nez. Après avoir bu force verres de thé, je me fais la réflexion que cet homme très courtois dispose d’un vocabulaire étonnamment étoffé pour un bazariste, aussi bien dans la langue de Jahiz que dans celle de Hugo. Une question en appelle une autre, et voilà notre homme qui se lève et va chercher, sous une peau de mouton, un exemplaire broché de la thèse sur « L’esthétique du théâtre politique anglais contemporain » qu’il a soutenue en Sorbonne en avril 1993.

« Et alors ?

- Alors, je vends des tapis. »

Le bazariste sorbonnard me propose d’aller déjeuner dans un restaurant en vogue, où l’on sert du pavé d’autruche (« diététique », précise la carte) à 88 dirhams. Il m’indique que l’accorte serveuse en cheveux qui papillonne autour de nous portait le voile, il y a quelques semaines encore. Ah bon, ces choses-là sont réversibles ? Pourquoi Siham - c’est son prénom - a-t-elle tombé le voile ? M. hausse les épaules. Il a des idées sur le théâtre politique anglais, mais la comédie marocaine lui reste opaque. J’essaie quand même de l’entraîner sur ce terrain en lui répétant ce que m’a dit l’un des sympathisants du PJD la veille.

« Le maire est gentil, mais qu’est-ce qu’il peut faire ? Il n’a aucun pouvoir. »

La réponse ne tarde pas :

« Ce n’est pas la peine de se présenter aux élections si on sait d’avance qu’on ne peut rien faire. »

Fès

Voyage en minibus de Meknès à Fès. La campagne est superbe. Ma voisine est une chanteuse d’opéra syrienne qui vient passer un mois en résidence d’artistes dans un petit palais que loue la République française en pleine médina de Fès. Et c’est ainsi qu’une artiste syrienne est présentée au public marocain… La diva me demande comment se porte la vie culturelle au Maroc. Je me rends compte bien vite qu’elle veut en fait parler de la censure. Son mari est un cinéaste de talent, apprécié dans le monde entier, mais aucun de ses films n’a jamais été montré en Syrie, son pays… Le chauffeur se mêle de notre discussion. Il affirme qu’il n’y a aucune censure au Maroc, que chacun est libre de dire ce qu’il veut et que l’année est belle (il a plu abondamment). La Traviata se tourne vers la vitre, l’air encore plus mélancolique.

À Fès, immédiatement, le réflexe d’aller lire son courrier dans un cybercafé. Celui-là vaut le détour : ses murs sont entièrement tapissés de sourates du Coran. Interrogé, le propriétaire me répond, sérieux comme un imam :

« C’est pour empêcher les jeunes d’accéder à des sites impies.

- Comment ça ? »

Il fronce le sourcil :

« On ne peut pas regarder une femme nue sur l’écran s’il y a un verset du Livre sur le mur en face. C’est impossible, un Marocain ne peut pas faire ça. »

Un rapide coup d’œil montre que la plupart des jeunes dans la salle sont en pleine discussion électronique dans des chatrooms où le monde entier se mélange. On y traite sans doute de sujets très pieux.

Marrakech

Dans le train entre Fès et Marrakech, une Écossaise qui voyage avec son fils déclare à la cantonade :

« J’adore le Maroc, c’est bien moins pauvre que Le Caire [sic]. »

On ne sait trop comment prendre ce compliment. Est-ce d’ailleurs un compliment ?

Hassad ! On ne peut parler à des Marrakchis de la beauté de leur ville sans qu’ils évoquent avec nostalgie leur ancien wali. Leur dit-on que la nouvelle promenade sur le boulevard Mohammed-VI est très agréable, très fleurie qu’ils s’écrient : Hassad ! comme si ce dernier avait lui-même planté et arrosé les roses et les hibiscus. Curieux. Est-ce qu’avant lui les conseils municipaux ignoraient l’existence des fleurs ?

Qu’il s’agisse de Hassad, de Benhima ou de Benmoussa, le Maroc est d’abord celui des hommes, c’est-à-dire que pour que quelque chose se fasse, il faut que quelqu’un de connu et d’identifiable en prenne l’initiative et qu’il accompagne le projet jusqu’à son aboutissement.

À en croire l’écrivain polonais Jan Potocki, « certaines personnes connaissent le monde entier, à l’exception de leur pays natal ». Cette phrase me revient en mémoire alors que je découvre le village de Tahanaout, à quelques dizaines de kilomètres de Marrakech. Et quand je dis village… Il paraît que c’est une vraie ville, avec son gouverneur et ses problèmes d’agglomération urbaine. À regarder les bergers paisibles qui mènent leurs troupeaux par les rues écrasées de soleil, on ne le dirait pas.

Je parle de Tahanaout avec un sentiment de contrition, parce que j’ai longtemps cru que ce lieu n’existait pas. Quand j’étais enfant, du côté d’Essaouira ou d’Azemmour, quand on voulait dire que quelqu’un était un peu bizarre, on disait : « D’où il sort, lui ? De Tahanaout ? » C’était comme si on parlait d’un extraterrestre… J’en avais conclu, assez logiquement, que l’endroit était mythique, comme Macondo, le village sorti de l’imagination de García Márquez.

Or non seulement Tahanaout existe mais elle abrite une petite colonie d’artistes qui finira bien par faire école. Ma promenade ne fut dérangée, un moment, que par le vrombissement d’un hélicoptère. Renseignement pris, il s’agissait d’un Américain en repérage. L’homme photographiait les lieux, à la recherche de terrains à acheter pour y édifier des villas. En d’autres termes, pendant que je maintenais Tahanaout dans les limbes de la fiction, l’Amérique, elle, avait déjà découvert l’endroit et s’employait à le mettre en cartes, pour mieux le débiter en tranches aux investisseurs accourus d’ailleurs. Le Maroc bouge, mais qui est à la manœuvre ? Ce sont souvent des étrangers. Tant mieux. Et tant pis pour le PJD, qui tonne contre le stupre et la décadence, choses éminemment occidentales, comme chacun sait.

En train

Vu du train, entre el-Jadida et Casablanca : une villa dans les champs avec son minaret privé, dans un coin du jardin, là où d'autres, moins soucieux de leur salut, auraient installé la balançoire pour les enfants. Pourquoi pas ? Autrefois, en Europe, les nobles avaient leur chapelle privée, quelque part dans le château. Mais on se fait la réflexion impie que le muezzin, au lieu de grimper en haut du minaret, pourrait tout aussi bien aller secouer son maître dans son lit et le réveiller pour la prière.

Gare de Bir J'Did. Une grande fabrique. En lettres géantes : MINOTERIE ISLAM. C'est le genre d'apparentements qui laissent perplexe le voyageur. Minoterie, oui, il en faut. Islam, bien sûr, excellent. Mais pourquoi Minoterie Islam ? Parce que Dieu nous donne notre pain quotidien ? Après le minaret privé, la minoterie : en mêlant la religion à tous les aspects de la vie quotidienne, on la banalise en somme (on appelle bien four banal l'endroit où l'on cuit le pain de la communauté). C'est l'un des aspects du Maroc nouveau. Ce n'est pas le plus réjouissant.

A Casablanca, visite au lycée juif Maïmonide. Les élèves se répartissent également : 50 % juifs, 50 % musulmans. Simon C., le directeur du lycée : « l'homme intègre n'est pas celui qui prie dans son coin toute la journée, l'homme intègre est celui qui se mêle à la société et tente de l'améliorer ». Les élèves sont unanimes : il n'y a aucune tension entre Marocains des deux confessions. Même après les événements du 16 mai 2003. Le directeur encore lui :

« Le respect mutuel est naturel. Tu cherches Dieu ? Il est dans le visage de l'autre. »

Monsieur le directeur cite avec conviction Lévinas, en plein centre de Casablanca, trois ans après les attentats. C'est très émouvant.

Le soir, je vais prendre un jus de fruits dans un endroit à la mode, sur le boulevard Gandhi, au coin de l'avenue Ibn Sina. Joli symbole : à Casablanca, Gandhi et Ibn Sina/Avicenne se croisent. Pourquoi pas ? N'est-ce pas de l'Inde que nous est venu, via la Perse, le mysticisme qui a transformé l'islam d'une foi aride et conquérante en une aspiration individuelle à l'amour et à la beauté ? En écoutant la musique soufie que diffuse de discrets haut-parleurs, on se demande si ce n'est pas dans ce genre d'endroit qu'est l'avenir d'un Maroc qui bouge, indéniablement, mais qui reste menacé par les convulsions islamistes...

Fouad Laroui
Source: Jeune Afrique
a
12 juillet 2006 19:41
Citation
zaki7 a écrit:
Les marocains ne sont plus ce qu’ils étaient

12.07.2006 | 15h14

Un matin, au réveil, cette évidence : et si on allait à la rencontre du Maroc « d’en bas » ? Après tout, c’est ce Maroc-là qui votera l’an prochain pour des législatives cruciales. Aussitôt dit, aussitôt fait : nous voilà en route pour un périple de quelques semaines où nous ne verrons pas un seul responsable, pas un seul ministre, pas un seul politicien. En revanche, tous les jours, des rencontres instructives, émouvantes ou insolites…

Algésiras-Tanger

Le Maroc commence quelque part en Espagne. Où, exactement ? Il est difficile de le dire. Mais à mesure qu’on « descend » à travers la péninsule, à mesure qu’on s’éloigne des Pyrénées en direction du sud, des signes ténus apparaissent qui semblent indiquer qu’on n’est plus vraiment en Europe, que l’Afrique est de plus en plus présente. Puis les routes et les autoroutes convergent vers Algésiras et s’encombrent des véhicules surchargés des « Marocains résidant à l’étranger » (c’est leur titre officiel et c’est le premier poste de rentrées en devises du pays). À Algésiras, une dizaine de bateaux assurent la traversée. L’embarquement se fait sans problème.

Le ferry file dans le détroit entre deux murailles, l’Europe à tribord, l’Afrique à bâbord. Le policier chargé de contrôler les passeports vient sans façons bavarder avec nous. Il s’avère que c’est un lecteur régulier de Jeune Afrique. Après les politesses d’usage, il me raconte quelques anecdotes (« tu peux en faire des nouvelles »), puis il prononce cette phrase sur un ton mélancolique : « Les gens ne se sont pas encore rendu compte que nous étions devenus gentils… » Qui parle ? Un policier marocain, un policier comme seul le Maroc sait en produire, titulaire d’une maîtrise en biologie, fou d’ornithologie, et qui aurait tant voulu écrire une thèse sur les oiseaux migrateurs, mais qui doit se contenter de contrôler les volatiles de mon espèce. Mon passeport rapidement orné du cachet idoine, Moulay Driss - c’est le nom impérial de mon flic - me dit qu’il viendra tout à l’heure papoter avec moi, une fois expédiés les chauffeurs de camions européens et les quelques touristes qui font la queue devant son guichet. Moulay Driss s’ennuie pendant la traversée, alors il vient s’épancher sur le sein du voyageur. Il commande deux verres de Coca et entreprend de me raconter sa vie.

L’ornithologue abattu avant même d’avoir pris son essor, c’est hélas une histoire fréquente ici. Un père qui passe prématurément l’arme à gauche et voici notre jeune étudiant promu soutien de famille. Adieu veau, vache et cormorans, il faut travailler. Une maîtrise en biologie, ça ne mène à rien, semble-t-il, alors autant entrer au service de la maréchaussée. Il dit qu’il ne regrette rien, en fin de compte, du moment qu’il gagne sa vie honnêtement. Si, tout de même : « Les gens ne se sont pas encore rendu compte que nous étions devenus gentils… »

« Quand quelqu’un qui s’appelle Mohamed exhibe un passeport français, nous sommes obligés de lui demander, à titre d’information, quelle était sa nationalité d’origine. Algérien ? Marocain ? Tunisien ? Mais, ça ne rate jamais, le pèlerin prend la mouche. Il faut que je lui explique que je ne fais que mon travail. »

Le douanier qui nous a rejoints - encore un verre de Coca, garçon ! - renchérit :

« C’est la même chose pour moi. »

Et de se lancer dans des histoires ténébreuses de voitures à dédouaner, de délais et de litiges où il ne joue jamais qu’un seul rôle, celui du fonctionnaire intègre et tatillon. Mais pour les gabelous aussi, « les gens ne se sont pas encore rendu compte que nous étions devenus gentils ».

Entretemps, nous sommes arrivés à Tanger. Du ferry descend aussi un jeune garçon, 13 ans tout au plus, découvert par les Espagnols sous un camion à Algésiras et confié à Moulay Driss pour qu’il le ramène chez lui.

L’homme tient par la main le jeune passager clandestin qui n’a pas l’air de trop s’en faire. Pendant que les marins mettent en place la passerelle, le policier et l’adolescent se tiennent debout, silencieux, au premier rang des passagers, la main dans la main. Le tableau serait presque touchant si on ne savait pas de quoi il s’agit. La passerelle franchie, le policier lâche son captif qui s’en va d’un pas sautillant vers la ville.

« Il recommencera demain », lâche Moulay Driss, fataliste.

Tanger

En face du consulat de France, dans un café, trois hommes dans la force de l’âge sont engagés dans une discussion enfiévrée. Il apparaît rapidement que ce sont des sympathisants ou des adhérents de l’USFP. Ils parlent des élections législatives de 2007 - c’est demain - et des chances du PJD de les remporter. Comme je m’étonne encore qu’on puisse parler à haute voix de politique, mon voisin de table, qui travaille à la radio locale, me rétorque :

« Les Marocains n’ont jamais été aussi libres. »

Et il ajoute, en riant :

« Mais ils sont toujours aussi pauvres. »

Mon voisin continue son soliloque.

« Le PJD… et alors ? Qu’est-ce qu’ils vont changer ? Combien y a-t-il de façons de développer un pays ? Allez voir du côté du nouveau port, Tanger-Med, qui se construit sur la côte. Un port, c’est un port, il n’y en a pas d’islamiste ou de gauchiste. »

Allons donc voir de ce côté-là. Le chantier du port est impressionnant. Le Maroc des grands travaux, des progrès « visibles à l’œil nu » comme le disait le policier ornithologue sur le ferry, c’est là qu’on peut le contempler. Je me souviens de ce que me disait mon voisin de table, au café en face du consulat de France.

« Le roi vient à l’improviste contrôler l’état d’avancement des travaux. Un de ses conseillers reçoit chaque lundi matin un rapport technique précis. »

Est-ce vrai ? L’ingénieur qui accepte de me faire visiter le chantier (il s’avère que nous sortons de la même école parisienne) me montre les schémas d’avancement des travaux, qui dépendent de facteurs techniques, du matériel, de considérations logistiques. Que le roi suive personnellement le projet, c’est parfait, mais les plannings sont ce qu’ils sont, et les ingénieurs, par vocation et par formation, les respecteraient de toute façon. Deux versions de la même histoire, l’une relevant du mythe et l’autre de l’ingénierie, mais chacun y trouve son compte. On parle des « grands chantiers du roi », et ceux qui y travaillent se sentent investis d’une mission particulière.

Mais qu’en pensent les habitants du voisinage, dont certains ont dû quitter leurs maisons pour laisser la place aux infrastructures portuaires ? En contrebas de la route qui mène au port, quelques pêcheurs sont en train de ravauder leurs filets. Il s’agit d’habitants du village promis à la disparition. Plusieurs maisons sont d’ailleurs déjà détruites, leurs ruines se dressent, éparses, et font penser à un paysage bosniaque.

Je descends prendre langue avec les pêcheurs, résigné d’avance à ce qu’ils ne disent rien, méfiants envers l’étranger qui vient leur poser des questions peut-être compromettantes. Mais c’est tout le contraire, il suffit de les entreprendre pour qu’ils se racontent, intarissables. Une plainte revient en boucle dans leurs protestations :

« Nous avons été indemnisés sur des bases ridicules. »

(En remontant vers le chantier du port, j’appellerais l’ingénieur pour avoir son opinion sur ce point. Il m’explique que les indemnisations se font sur la base des ventes récentes de terrains dans la région. La valeur du mètre carré déclarée au fisc est prise comme base des indemnisations, mais elle est systématiquement inférieure à la valeur réelle des transactions. Ceci explique cela…)

On leur a aussi promis un petit port de pêche qui tarde à prendre forme, on parle maintenant de les délocaliser vers Tanger même. Devant l’avalanche de récriminations, je crois résumer les choses par une question.

« Finalement, ce port, c’est une catastrophe pour vous ? »

Ils répondent, comme un seul homme :

« Mais non, nous en sommes très fiers, la région va se développer… »

Le village, au-dessus du port, s’appelle Al-Houma, ce qui signifie quelque chose comme « le quartier ». Drôle de nom. Ces gens cachent-ils leur jeu, sous des appellations trompeuses ? Chez l’unique épicier du village, on rencontre l’instituteur et quelques notables qui boivent des Fanta orange et accueillent l’étranger avec bonhomie. Eux aussi semblent assumer deux positions a priori contradictoires. Ils ont chacun une anecdote qui illustre le tort qui leur est fait. Mais ils finissent tous par compter la voie de chemin de fer et l’autoroute, qui vont pourtant engloutir la moitié de leur village, parmi les preuves d’un Maroc qui bouge. Ambiguïté du développement…

Je vais aller jeter un coup d’œil sur le rocher le plus fameux du pays. Il y a quelques années, le Maroc et l’Espagne furent à deux doigts de se faire la guerre à cause de l’îlot Persil (les Marocains l’appellent Leila, ce n’est pas le prénom d’une belle Rifaine, mais simplement la déformation du mot espagnol La Isla, l’île). Ce rocher inhabité se dresse à quelques mètres du rivage marocain. Une Géographie universelle de 1865 explique doctement : « Sur les côtes du Rif, l’Espagne possède quelques places qui n’ont aucune importance politique ou commerciale. Mais il est important qu’elles ne tombent pas au pouvoir des Marocains parce qu’elles deviendraient autant de repaires de pirates. » Tout cela semble aujourd’hui grotesque. Aussi grotesque que les trois poissons rouges dans un aquarium qui constituent l’arme secrète de la garde civile, au poste frontière de Ceuta. Les bestioles testent 24 heures sur 24 la qualité de l’eau marocaine qui alimente l’enclave espagnole. « Si l’un d’eux crève, c’est que l’eau est empoisonnée, et on coupe tout. Mais ça n’est encore jamais arrivé », déclare un responsable. Le sort des 73 000 habitants de Ceuta semble donc dépendre d’un brelan de carassins dorés. Mais il suffit de parler à quelques Marocains de Ceuta pour se rendre compte que ce sont eux qui constituent le meilleur gage de pérennité du statu quo : trop d’intérêts commerciaux en jeu. Ils sont les premiers à admettre que le Maroc, de l’autre côté de la frontière, semble mettre les bouchées doubles dans la course au développement. Mais ils demandent à voir.

Tanger, encore

La meilleure façon de se débarrasser d’un quémandeur, c’est de lui acheter sa camelote. Il détale rapidement. Et pour cause : à Tanger, le couteau suisse garanti à vie se désintègre en moins d’une minute, comme une cassette de Mission impossible. Le temps de constater les dégâts, le vendeur est déjà loin. Ça a l’air anecdotique, mais cet envahissement général par des articles de contrefaçon augure mal d’un développement qui devrait se bâtir sur du solide.

Le soir, au gré d’une promenade dans le port, on tombe sur une fête donnée dans l’un des bateaux qui assurent la traversée du détroit pendant le jour. Dans ce ferry-boat - ferry le jour, boîte la nuit ?-, l’alcool coule à flots. Un horrible orchestre de chikhate se déchaîne, la sonorisation est déréglée, mais les stridences et hululements ne semblent gêner personne tant qu’il y a à boire. Le PJD semble très loin. Mais on conçoit, coincé entre deux amateurs avinés de chikhate (elles aussi avinées), combien il lui est facile de prêcher « la moralisation des mœurs ».

Le lendemain, petite inquiétude. Au cours d’un trajet en taxi, le chauffeur me désigne un petit mur :

« Derrière ce mur se trouve le cimetière des croisés. »

Drôle de vocabulaire. Il y a quelques années, il aurait dit « le cimetière des chrétiens ». Pourquoi parle-t-il soudain de croisés ? Est-ce l’influence des islamistes ? Je lui pose quelques questions auxquelles il répond de bonne grâce. Ce jeune homme vient de passer quatre ans en Autriche, où il était acrobate dans un cirque. Le cirque ayant fait faillite, le voilà de retour au pays, au volant d’un taxi appartenant à son frère. Il n’a de rapports que lointains avec la religion. Pourquoi parle-t-il alors de « croisés » ? Il s’avère que c’est un mot qu’il a appris en regardant Al-Jazira, et il croit que c’est un synonyme de chrétiens. Voilà comment naissent les malentendus.

L’autoroute qui mène à Casablanca est toute neuve et peu encombrée. On roule avec plaisir sur le large ruban qui trace une ligne grise dans un paysage très vert - il a plu d’abondance cette année au Maroc. On a peut-être l’air niais de s’enthousiasmer ainsi pour du bitume, mais il faut avoir connu le calvaire que représentait le voyage de Casablanca à Tanger, au temps où il n’y avait entre les deux villes qu’une route nationale bien vite engorgée. C’est aussi ça, le développement. Autre variation de ce que disait mon voisin de table, au café :

« Une autoroute, c’est une autoroute, il n’y en a pas d’islamiste ou de gauchiste. »

Casablanca

Comme toujours, la première impression que donne la capitale économique du royaume, c’est l’encombrement, l’agitation, le trop-plein. Après quelques heures, on finit par s’habituer. Quoi de neuf ? Les panneaux. Partout, des panneaux publicitaires, parfois érigés en dépit du bon sens, poussent à la consommation - y a-t-il vraiment autant de pouvoir d’achat ? Sur certaines avenues, on croirait que des archéologues ont déterré une de ces armées chinoises en terre cuite qui aligne des dizaines de milliers de soldats impassibles. Certains de ces panneaux, dominos géants, nous apprennent que le nouveau service de Méditel s’appelle Tilifoune dial dar (« la première offre mobile prépayée de la maison »). Le dialecte marocain, la darija, commence à avoir droit de cité. C’est l’un des grands débats des prochaines années.

Un cybercafé de la rue Moussa-Ben-Noussaïr. Ma voisine est engagée dans un flirt torride par l’intermédiaire de son ordinateur. Elle assure son interlocuteur, qu’elle peut voir sur l’écran, qu’il est tout beau tout mignon, qu’elle adore ses cheveux bouclés, ses yeux noisette et son coquin tee-shirt, toutes les niaiseries d’usage en somme. En réponse à une question qu’elle a dû recevoir dans son oreillette, elle susurre qu’il est encore trop tôt pour qu’elle montre sa frimousse à elle, mais que le moment viendra et en attendant, quelle est ta couleur préférée, bel inconnu ? Au bout d’un certain moment, je me retourne pour demander à ma voisine de mettre une sourdine à ses épanchements, mais je me fige dans la stupéfaction : la dragueuse par Internet est voilée de pied en cap. Ce n’est pourtant pas au Prophète qu’elle déclare sa flamme, là, en direct, dans ce lieu public. Sentant mon regard sur elle, elle me lance un regard méchant, genre « occupe-toi de tes amours ». Ne sachant que dire, je retourne à mon ordinateur.

Le soir, je vais assister à la projection du film Marock, qui a fait couler tant d’encre et provoqué une polémique nationale. Le PJD a donné un avant-goût de sa politique culturelle en réclamant l’interdiction pure et simple du film. La séance se termine sous les applaudissements du public, un public qui ressemble beaucoup aux personnages du scénario. Un journaliste qui assiste à la même séance m’assure que Marock a engrangé 10 000 entrées en quelques jours. En un mois, il en fera 100 000. C’est un immense succès, à croire que le PJD était de mèche avec le service marketing du producteur…

Meknès

« Elles sont belles, nos femmes, hein ? »

L’instituteur me désigne d’un geste ample la population du boulevard, comme s’il la possédait toute. J’opine poliment, bien qu’il me semble que la généralisation soit abusive. Ceci dit, il a raison sur au moins un point, ce Meknassi au cœur innombrable : il est facile de se faire une opinion sur la beauté des femmes de sa ville. C’est qu’elles ne la cachent pas. Cheveux au vent, vêtements moulants à l’occidentale, maquillage… Les islamistes ont beau tenir la mairie, la ville ne s’est pas voilée pour autant.

« Pourquoi certaines de vos femmes portent-elles quand même le voile ? »

Je sais bien, en lui posant la question, que la réponse est impossible. Il y a des myriades de cas individuels, chacun nécessitant, pour qu’on y comprenne quelque chose, de faire appel à la sociologie, à la psychologie, à l’air du temps, au conformisme, etc. Mais l’instituteur choisit la méthode expérimentale.

« Venez, nous allons les suivre.

- Suivre qui ?

- Ces deux fantasmes et ces deux fantômes, répond-il en ricanant. »

Devant nous déambulent en effet deux jeunes femmes voilées, habillées de blanc (les fantômes) et deux autres « en tenue européenne », tenue plutôt légère puisqu’il fait chaud et lourd. Les premières précédant les deux autres de quelques pas. Tout au long du boulevard, des grappes de jeunes hommes interpellent les deux fantasmes. Les lazzis fusent, les invitations pressantes puis les remarques désobligeantes quand les deux belles ne répondent pas. En revanche, personne n’interpelle les deux spectres qui peuvent donc se promener tranquillement.

« S’il y a de plus en plus de femmes voilées, c’est aussi à cause de nous, les hommes », conclut l’instituteur philosophe.

Par son intermédiaire, je rencontre le lendemain des sympathisants du PJD. Quand on leur demande ce qu’a fait de concret le maire (PJD) de leur ville, ils entonnent un couplet sur l’honnêteté, l’humilité, la disponibilité, etc.

« Oui, mais qu’est-ce qu’il a fait de concret ? »

Mes interlocuteurs réfléchissent. L’un deux s’écrie :

« La place L’hdim n’est plus un parking ! »

Effectivement, la place n’est plus un parking, je le constate un quart d’heure plus tard. C’est devenu une sorte de Jamaâ el-Fna, sans les conteurs, sans les singes, sans les serpents, sans les touristes, sans rien. L’instituteur ricane.

« Lénine disait que le communisme, c’était les soviets plus l’électricité. L’islamisme, c’est les mosquées plus l’aménagement des places publiques. »

Il part dans un long exposé sur les chances du PJD en 2007. À la mi-mars, un hebdomadaire avait publié les résultats d’un sondage soi-disant « américain » qui attribuait au PJD 47 % des voix aux législatives de 2007. En fait, le sondage comportait deux questions qui se combinaient pour aboutir à une belle confusion. Le tout était piloté par un bureau de marketing, d’où peut-être le caractère approximatif de la chose. Les 47 % ne signifient rien, mais le chiffre est devenu emblématique et tout le monde le cite maintenant, pour s’en réjouir ou le déplorer.

En revenant vers l’hôtel, l’instituteur m’apprend que le wali de Meknès (une sorte de préfet nommé par le roi) a organisé un Salon de l’agriculture qui a bien marché. Une pierre dans le jardin de la municipalité islamiste… Mais ce n’est pas tout.

« Tu vois cette place ? Eh bien, c’était un terrain vague il y a quelques mois. Grâce à Hassan Aourid (le wali), cela devient un bel endroit dallé. »

On se bat à coups de pavés, à Meknès, mais heureusement les pierres ne volent pas, elles servent à embellir la voirie.

À l’hôtel, je remarque avec amusement que les collègues de l’employé qui sert des jus d’orange dans le jardin le nomment Hadj, parce qu’il a fait le pèlerinage à La Mecque. Pourtant, le même homme se transforme en barman le soir… Un Hadj barman, c’est un peu le Maroc large d’esprit qu’on ne voudrait pas voir se perdre dans la crispation wahhabite.

Dans ce jardin paisible, quelques documents et un calcul rapide sur un bout de papier m’apprennent que 80 % de la vie culturelle de Meknès a lieu à l’Institut culturel français. C’est quand même étonnant. Lorsque je lui en fais la remarque, H., un étudiant qui fréquente assidûment l’endroit, s’indigne :

« Le pire, c’est que quand le PJD a demandé la fermeture des Instituts culturels français, il n’y a pas eu une seule réaction officielle ! »

Il crache par terre de dégoût.

Le lendemain, dans la médina, je fais la connaissance de M., un bazariste qui ne vend ses tapis qu’après avoir fait passer une sorte d’examen à l’impétrant. « Je ne veux pas que mes pièces uniques finissent dans un cagibi. » C’est un connaisseur qui rêve d’ouvrir un musée du tapis à Meknès. À Souq al-haïk, il fait de la résistance : le prêt-à-porter envahit tout, et les Chinois montrent le bout de leur nez. Après avoir bu force verres de thé, je me fais la réflexion que cet homme très courtois dispose d’un vocabulaire étonnamment étoffé pour un bazariste, aussi bien dans la langue de Jahiz que dans celle de Hugo. Une question en appelle une autre, et voilà notre homme qui se lève et va chercher, sous une peau de mouton, un exemplaire broché de la thèse sur « L’esthétique du théâtre politique anglais contemporain » qu’il a soutenue en Sorbonne en avril 1993.

« Et alors ?

- Alors, je vends des tapis. »

Le bazariste sorbonnard me propose d’aller déjeuner dans un restaurant en vogue, où l’on sert du pavé d’autruche (« diététique », précise la carte) à 88 dirhams. Il m’indique que l’accorte serveuse en cheveux qui papillonne autour de nous portait le voile, il y a quelques semaines encore. Ah bon, ces choses-là sont réversibles ? Pourquoi Siham - c’est son prénom - a-t-elle tombé le voile ? M. hausse les épaules. Il a des idées sur le théâtre politique anglais, mais la comédie marocaine lui reste opaque. J’essaie quand même de l’entraîner sur ce terrain en lui répétant ce que m’a dit l’un des sympathisants du PJD la veille.

« Le maire est gentil, mais qu’est-ce qu’il peut faire ? Il n’a aucun pouvoir. »

La réponse ne tarde pas :

« Ce n’est pas la peine de se présenter aux élections si on sait d’avance qu’on ne peut rien faire. »

Fès

Voyage en minibus de Meknès à Fès. La campagne est superbe. Ma voisine est une chanteuse d’opéra syrienne qui vient passer un mois en résidence d’artistes dans un petit palais que loue la République française en pleine médina de Fès. Et c’est ainsi qu’une artiste syrienne est présentée au public marocain… La diva me demande comment se porte la vie culturelle au Maroc. Je me rends compte bien vite qu’elle veut en fait parler de la censure. Son mari est un cinéaste de talent, apprécié dans le monde entier, mais aucun de ses films n’a jamais été montré en Syrie, son pays… Le chauffeur se mêle de notre discussion. Il affirme qu’il n’y a aucune censure au Maroc, que chacun est libre de dire ce qu’il veut et que l’année est belle (il a plu abondamment). La Traviata se tourne vers la vitre, l’air encore plus mélancolique.

À Fès, immédiatement, le réflexe d’aller lire son courrier dans un cybercafé. Celui-là vaut le détour : ses murs sont entièrement tapissés de sourates du Coran. Interrogé, le propriétaire me répond, sérieux comme un imam :

« C’est pour empêcher les jeunes d’accéder à des sites impies.

- Comment ça ? »

Il fronce le sourcil :

« On ne peut pas regarder une femme nue sur l’écran s’il y a un verset du Livre sur le mur en face. C’est impossible, un Marocain ne peut pas faire ça. »

Un rapide coup d’œil montre que la plupart des jeunes dans la salle sont en pleine discussion électronique dans des chatrooms où le monde entier se mélange. On y traite sans doute de sujets très pieux.

Marrakech

Dans le train entre Fès et Marrakech, une Écossaise qui voyage avec son fils déclare à la cantonade :

« J’adore le Maroc, c’est bien moins pauvre que Le Caire [sic]. »

On ne sait trop comment prendre ce compliment. Est-ce d’ailleurs un compliment ?

Hassad ! On ne peut parler à des Marrakchis de la beauté de leur ville sans qu’ils évoquent avec nostalgie leur ancien wali. Leur dit-on que la nouvelle promenade sur le boulevard Mohammed-VI est très agréable, très fleurie qu’ils s’écrient : Hassad ! comme si ce dernier avait lui-même planté et arrosé les roses et les hibiscus. Curieux. Est-ce qu’avant lui les conseils municipaux ignoraient l’existence des fleurs ?

Qu’il s’agisse de Hassad, de Benhima ou de Benmoussa, le Maroc est d’abord celui des hommes, c’est-à-dire que pour que quelque chose se fasse, il faut que quelqu’un de connu et d’identifiable en prenne l’initiative et qu’il accompagne le projet jusqu’à son aboutissement.

À en croire l’écrivain polonais Jan Potocki, « certaines personnes connaissent le monde entier, à l’exception de leur pays natal ». Cette phrase me revient en mémoire alors que je découvre le village de Tahanaout, à quelques dizaines de kilomètres de Marrakech. Et quand je dis village… Il paraît que c’est une vraie ville, avec son gouverneur et ses problèmes d’agglomération urbaine. À regarder les bergers paisibles qui mènent leurs troupeaux par les rues écrasées de soleil, on ne le dirait pas.

Je parle de Tahanaout avec un sentiment de contrition, parce que j’ai longtemps cru que ce lieu n’existait pas. Quand j’étais enfant, du côté d’Essaouira ou d’Azemmour, quand on voulait dire que quelqu’un était un peu bizarre, on disait : « D’où il sort, lui ? De Tahanaout ? » C’était comme si on parlait d’un extraterrestre… J’en avais conclu, assez logiquement, que l’endroit était mythique, comme Macondo, le village sorti de l’imagination de García Márquez.

Or non seulement Tahanaout existe mais elle abrite une petite colonie d’artistes qui finira bien par faire école. Ma promenade ne fut dérangée, un moment, que par le vrombissement d’un hélicoptère. Renseignement pris, il s’agissait d’un Américain en repérage. L’homme photographiait les lieux, à la recherche de terrains à acheter pour y édifier des villas. En d’autres termes, pendant que je maintenais Tahanaout dans les limbes de la fiction, l’Amérique, elle, avait déjà découvert l’endroit et s’employait à le mettre en cartes, pour mieux le débiter en tranches aux investisseurs accourus d’ailleurs. Le Maroc bouge, mais qui est à la manœuvre ? Ce sont souvent des étrangers. Tant mieux. Et tant pis pour le PJD, qui tonne contre le stupre et la décadence, choses éminemment occidentales, comme chacun sait.

En train

Vu du train, entre el-Jadida et Casablanca : une villa dans les champs avec son minaret privé, dans un coin du jardin, là où d'autres, moins soucieux de leur salut, auraient installé la balançoire pour les enfants. Pourquoi pas ? Autrefois, en Europe, les nobles avaient leur chapelle privée, quelque part dans le château. Mais on se fait la réflexion impie que le muezzin, au lieu de grimper en haut du minaret, pourrait tout aussi bien aller secouer son maître dans son lit et le réveiller pour la prière.

Gare de Bir J'Did. Une grande fabrique. En lettres géantes : MINOTERIE ISLAM. C'est le genre d'apparentements qui laissent perplexe le voyageur. Minoterie, oui, il en faut. Islam, bien sûr, excellent. Mais pourquoi Minoterie Islam ? Parce que Dieu nous donne notre pain quotidien ? Après le minaret privé, la minoterie : en mêlant la religion à tous les aspects de la vie quotidienne, on la banalise en somme (on appelle bien four banal l'endroit où l'on cuit le pain de la communauté). C'est l'un des aspects du Maroc nouveau. Ce n'est pas le plus réjouissant.

A Casablanca, visite au lycée juif Maïmonide. Les élèves se répartissent également : 50 % juifs, 50 % musulmans. Simon C., le directeur du lycée : « l'homme intègre n'est pas celui qui prie dans son coin toute la journée, l'homme intègre est celui qui se mêle à la société et tente de l'améliorer ». Les élèves sont unanimes : il n'y a aucune tension entre Marocains des deux confessions. Même après les événements du 16 mai 2003. Le directeur encore lui :

« Le respect mutuel est naturel. Tu cherches Dieu ? Il est dans le visage de l'autre. »

Monsieur le directeur cite avec conviction Lévinas, en plein centre de Casablanca, trois ans après les attentats. C'est très émouvant.

Le soir, je vais prendre un jus de fruits dans un endroit à la mode, sur le boulevard Gandhi, au coin de l'avenue Ibn Sina. Joli symbole : à Casablanca, Gandhi et Ibn Sina/Avicenne se croisent. Pourquoi pas ? N'est-ce pas de l'Inde que nous est venu, via la Perse, le mysticisme qui a transformé l'islam d'une foi aride et conquérante en une aspiration individuelle à l'amour et à la beauté ? En écoutant la musique soufie que diffuse de discrets haut-parleurs, on se demande si ce n'est pas dans ce genre d'endroit qu'est l'avenir d'un Maroc qui bouge, indéniablement, mais qui reste menacé par les convulsions islamistes...

Fouad Laroui
Source: Jeune Afrique




bonjour zaki
jeune-afrique est connu des marocains comme "journal" corrompu jusqu'aux os des pouvoirs marocain, gabonais, congolais etc...
l'auteur de l'article ne dit rien sur l'autre côte des apparences..!
evitez d'encourager la presse de la honte...
v
12 juillet 2006 20:07
Citation
a-hani a écrit:


bonjour zaki
jeune-afrique est connu des marocains comme "journal" corrompu jusqu'aux os des pouvoirs marocain, gabonais, congolais etc...
l'auteur de l'article ne dit rien sur l'autre côte des apparences..!
evitez d'encourager la presse de la honte...

C'est parceke l'article te plais pas et k'il ne va pas dans le sens de tes idees ultra-conservatrices ke c'est un torchon?

Pour moi la presse de la honte c'est par exemple attajdid ki s'exalte et jouit à l'annonce des milliers de morts du Tsunami.

PS: il est inutile de reprendre l'article en entier dans vos posts!
m
12 juillet 2006 20:26
monsieur lâaroui ne dit rien de nouveau par rapport à ce qu'il raconte depuis toujours et depuis des années, il n'apporte rien de nouveau à tel point qu'il suffit de lire un seul de ses articles pour les lire tous, comme toujours il fait un blocage sur la religion, et se réjouit s'il voit des minujupes, il faut vraiment qu'il se régènère, qu'il cherche autre chose, car à force de se répéter il devient lourd.
z
12 juillet 2006 21:40
lol,

c'est exactement ce que j'allais dire Venid. Quand un article qui retrace une realite "vecue" ne plait pas, le journal en question est un journal de la "honte".

Citation
venid1 a écrit:
Citation
a-hani a écrit:


bonjour zaki
jeune-afrique est connu des marocains comme "journal" corrompu jusqu'aux os des pouvoirs marocain, gabonais, congolais etc...
l'auteur de l'article ne dit rien sur l'autre côte des apparences..!
evitez d'encourager la presse de la honte...

C'est parceke l'article te plais pas et k'il ne va pas dans le sens de tes idees ultra-conservatrices ke c'est un torchon?

Pour moi la presse de la honte c'est par exemple attajdid ki s'exalte et jouit à l'annonce des milliers de morts du Tsunami.

PS: il est inutile de reprendre l'article en entier dans vos posts!
b
12 juillet 2006 23:07
D'abords les marocains, en général, lisent bien Jeune Afrique et n'ont pas cette idée qu'il soit un journal vendu.

Puis ce n'est pas Jeune Afrique qui parle mais Fouad Laroui, qui parle dans d'autres medias aussi. Il a par exemple sa chronique sur Medi 1 et c'est, sinon, un écrivain marocain très reconnu et apprecié.

Donc ceux qui sont victime du cycle nihiliste et s'amusnet déscendre tout ce qui ose exprimer une idée positive, finiront par se retrouver seuls après avoir déscendu tout un monde.
m
12 juillet 2006 23:11
le problème de lâaroui justement c'est qu'il n'exprime rien, toujours la même chanson dans ses écrits, et pire dans cet article ya rien de nouveau, des phrases recollées, il était à tanger, meknes, marrakech, bessaha wa raha, cet article devrait trouver plaçe dans la rubrique vacances et lâaroui en général dans la rubrique "chansons d'antant"...fouad biensur, pas abdallah winking smiley
a
12 juillet 2006 23:46
Citation
bikhir a écrit:

Puis ce n'est pas Jeune Afrique qui parle mais Fouad Laroui, qui parle dans d'autres medias aussi. Il a par exemple sa chronique sur Medi 1 et c'est, sinon, un écrivain marocain très reconnu et apprecié.


je pense pas que ton journaliste préféré ? soit apprecié par tous les marocains, depuis son torchon du papier du 30 avril 2006 " journal jeune affrique corrompu " intitulé " Berbères, Apaches et Nez-percés " un titre révélateur de son racisme ,sa haine qui crève tellement les yeux, et de son coefficient intellectuel déficitaire conditionnée à un antiamazighisme primaire....!
ton journaliste préféré ne parle ni un mot d'arabe, ni de tamazight, ni de darija...(peut êtrela un signe de dépersonnalisation de sa personnalité..) ?
l
13 juillet 2006 00:04
Citation
bikhir a écrit:
Puis ce n'est pas Jeune Afrique qui parle mais Fouad Laroui, qui parle dans d'autres medias aussi. Il a par exemple sa chronique sur Medi 1 et c'est, sinon, un écrivain marocain très reconnu et appreci


Le plus important est qu'il soit reconnu par Achaâri après tout...!?
13 juillet 2006 00:09
est ce que par hasard NOUS ETIONS COMMENT ET REDEVENIR COMME QUOI A VOUS ENTENDRE ET VOUS LIRE VOUS N4ETES PAS MAROCAIN ET VOUS NE SAVEZ RIEN DU MAROC VOUS ETES DU GENRE dima contre le maroc ;est qu'il n'ya rien de benefique au maroc est ce que tu connais au moins le cher pays MAROC
z
13 juillet 2006 06:23
Vous me faites rire, vous reprochez a un ecrivain de retracer des "faits" sur un voyage qu'il a decide d'entreprendre et a partir duquel il redige ce qu'il voit smiling smiley Il ne defend aucune idee, il decrit uniquement. C'est comme si quelqu'un prenait une photo du coucher de soleil et vous lui dites : oui mais tu n'as pas mis assez de bleu sur ta photo smiling smiley
b
13 juillet 2006 09:59
Je n'ai dit a personne que Laroui etait mon journaliste préféré. Alors je ne comprends pas comment tu daigne savoir qui est mon journaliste préféré toi?!?!

Jeune Farique est un magazine tres professionnel, en temoigne sa reussit pas seulement en Afrique. Pour le Maroc il a de bon journalistes qui bossent pour lui, tels que Hamid Berrada ou maintenant Laroui. Quand il ecrit sur le Maroc c'est en general equilibré et original et si, c'est une analyse, c'est informatif.

Ceci dit s'attaquer ici a quelqu'un comme Laroui qui ne fait qu'ecrire ses impressions d'un voyage au Maroc est tout a fait incompetent et temoigne que vous ne savez pas lire, dans le propre sens du terme.

Vous omettez que l'article est signé, par Fouad Laroui. Et quand c'est signe ca engage l'auteur en premier lieu.

Ce dernier est né, a grandi et a travaillé au Maroc de longues années (en tant qu'ingenieur) avant de regagner l'Europe pour une tout autre carriere, reussite, celle d'un ecrivain.

Laroui a reussi l'exploit d'etre ecriavin francophone reconnu (mondialement aussi) mais en Hollande et pas dans un pays francophone. Ca temoigne de sa capacité de flaner entre les culture et de transgresser les geographies.

Dans ce sens, c'est quelqu'un qui vit entre le Maroc, ou il est partout comme temoigne son article, et l'Europe dans le vrai sens du terme. Il est tout le temps en voyage et/ou en communication entre les deux.

Ce genre de gens sont les meilleurs temoins. Pourquoi? Parce que au-dela de leurs capacité intelectuelles ils savent de quoi ils parlent parce qu'ils vivent dans les deux mondes.

Laroui n'est pas un marocain qui n'a du Maroc que la nationalité des parents et des vacances a la palage, et il n'est pas de ceux non plus qui ne sont jamais sortis de leurs quartiers mais vous disent vous ne connaissez pas le Maroc parce que vous n'y vivez pas.

de ce fait, son temoignage est tres interessant a lire et je crois, parce que ce genre d'articles équilibrés manquent, il a un avenir dans ce sens. Deja au-dela de ses chroniques, voila que Jeune Afrique lui commande un recit long de plieurs pages.




Citation
a-hani a écrit:
Citation
bikhir a écrit:

Puis ce n'est pas Jeune Afrique qui parle mais Fouad Laroui, qui parle dans d'autres medias aussi. Il a par exemple sa chronique sur Medi 1 et c'est, sinon, un écrivain marocain très reconnu et apprecié.


je pense pas que ton journaliste préféré ? soit apprecié par tous les marocains, depuis son torchon du papier du 30 avril 2006 " journal jeune affrique corrompu " intitulé " Berbères, Apaches et Nez-percés " un titre révélateur de son racisme ,sa haine qui crève tellement les yeux, et de son coefficient intellectuel déficitaire conditionnée à un antiamazighisme primaire....!
ton journaliste préféré ne parle ni un mot d'arabe, ni de tamazight, ni de darija...(peut êtrela un signe de dépersonnalisation de sa personnalité..) ?
a
13 juillet 2006 10:16
Citation
zaki7 a écrit:
Vous me faites rire, vous reprochez a un ecrivain de retracer des "faits" sur un voyage qu'il a decide d'entreprendre et a partir duquel il redige ce qu'il voit smiling smiley Il ne defend aucune idee, il decrit uniquement. C'est comme si quelqu'un prenait une photo du coucher de soleil et vous lui dites : oui mais tu n'as pas mis assez de bleu sur ta photo smiling smiley


bonjour zaki
jeune afrique reste le leader mondial dans la technologie de la retouche d'images ( recadrage,zoom, les annoter, les organiser..),avec des techniciens de la retouche hautement qualifié pour choisir,préparer, réparer facilement des photos malheureuses qui serviront au montage afin d'obtenir un résultat parfaitement réaliste...
m
13 juillet 2006 10:18
a-hani,

il ne s'agit pas d'une leçon sur la prise de vue ou le montage d'un film ni de jeune afrique mais le titre est Les marocains ne sont plus ce qu'ils étaient.

Ara Maandak, s'il y a des arguments ! vas-y, sinon lis et passe ton chemin comme on fait sur plusieurs interventions !

mag3
b
13 juillet 2006 10:34
Quoiiii???!!
Mais qu'est-ce que tu racontes?

Citation
a-hani a écrit:

bonjour zaki
jeune afrique reste le leader mondial dans la technologie de la retouche d'images ( recadrage,zoom, les annoter, les organiser..),avec des techniciens de la retouche hautement qualifié pour choisir,préparer, réparer facilement des photos malheureuses qui serviront au montage afin d'obtenir un résultat parfaitement réaliste...
l
13 juillet 2006 10:36
Citation
bikhir a écrit:
Quoiiii???!!
Mais qu'est-ce que tu racontes?

A mon humble avis, on ne peut pas dire que c'est là une analyse approfondie...
a
13 juillet 2006 10:45
Citation
mag3 a écrit:
a-hani,

il ne s'agit pas d'une leçon sur la prise de vue ou le montage d'un film ni de jeune afrique mais le titre est Les marocains ne sont plus ce qu'ils étaient.

Ara Maandak, s'il y a des arguments ! vas-y, sinon lis et passe ton chemin comme on fait sur plusieurs interventions !

mag3


etes-vous le vendeur du titre ou un enchérisseur ?
k
13 juillet 2006 10:59
c'est pas nouveau que les marocains ne sont plus ce qu'il etaient, mais pas que les marocains les autres aussi!! apres chacun fait sa propre lecture de ce changement de part son vecu et son entourage et son ideal aussi.

l'article ne ressort pas avec des prises de positions de son auteur ni de l'auteur du post!! ce qui ne dit rien au contraire, il veut laisser le lecteur a partir des yx de l'auteur arriver a tirer des conclusions!! seulement les lunettes des uns ne collent pas chez les autres dieu merci, otrement yaura meme pas besoin d'ecrire cet article.

cela dit il ne dit rien!! une chronique comme dans les magazines people, ou on te parle d'une stars qui a feter son anniv et patati et patata!! une idée de fond, n'y est pas ou du moins n'est absolument pas formulée; comme si une aprehension derange l'auteur de s'exprimer pleinement.

mé sinon le titre est tellement vrai ma foi qu'il restera toujours vrai!!
z
13 juillet 2006 11:09
Wow, je ne savais pas que tu etais l'infographiste en chef de JA smiling smiley

Tu peux m'expliquer maintenant comment se fait-il qu'un journal que tu nommes sans le dire "pro-marocain" s'est fait bannir au Maroc comme il ne s'est fait bannir dans aucun autre pays africain durant les annees 70-80?

Vasw y dis moi c'et quoi ton journal prefere que tu estimes dit la verite absolue en ce qui concerne le Maroc et on fait la comparaison entre le nombre total des censures au Maroc de ce journal et de JA.. smiling smiley

Citation
a-hani a écrit:
Citation
zaki7 a écrit:
Vous me faites rire, vous reprochez a un ecrivain de retracer des "faits" sur un voyage qu'il a decide d'entreprendre et a partir duquel il redige ce qu'il voit smiling smiley Il ne defend aucune idee, il decrit uniquement. C'est comme si quelqu'un prenait une photo du coucher de soleil et vous lui dites : oui mais tu n'as pas mis assez de bleu sur ta photo smiling smiley


bonjour zaki
jeune afrique reste le leader mondial dans la technologie de la retouche d'images ( recadrage,zoom, les annoter, les organiser..),avec des techniciens de la retouche hautement qualifié pour choisir,préparer, réparer facilement des photos malheureuses qui serviront au montage afin d'obtenir un résultat parfaitement réaliste...
c
13 juillet 2006 11:13
Très juste Zaki7, j'ai le souvenir que Hamid Berrada était persona non grata sous Hassan II.
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