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L'opposition syrienne tente de s’organiser
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5 juin 2011 08:56
L'opposition syrienne tente de s’organiser

LEMONDE | 02.06.11 | 11h14 • Mis à jour le 02.06.11 | 11h15


La première, et la seule, mesure concrète prise par l'opposition syrienne a été de fonder des comités pour organiser la résistance non violente, la mobilisation internationale, les poursuites judiciaires contre le pouvoir de Bachar Al-Assad, le soutien financier.

La première, et la seule, mesure concrète prise par l'opposition syrienne a été de fonder des comités pour organiser la résistance non violente, la mobilisation internationale, les poursuites judiciaires contre le pouvoir de Bachar Al-Assad, le soutien financier.AFP/ADEM ALTAN

Antalya (Turquie), envoyé spécial - "Liberté ! Liberté !". Sous les palmiers du jardin d'un luxueux hôtel, dans la station balnéaire d'Antalya, dans le sud de la Turquie, plusieurs dizaines de Syriens improvisent une manifestation, poing ou index levé, sous les regards interloqués des touristes russes ou britanniques. Les slogans, hostiles au régime de Damas et à son chef, Bachar Al-Assad, sont les mêmes que ceux qui ébranlent la Syrie depuis plus de deux mois. Cette fois, sans risque d'arrestation ou de répression brutale.

Antalya accueille depuis mardi 31 mai une conférence inédite qui rassemble plus de 300 figures de l'opposition syrienne. La plupart vivent en exil, aux Etats-Unis, en Europe… Mais une cinquantaine d'entre eux sont aussi venus directement de Syrie. De la région kurde, de Damas, et même de Deraa, dans le sud du pays, l'épicentre de la révolte syrienne. Certains activistes envisagent de rentrer sitôt la rencontre terminée.

"SYSTÈME MAFIEUX"

"C'est une réunion organisée dans le but de soutenir les manifestations et de dénoncer la violence, précise Ammar Qurrabi, directeur du Centre national des droits de l'homme et expatrié au Caire depuis deux mois. Nous avons des Kurdes, des Frères musulmans, des membres des différents partis d'opposition en exil, des écrivains, des journalistes… C'est la première fois que nous sommes capables de réunir tout ce monde, malheureusement grâce au sang versé en Syrie." Les organisateurs préfèrent rester dans l'ombre et refusent de donner des interviews. Mais les frères Ali et Wassim Sanqar jouent un rôle-clé en finançant la réunion. Cette puissante famille d'hommes d'affaires était l'une des plus influentes du pays, active notamment dans l'automobile et la construction. Jusqu'à une passe d'armes avec Rami Makhlouf, le cousin du président, Bachar Al-Assad, qui a voulu faire main basse sur leur licence de distribution de véhicules Mercedes.

M. Makhlouf, l'une des personnalités visées par les sanctions américaines, contrôle environ 60 % de l'économie syrienne, grâce à des participations dans de nombreuses compagnies. "C'est un système mafieux lié au pouvoir, comme il en existait en Tunisie. Makhlouf tient tout. Une grande compagnie du Golfe avec laquelle je travaillais a abandonné ses projets en Syrie après avoir été menacée par Makhlouf", raconte Adib Chichakly, un homme d'affaires et petit-fils d'un ancien président syrien dans les années 1950. "La communauté des businessmen réalise doucement la nécessité de soutenir le peuple syrien", souligne Ammar Abdulhamid, membre d'une fondation basée à Washington.

Dans le huis clos de l'Hôtel Falez, les débats politiques ont souvent tourné à la cacophonie. Le dialogue entre les tendances très diverses de l'opposition syrienne s'est avéré délicat. "Les Frères musulmans et les partis kurdes tentent de récupérer le mouvement", grommelle un participant.

"C'est très positif, veut pourtant croire Abd Razak Eid, signataire en exil de la Déclaration de Damas, une pétition de l'opposition de 2004. Cette conférence délivre deux messages. Un aux jeunes Syriens qui font la révolution pour leur dire que toutes les couleurs de la société syrienne sont derrière eux. Et un autre à la communauté internationale qui a l'habitude de dire que la Syrie n'est pas prête au changement." Les divergences se font jour aussi entre les opposants en exil et ceux qui ont participé de l'intérieur à la révolution, comme Taha, étudiant damascène de 25 ans, plus à l'aise sur Facebook qu'au milieu de ces débats politiques interminables.

Pour Abd Razak Eid, il n'est pas question de créer un comité transitoire, comme en Libye. "On ne veut pas parler de l'après-Bachar, ne pas donner l'impression de vouloir profiter de la situation pour satisfaire des ambitions politiques", décrypte Iyad, réfugié aux Etats-Unis.

LE MODÈLE TURC

"Ce que nous voulons, c'est un Etat démocratique. Le meilleur modèle, ce serait la Turquie d'Erdogan", déclare pour sa part le cheikh Bandar Al-Mafarah, l'un des quinze chefs de tribu bédouine également présents à Antalya. "Nous représentons 7 millions de Syriens", précise ce petit homme en costume traditionnel.

La première, et la seule, mesure concrète prise par l'opposition syrienne a été de fonder des comités pour organiser la résistance non violente, la mobilisation internationale, les poursuites judiciaires contre le pouvoir de Bachar Al-Assad, le soutien financier. "Les gens mettent leur vie en danger pour assurer l'avenir de la Syrie. Notre devoir est de leur apporter un soutien politique et logistique", souligne Molham Al-Drobi, membre de la direction des Frères musulmans syriens et porte-parole de la confrérie à la réunion d'Antalya. "Nous essayons d'apporter un soutien logistique, d'équiper les activistes de caméras, pour documenter les crimes commis par le régime afin de les montrer à la communauté internationale", ajoute-t-il. Une dizaine de téléphones satellitaires ont déjà été envoyés dans différentes villes du pays.
Guillaume Perrier
 
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