Par Luciana Castellina traduit de l'italien par karl&rosa.
Il y a de quoi être préoccupé - très préoccupé - pour tous ces Juifs d'origines très différentes ayant décidé d'être des Israéliens. Je partage l'alarme de ces jours-ci sur le sort du pays qu'ils ont créé. En effet, comment un Etat qui a fait grandir autant de haine autour de lui pourra-t-il se sentir sûr ? Comme le disait un agriculteur palestinien à un soldat israélien : " Comment peux-tu me dire que je ne suis pas chez moi, toi qui viens de Russie ? "
Comment pourra-t-il vraiment légitimer son existence, non pas dans les instances institutionnelles où il est plus que reconnu, mais dans la conscience des millions d'Arabes qui vivent à côté et qui pour des raisons analogues à celles de la diaspora juive se sentent eux aussi solidaires entre eux, autrement qu'en assumant le problème du peuple que la constitution de son état a laissé sans patrie ni maison ?
Comment le gouvernement de Tel Aviv pourra-t-il invoquer l'application - sacro-sainte - de la résolution 1559 de l'ONU ordonnant au Hezbollah de désarmer quand il a ignoré lui-même, depuis un demi siècle, toute autre résolution des Nations Unies, à commencer par la 242, fondamentale, qui lui ordonnait de se retirer à l'intérieur des frontières de 1948 ?
Comment pourra-t-il rendre convaincante sa voix qui s'accompagne de celle de son allié américain, inconscient autant que lui, en revendiquant l'intervention armée contre l'Iran parce qu'il prétend posséder un potentiel nucléaire quand Israël lui-même le possède en violation de toute norme internationale ?
Comment pourront-ils recueillir des adhésions dans la dénonciation des horribles régimes de l'Iran, de Saddam Hussein, des Taliban, quand ils entretiennent de très bonnes relations avec des régimes réactionnaires tout autant horribles (en commençant par ceux du Golfe) et face au désastre auquel a conduit l'intervention « démocratisatrice » des Américains ?
Comment pourra-t-il demander de la solidarité contre la menace d'Ahmadinejad, du Hamas, du Hezbollah, quand non seulement il sabote chaque jour mais il rend risible toute perspective de créer un état palestinien, qu'il n'y a pas encore en effet et qui ne pourra pas exister tant qu'à ce mégot de terre qui devrait en constituer l'embryon est refusé tout attribut de souveraineté, de contrôle de ses propres frontières, de son économie et de ses ressources, exposé au kidnapping et à l'assassinat de ses représentants démocratiquement élus, réduit pire qu'un bantoustan dans l'Afrique de l'apartheid ?
Comment pourra-t-il obtenir une réelle acceptation de sa propre existence et faire oublier les souffrances et les privations inouïes que la création d'Israël a imposées à ceux qui y habitaient et n'étaient pas des Juifs, autrement que par le courage de raisonner sur l'histoire respective et de chercher avec humilité un compromis, en ne niant pas avec arrogance les droits des autres, mais en les reconnaissant en demandant que les autres aussi reconnaissent ses propres droits ?
Comment sera-t-il possible d'effacer de la mémoire de ses voisins les massacres quotidiens d'innocents, le fait d'avoir réduit la Bande de Gaza à un camp de concentration exposé aux incursions, sans eau, ni nourriture, ni travail ?
Comment pourra-t-il se sentir plus fort maintenant qu'il a perdu toute sympathie même au Liban ?
A l'heure qu'il est, on est effrayé par la substantielle indifférence envers les victimes, la cécité et l'inconscience de ceux qui se prétendent des amis d'Israël et qui, même en vivant ailleurs, devraient avoir l'avantage de la clairvoyance que donne la distance. Au contraire, ils choisissent d'ajouter leurs cris aux cris de la plus irraisonnable, furieuse et primitive réaction, plutôt que de rappeler ce gouvernement à la raison, de le faire réfléchir sur la terrible faute d'avoir intentionnellement brûlé le meilleur interlocuteur qu'il aurait pu avoir, l'OLP, laïque, et de tenir encore aujourd'hui ses hommes les plus lucides en prison, aidant ainsi le peuple israélien à comprendre que la véritable sécurité du pays ne peut être conquise que par la voie politique, en créant des liens sociaux, culturels, économiques avec ses propres voisins, en donnant sécurité et non insécurité aux Palestiniens.
C'est vrai : Israël est seul. Avoir de son côté le pays le plus puissant du monde, et ses vassaux - médias, gouvernements, entreprises - avec ne réduit pas son isolement. Ceux qui ont à cœur de sauver cet état doivent arrêter avec cette solidarité mortifère, dangereuse, aveugle.
The search for truth is more precious than its possession
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