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Mabanckou, Algérien d’honneur
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20 juillet 2006 04:17
CONGO (BRAZZA) - 16 juillet 2006 - par PAR FOUAD LAROUI :

Il y a quelques ­semaines se déroulait près de Toulouse un petit salon littéraire consacré aux auteurs de la francophonie. Je ne résiste pas au plaisir de partager avec vous une petite saynète qui s’y est déroulée. À un certain moment, je me suis trouvé à bavarder avec deux collègues, Boualem Sansal, le talentueux écrivain algérien et Alain Mabanckou, le non moins talentueux auteur congolais. Alain fait fureur en ce moment avec un livre intitulé Verre Cassé, que je ne saurais trop vous recommander de lire. Donc nous voilà tous les trois, Boualem, Alain et votre serviteur, à bavarder en buvant un petit café. J’allais dire, « en buvant un petit noir », mais je ne le fais pas, vous allez comprendre pourquoi.

Voilà qu’une dame d’un certain âge s’approche de nous et demande à Alain Mabanckou s’il est algérien. Pour apprécier le cocasse de la situation, il faut quand même réfléchir au tableau : Boualem est algérien, moi, comme tout Maghrébin, je pourrais facilement passer pour son compatriote. En revanche, Alain est un beau Noir qui fait 1 m 90, qui a le sourire éclatant de Harry Belafonte et le bagout d’Eddy Murphy. La question de la dame était donc pour le moins extraordinaire. Mais la réponse d’Alain le fut encore plus. Du tac au tac, il lui répondit :

- Oui, Madame, je suis algérien, je viens de l’Algérie noire !

Très contente d’avoir enrichi son savoir géographique, la dame s’en fut, non sans avoir acheté un exemplaire de Verre Cassé. Nous étions encore en train de rigoler, Boualem Sansal et moi, quand Alain, se prenant au jeu, se présenta de nouveau, et cette fois-ci spontanément, comme ressortissant de l’Algérie noire à un essaim de lycéennes qui ouvrirent de grands yeux étonnés et notèrent dans un petit carnet cette information inattendue. Le plus extraordinaire, c’est qu’à côté de nous était assise une écrivailleuse, elle, tout à fait algérienne, étant née et ayant grandi dans la patrie de Camus et de Kateb, mais qui ne cessait de dire aux chalands intéressés par ses ouvrages :

- Ah, pardon, je ne suis pas Algérienne !

Cela sur un ton sec et sans réplique. Heureusement qu’elle n’avait pas entendu les affirmations extravagantes d’Alain Mabanckou, c’est pour le coup qu’elle aurait eu de sérieux problèmes d’identité…


La suite de l’après-midi fut consacrée, entre deux signatures d’ouvrage, à des débats amicaux entre l’Algérien nouveau qu’étaient Alain Mabanckou et les vieux de la vieille du genre Sansal ou Anouar Benmalek. Ces trois lurons refirent leur pays de long en large.

Mais l’histoire ne s’arrêta pas là. Après le dîner, alors que nous rentrions dormir à l’hôtel, Alain prit le chemin du centre-ville pour aller faire ce que je n’ose appeler la bamboula. Sur son chemin, il trouva un pub irlandais qu’il envahit à lui tout seul. Il but, raconta des blagues, dansa et chanta toute la nuit. Le lendemain, on nous rapporta que dans ce pub, où on n’a pas l’habitude de voir des Noirs, les clients furent vite conquis par ce grand bonhomme charmeur et rigolard qui se présenta, bien sûr, comme originaire de l’Algérie noire. Il paraît que lorsqu’il quitta le pub, vers les quatre heures du matin, quelqu’un lui glissa, sur un ton mélancolique : « Ah, si tous les Algériens étaient comme vous… » Je ne sais pas s’il faut se réjouir ou s’attrister de cette remarque, mais je la rapporte telle quelle.

Je ne sais pas si des officiels algériens, de grosses légumes, des « décideurs » comme on dit, liront ces lignes. Si oui, je leur donne ce conseil fraternel : accordez d’urgence la nationalité algérienne à Alain Mabanckou. Il fait plus pour votre pays que certains de vos compatriotes…
-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-   Un grand peuple sans âme est une vaste foule-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-
 
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