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L'origine de NI PUTE NI SOUMISE
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27 avril 2005 13:30




Un chercheur analyse "l'incendie médiatique" qui a placé les "tournantes" sur le devant de la scène
LE MONDE | 25.04.05 | 13h53 • Mis à jour le 25.04.05 | 13h53


l a surgi en 2001 : le mot "tournantes", désignant des viols collectifs commis par des jeunes gens de banlieue, serait une construction médiatique récente.

C'est ce qu'affirme dans son dernier ouvrage, Le Scandale des "tournantes", dérives médiatiques, contre-enquête sociologique, le sociologue Laurent Mucchielli, directeur du Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales (Cesdip), institut placé sous la tutelle du CNRS et du ministère de la justice.

Un film, La Squale, de Fabrice Génestal, en 2000, fut l'élément déclencheur de l'intérêt des médias. Puis est venu, en 2002, le témoignage d'une jeune femme, Samira Bellil, L'Enfer des tournantes, suivi de la création d'un mouvement féministe, Ni putes ni soumises. De ces trois événements, est né, sur fond de débat électoral sécuritaire, un "scénario" que l'on pourrait, selon Laurent Mucchielli, intituler : "La société française est menacée par la jeunesse des banlieues."

Sur le fil de l'Agence France-Presse (AFP), dans les trois années qui "précèdent l'incendie médiatique", l'auteur n'a recensé en moyenne que deux dépêches par an consacrées aux viols collectifs. De 1998 à 2000, dans les cinq quotidiens nationaux étudiés (Le Monde, Le Figaro, Libération, L'Humanité, La Croix), il n'a trouvé que trois articles. En 2001, le nombre de dépêches de l'AFP est multiplié par dix. Le Monde consacre 18 articles au sujet, Le Figaro, 14. Mais en 2004, le sujet a disparu, de nouveau.


STABILITÉ DES CONDAMNATIONS


Dans leur traitement récent, les viols collectifs ont eu pour cadre la banlieue, et pour acteurs les jeunes gens d'origine étrangère. Selon Laurent Mucchielli, la référence constante faite à l'origine maghrébine ou africaine des auteurs de tournantes a débouché sur un amalgame entre viols collectifs et islam. "C'est l'éducation dans ces sociétés qui est aussi en procès", souligne-t-il.

Le thème des "tournantes" témoignerait des nouveaux habits de la xénophobie, qui diabolise les "arabo-musulmans". D'ailleurs, il "précède immédiatement (...) le thème du voile islamique et celui de l'antisémitisme", conclut-il.

A l'appui de sa démonstration, l'auteur a mené une "contre-enquête sociologique". Sur le plan quantitatif, affirme-t-il d'abord, "l'idée selon laquelle les viols collectifs constitueraient un phénomène en augmentation continue dans la société française n'est pas vérifiée".

De 1984 ­ date à partir de laquelle la statistique judiciaire distingue les viols en réunion de l'ensemble des viols ­ à 2002, le nombre des condamnations s'établit en moyenne à 125 par an, sur tout le territoire. Le constat est celui d'une stabilité. Tous les faits sont encore loin d'être rapportés, et le chercheur n'explore pas la réalité récente des quartiers difficiles : la dégradation des rapports entre filles et garçons est constatée par de nombreux acteurs sociaux.

Sur une longue période, il est impossible d'établir des statistiques fiables sur les viols collectifs. La pratique, relève Laurent Mucchielli, est ancienne, tant dans le milieu estudiantin que dans celui des bandes urbaines des années 1960.

Henri Michard, directeur du Centre de formation de l'éducation surveillée à Vaucresson, avait bien décrit le phénomène en 1973 : appelé "barlu" à Lyon ou "rodéo" à Toulouse, le viol collectif est le fait de petits groupes, mêlant jeunes adultes et petits. Si la plupart sont scolarisés ou possèdent un emploi, les auteurs ont souvent des problèmes familiaux, et une partie a un passé délinquant. Henri Michard expliquait que, pour eux, le viol, de dimension initiatique, représentait la première expérience sexuelle.

Des travaux plus récents, notamment des enquêtes de victimation, ont confirmé la rareté des viols collectifs et la diversité de leurs auteurs. Au travers de l'étude de vingt-cinq dossiers judiciaires, Laurent Mucchielli souligne enfin que les viols collectifs obéissent à des processus sociaux très divers. Parmi eux, "l'affirmation virile collective et l'initiation sexuelle" correspondent en partie à la représentation des tournantes.

Mais ce ressort peut se rencontrer "dans les milieux sociaux les plus variés". Selon les dossiers judiciaires, d'autres processus ont été identifiés : dans le huis clos d'un logement social partagé par plusieurs marginaux, ou derrière les murs d'une prison, il s'agit de "la domination violente et quotidienne" d'un membre du groupe plus faible que les autres. Lors d'un bizutage, qui s'est produit dans un lycée agricole, c'est le "rite de passage" qui domine.

En occultant une réelle analyse des viols collectifs, le "scénario" des tournantes a banalisé les "lectures culturalistes" et les "simplismes réservés à l'extrême droite", affirme Laurent Mucchielli.



Nathalie Guibert

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Une école Samira-Bellil à L'Ile-Saint-Denis

Un centre scolaire Samira-Bellil a été inauguré, samedi 16 avril, à L'Ile-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), en présence de la famille de la jeune femme. Morte en septembre 2004 des suites d'un cancer, Samira Bellil avait témoigné de son calvaire, en 2002, dans L'Enfer des tournantes (Gallimard, "Folio-Documents", 320 p., 3,50 euros). Devenue éducatrice, elle avait soutenu la Marche des filles des cités organisée, en mars 2003, par le mouvement Ni putes ni soumises, dont elle était la marraine.

"Samira Bellil est à la fois le symbole de la fraternité de notre jeunesse et de sa combativité", a déclaré le maire de L'Ile-Saint-Denis, Michel Bourgain (Verts). Mais comment expliquer aux enfants le parcours douloureux de la jeune femme ? Le jour du dépouillement, Alain François, adjoint à la jeunesse, a expliqué simplement son itinéraire : "Je leur ai dit qu'elle avait été la marraine d'un mouvement pour la liberté des femmes et qu'elle s'était battue pour que les jeunes filles puissent circuler librement dans leur cité sans être embêtées."




Article paru dans l'édition du 26.04.05








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