Menu
Connexion Yabiladies Ramadan Radio Forum News
Maroc: Ce qu'il faut pour séparer les pouvoirs
T
3 février 2006 20:42
Ces propos nient une réalité flagrante. Celle d'un générateur d'archaïsmes politiques et économiques. Castrateur d'élites et fossoyeur des processus de la décision publique. Source de privilèges et frein de libertés. Acteur structurel de l'ajournement du développement du pays, -le Makhzen. Les auteurs de ce genre de propos appuient leur discours par un argument faux et archaïque : l'immaturité du peuple marocain à être souverain. Je n'adhère pas à cette vision, et m'inscris radicalement en opposition à toute logique personnalisant le pouvoir politique pour soustraire à la souveraineté populaire.

L'absolutisme structuré
On dissèque souvent l'injustice, la pauvreté et le manque de libertés d'opinion et celle d'agir au Maroc. Ce ne sont là que les symptômes de l'absolutisme dont les origines restent subtilement gardées derrière un sacro-saint écran de fumée. Cet écran est appelé par ses gardiens "les spécificités historiques marocaines". Ces dernières ont servi d'argument depuis 1962, afin que les constitutions et les différentes lois organisant le pouvoir politique ne soient que des entonnoirs pour canaliser, in fine, toute autorité entre les mains du Roi. Ces pouvoirs sont redistribués et délégués à tous les niveaux et gérés par une structure appelée Makhzen. Contrairement à une nouvelle mode journalistique qui veut que le Makhzen soit indépendant de la monarchie, ou que même parfois ils s'opposent. La délégation de l'autorité par la monarchie au Makhzen fait de ce dernier son bras exécutif. Le Makhzen a progressivement cessé d'être un ensemble de circuits locaux de clientélismes et d'alliances traditionnelles provenant de la logique opérationnelle du "Bled L'makhzen" versus (Bled A'siba". "Théoriquement identifiable et politiquement opérationnel", il est constitué d'un ensemble de décisions, de structures et de responsables non nommés par des instances élues par le peuple, fonctionnant hors légitimité émanant des urnes. Sur le niveau opérationnel, il est l'Etat dans ses instances exécutives. Les investisseurs, les travailleurs sociaux, les élus, les ministres, les acteurs associatifs, les techno-bureaucrates et les citoyens savent que pour concrétiser la moindre action, ils doivent passer, chacun à son niveau, par un conseiller royal, un directeur central au ministère de l'Intérieur, un secrétaire général d'un ministère, un Wali, un gouverneur, un Pacha, un Caïd un Cheikh ou un M'kadem. Impossible de réaliser quelque chose au Maroc sans passer par un ou plusieurs de ces postes. Le Makhzen ce sont eux, les processus de décisions qu'ils actionnent et les instances qu'ils gèrent.
Le Makhzen s'est ainsi réalisé en une structure qui n'émane d'aucun contrat social, d'aucune charte nationale concertée. Une structure archaïque qui tire le pays vers le bas. Sa modernité est de forme. Elle réside dans le fait d'utiliser tous les outils modernes de gouvernement pour mieux contrôler les foules et domestiquer les élites.

Makhzen central, Makhzen de proximité
Le pouvoir politique moderne est constitué de deux dimensions : la responsabilité et l'autorité. La responsabilité est l'obligation de remplir une charge, un engagement. Etre responsable politiquement c'est avoir l'obligation d'atteindre les objectifs électoraux et répondre de ses actes devant des institutions représentant les électeurs. L'autorité est le droit et la possibilité de commander, de prendre des décisions et de se faire obéir. Avoir de l'autorité politique c'est avoir des droits d'accès et d'action sur les décisions publiques, ainsi que les moyens, financiers, logistiques et sécuritaires de se faire obéir par les appareils exécutifs de l'Etat.
Une structure politique responsable ne peut pas atteindre ses objectifs sans autorité. Une structure politique sans autorité est une coquille vide, un organe fantoche. En revanche une structure d'autorité qui n'est pas responsable devant le peuple et ses instances représentatives est absolutiste ; l'autorité sans responsabilité c'est la dictature.
La condition de la vertu est là. Celle du vice aussi. L'équilibre et la non dissociation entre la responsabilité et l'autorité, au niveau central et local des processus de la décision publique, est la seule garantie d'une bonne gouvernance. La dissociation des deux au niveau des processus et des structures les prenant en charge enfante des situations de blocage et de stérilité chroniques.
Au Maroc une telle dissociation s'est opérée, d'une manière consciente et volontaire, sous le règne de Hassan II. Elle a enfanté un Etat parallèle, le Makhzen, doté de grands pouvoirs de décision et d'exécution et sans responsabilité aucune. Pour asseoir une structure pléthorique aussi bien huilée, la méthode du régime depuis la Constitution de 1962 est de faire, "constitutionnellement", que le peuple responsabilise seulement, via les "élections", des instances sans autorité et qui ne font qu'expédier les affaires courantes et accompagner les décisions du Makhzen. En revanche, c'est la monarchie qui nomme des instances de "vis-à-vis" qui, elles, sont non responsables devant le peuple, mais dotées de toute l'autorité.
Cette tendance s'est subtilement accentuée sous le nouveau règne. Finalisation et promulgation de la Charte Communale, concentrant toute autorité et pouvoir de décision au niveau local entre les mains du « Makhzen local », en mettant les actes du conseil communal et du président du conseil communal sous la tutelle du ministre de l'Intérieur ou de son délégué pour les communes urbaines, du wali ou gouverneur pour les communes rurales. Promulgation de la nouvelle loi de "lutte contre le terrorisme" limitant la liberté individuelle en l'assujettisant à la sécurité policière. Création d'Agences et de Fondations qui prennent en charge des actions qui doivent être du ressort de la politique sociale du gouvernement. Création par induction d'un grand nombre d'organismes et associations jouant le rôle de groupe de lobbyings à la solde du Makhzen et de son image. Sous le nouveau règne, le Makhzen s'est consolidé "légalement" et au niveau communicationnel. Au niveau politique, il a achevé le rêve de ses pères fondateurs en imposant un Premier ministre apolitique à la tête d'une gouvernement comportant l'Istiqlal et l'Union Socialiste des Forces Populaires comme formations principales.

Objectifs et Principes.
La péréquation, responsabilité sans autorité et autorité sans responsabilité, est l'outil de consolidation de la "spécificité historique" marocaine selon laquelle la monarchie doit avoir toute l'autorité. Une monarchie souveraine et gouvernante, un peuple non souverain et non gouvernant. Ceci s'appelle l'absolutisme.
Bien au-delà de ce jugement de valeur, le mode de fonctionnement du régime actuel est nuisible à l'intérêt de la communauté des citoyens. Ces derniers sont le seul étalon à l'aune duquel se mesure l'utilité ou non des institutions. Un peuple doit avoir l'autorité sur ces objectifs, à partir de leur définition jusqu'au contrôle de leur réalisation en passant par les modes de leur mise en œuvre. La modernité politique est la clarté des contrats qui gèrent ces objectifs, leurs référentiels, les autorités, les responsabilités et les processus de la décision publique. Les avancées constitutionnelles en matière de libertés publiques en Occident, fruits accumulés des luttes de l'humanité, sont universelles. Il ne s'agit pas d'Occident versus Orient, il s'agit de modernité versus archaïsme, il s'agit de contrat versus arbitraire, il s'agit de régimes qui ont comme objectif le bien-être du citoyen versus régimes qui ont pour objectif leur continuité et celle des privilèges d'une guilde de potentats.
Vivre en communauté organisée n'est pas un luxe. Les humains s'organisent en Etats parce que c'est nécessaire. Cette nécessité est celle de la satisfaction de leurs besoins élémentaires en prospérité, en liberté et en justice. Les institutions sont des outils pour atteindre cet objectif, leur continuité en est un corollaire. Le fonctionnement et l'évaluation des actions ou du rendement d'un régime politique doivent alors se faire par rapport à un référentiel communément et contractuellement adopté. Construit suivant une logique de concertation entre les forces politiques, et mis en place à partir de principes de base. Dans un Etat de droit le référentiel est la Constitution et ses principes de base sont :
. La souveraineté de la volonté populaire.
. La garantie des libertés individuelles.
. La garantie des libertés publiques.
. La séparation des pouvoirs.
. La garantie de la justice sociale et économique à travers la sécurisation des processus de satisfaction des besoins de base des individus.
. La garantie de la sécurité des individus et des groupes. Toute autre formule constitutionnelle ne garantissant pas, expressément et dans les faits, le respect de chacun de ces principes est une forme de dictature et de souveraineté de l'arbitraire. Elle est de ce fait stérile et nocive. Elle peut durer des millénaires, elle sera toujours inutile, sa continuité ne participera pas de son efficacité.
Il n'existe pas de peuples immatures. Un peuple a des problèmes nécessitant des solutions ; et l'intérêt suprême du pays réside intégralement dans le bien-être du peuple, non dans la continuité d'un quelconque symbole, n'en déplaise aux mécènes des « spécificités historiques marocaines ». Il est léger et irresponsable de soutenir que cet intérêt peut être garanti par une seule personne, quelle que soit la forme de cette garantie et quelle que soit la personne. C'est qu'il y a des actions qui ne doivent être le monopole d'une seule personne. Gouverner un Etat en est une. Être aux commandes de la destinée d'un peuple est une mission qui ne peut faire l'économie de la transparence, du partage et du contrôle. Elle ne peut qu'être contractuelle et prise en charge par des institutions émanant des urnes. Son utilité résidant dans son rendement, la personnaliser revient à transformer une activité vouée au rôle d'arbitre/médiateur en un goulot d'étranglement. Au lieu d'être un facteur d'équilibre pour la nation, le pouvoir suprême devient alors un élément d'absolutisme politique, de stagnation économique et de précarité sociale chronique. C'est ce qu'il en est au Maroc.
Aujourd'hui, au même titre que la définition et la mise en œuvre d'objectifs socio-économiques pour concrétiser le bien-être du peuple, la réforme de la structure de l'Etat est une urgence. « Les spécificités historiques » qui momifient le peuple marocain, parasitent sa culture et hypothèquent son avenir doivent être parmi les objectifs primordiaux du changement structurel que doit connaître le pays.
Le Makhzen doit être responsabilisé, sinon aboli. De même que tout autre organe pouvant concurrencer, contraindre ou hypothéquer la responsabilité et l'autorité représentant la volonté populaire. « Ce qui sape et finit par tuer les communautés politiques c'est la perte de pouvoir et finalement l'impuissance ».



Elâabadila Chbihna Maaelaynine.
Consultant indépendant en Management de Projet
Source: Le Journal hebdo
l
7 février 2006 21:20
UN autre point de vue à propos du makhzen à voir sur le site [www.activcontact.com]
l
7 février 2006 21:34
Il y a aussi cette adresse: [3006.aceblog.fr]
On pourra séparer les pouvoirs autant qu'on voudra c'est une question de mentalité et de bonne volonté...Un juge vraiment indépendant ne répandra la justice que s'il est un homme juste. Un juge dépendant pourra rendre de bons jugements s'il est courageux, s'il accepte de mettre en jeu sa carrière...Avant de penser à l'indépendance de la justice il faudra penser d'abord à l'indépendance des juges...Un juge oeuvrant dans un système de séparation des pouvoirs mais dépendant du pouvoir de l'argent est plus à craindre qu'un juge juste et courageux oeuvrant dans un système où la justice est dépendante de l'éxécutif.
a
7 février 2006 22:08
Citation
le citoyen a écrit:
Il y a aussi cette adresse: [3006.aceblog.fr]
On pourra séparer les pouvoirs autant qu'on voudra c'est une question de mentalité et de bonne volonté...Un juge vraiment indépendant ne répandra la justice que s'il est un homme juste. Un juge dépendant pourra rendre de bons jugements s'il est courageux, s'il accepte de mettre en jeu sa carrière...Avant de penser à l'indépendance de la justice il faudra penser d'abord à l'indépendance des juges...Un juge oeuvrant dans un système de séparation des pouvoirs mais dépendant du pouvoir de l'argent est plus à craindre qu'un juge juste et courageux oeuvrant dans un système où la justice est dépendante de l'éxécutif.


tout a fait vrai ,tres bonne analyse .
 
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com
Facebook