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« L’ONU ne dit pas le droit », un entretien avec Géraud de la Pradelle
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13 juillet 2005 22:40
Géraud de la Pradelle, professeur agrégé et chercheur en droit international privé à l’université Paris X-Nanterre, analyse le rôle de l’ONU et relativise la portée du droit international.


Que penser du droit de veto à l’ONU, qui permet de retourner une majorité ?

Géraud de la Pradelle : Le mot veto est mal choisi car il amplifie la portée de l’institution. Ce qui existe, c’est que l’un des cinq membres permanents peut bloquer le Conseil de sécurité en votant contre une résolution qui, par ailleurs, a une majorité pour elle. Là est le privilège, qui fait partie du statut des membres permanents, choisis en fonction de ce qui s’est passé il y a cinquante ans. Ce sont les principales puissances de l’époque, qui ont gagné la guerre et ont également été, pendant un certain temps, les seules puissances nucléaires. C’est pour ces raisons historiques que des puissances très fortes comme le Japon ou l’Allemagne ne disposent pas de ce privilège.

>L’ONU est-elle démocratique ?

La démocratie est, en principe, le gouvernement du peuple par lui-même, ou du moins sous son contrôle. Malgré le nom - Organisation des Nations unies -, les peuples ne sont pas les maîtres de l’organisation. Ils y sont représentés par des États. C’est une organisation d’États présents à travers leurs gouvernements. Il peut y avoir un zeste de démocratie dans la mesure où certains de ces gouvernements sont élus et rendent des comptes. Mais l’immense majorité des États des Nations unies ne sont pas des démocraties. L’ONU n’est pas une organisation des peuples, un gouvernement mondial qui serait démocratique. Parmi les États membres, par une sorte de réalisme qui est aussi la condition d’un minimum d’efficacité pour l’organisation, les puissances principales ont un rôle déterminant. Ces membres permanents contrôlent le fonctionnement de l’organisation.

Le contrôle se fait aussi par le financement...

En effet. Chaque membre contribue au budget de l’ONU en fonction de son poids. Les États-Unis et les membres permanents sont les principaux contributeurs. Surtout les États-Unis, qui ont du retard dans le règlement, ce qui constitue un moyen de pression très grand. Mais cette organisation est déséquilibrée parce qu’il n’y a plus qu’une superpuissance dans le monde. Auparavant, quand deux superpuissances s’équilibraient, l’organisation était très souvent bloquée. L’ONU fonctionne vaille que vaille. La déception, quand on l’observe, c’est lorsque l’on imagine que l’ONU pourrait être un gouvernement mondial, assurer le règne d’un droit nécessairement juste, etc. Mais tout cela est de la rêverie, ou de la propagande. C’est une organisation de rapports de forces entre États, et entre États qui ne sont pas sur un pied d’égalité.

L’ONU est cependant un progrès, comme l’était avant elle la Société des nations. Un progrès par rapport à l’ancien concert des grandes puissances. Elles sont tout de même bridées par l’existence de l’ONU... mais pas au-delà d’un certain point. Reste qu’un rééquilibrage au Conseil de sécurité paraît nécessaire. Cela ne changerait pas la nature de l’organisation, ce ne serait pas une révolution, mais cela la rendrait plus conforme au modèle d’origine, qui n’était pas démocratique, mais consistait en l’organisation, de manière un peu plus civilisée, du concert des principales puissances.

Ces puissances ont accepté un minimum de contrôle, mais en échange ont obtenu des avantages...

Oui, mais dans leur propre intérêt. Le but fondamental des Nations unies, c’est le maintien de la paix. Et le résultat n’est pas si dramatique : l’ONU a évité de nombreux conflits. C’est en plus une tribune, un lieu de négociation, en plus de ses activités à travers ses agences et organisations dérivées. De même que le Fonds monétaire international (FMI) ou l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ce sont des sources de régulation qui n’existaient pas auparavant, et qui dans le principe sont des progrès. Autrement, ce serait davantage la jungle. Bien sûr, il y a beaucoup à dire sur la qualité du progrès. Mais dans l’ensemble, il faut essayer de préserver ce qui existe, et si on peut l’améliorer, tant mieux. Mais il ne faut pas rêver, on ne peut pas transformer radicalement l’univers dans l’état où il est. Je crois qu’en construisant l’Europe, en l’organisant davantage, en lui donnant davantage de démocratie, en essayant de la rendre un peu moins libérale, on pourrait améliorer considérablement l’équilibre mondial. C’est un peu ce qui se dessine.

La liberté des autres étend la mienne à l'infini.
 
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