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Non a l'exposition de Tel-Aviv à Paris !
S
3 octobre 2009 10:40
Tel-Aviv s'expose à Paris le temps d'une Nuit blanche

[www.lemonde.fr]

Le 3 octobre, Paris connaîtra une nouvelle Nuit blanche. L'événement, concocté cette année par Alexia Fabre et Frank Lamy, conservateurs du musée Mac/Val de Vitry, s'organise selon une diagonale qui part du jardin du Luxembourg et va jusqu'à celui des Buttes-Chaumont. Parmi les centaines d'événements organisés à cette occasion, tant "in" que "off", l'un revêt un caractère particulier. C'est celui qui est organisé par Marie Shek, ancienne diplomate israélienne, et destiné à fêter le centième anniversaire de Tel-Aviv. Cent artistes, répartis sur le parcours, veulent témoigner de l'effervescence d'une "ville qui ne s'arrête jamais", et qui est aussi l'un des centres de création parmi les plus vivants au sud de la Méditerranée.

La 8e Nuit blanche de Paris, du 3 au 4 octobre, de 19 heures à 7 heures, compte une trentaine de projets officiels et 60 "off" associés. Les Buttes-Chaumont, l'Hôtel de Ville et le Luxembourg sont les trois principaux sites. Les oeuvres suivent peu ou prou le parcours de la ligne 11 du métro, ouverte toute la nuit. Dans le nord, on peut aller au Centquatre, rue d'Aubervilliers, qui présente plusieurs oeuvres. Ou découvrir l'installation de Claude Closky au gymnase Jean-Jaurès (87, avenue Jean-Jaurès), celle de Pierre Ardouvin à la Piscine (32, rue Edouard-Pailleron), ou encore Noël Dolla aux Buttes-Chaumont. Dans le centre, citons la vidéo de Kim Sooja sur le parvis de l'Hôtel de Ville, celle de Doug Aitken au Théâtre de la Ville, et, devant la cathédrale Notre-Dame, l'installation de Sylvie Fleury. Dans le sud, citons la sculpture de Gilles Barbier, L'Ivrogne, au 15, rue de la Bûcherie, et l'installation sonore de Janet Cardiff, The Forty Part Motet, à l'église Saint-Séverin.

Les visiteurs de la récente biennale d'art de Tel-Aviv (10-23 septembre) peuvent en témoigner. Certes, par rapport à ses grandes soeurs, la "Yafo Biennial" est bien modeste : une cinquantaine d'artistes, répartis dans deux villas anciennes et une fabrique désaffectée, curieusement perdues au pied d'une tour ultramoderne. Avec l'habituel mélange de locaux et d'internationaux, et, parmi ces derniers, le Français Kader Attia, qui expose, sur des socles, des sacs en plastique colorés mais translucides, de ces sacs banals dans lesquels l'épicier du coin case nos pommes de terre. Par on ne sait quel miracle, il leur donne de la rigidité, et une surprenante beauté. Une façon de monumentaliser le "presque rien" qui est aussi une des caractéristiques d'un certain art israélien.

Lequel, s'il ne brille guère dans la peinture, est on ne peut plus percutant dans la performance et/ou la vidéo. En témoigne, par exemple, le travail de Guy Ben-Ner présenté au pavillon Helena-Rubinstein du musée de Tel-Aviv. Barbu comme un Robinson Crusoé, l'artiste bâtit une cabane dans un arbre. Sauf que l'ensemble est constitué d'éléments préfabriqués d'un grand magasin de meubles. Petit à petit, il en dévisse certains, les boulonne à d'autres, créant à partir d'une structure improbable un fauteuil à bascule, puis un parasol, tous les éléments d'un confort qui de rustique devient presque bourgeois. Un naufragé qui aurait réussi, et une métaphore très poétique de l'histoire du pays.

Car, si cette histoire n'a pas forcément été rose pour les fondateurs de Tel-Aviv, elle ne l'est toujours pas pour les artistes qui y vivent un siècle après. La cherté des loyers les confine dans des ateliers minuscules, ou précaires. Certains privilégiés - dix-huit en tout, regroupé dans un vieil immeuble au sud de la ville - sont subventionnés par la municipalité. On y découvre, dans une cave, le travail d'une photographe, Hanna Sahar, qui compose avec son appareil des paysages dont l'espace évoque la peinture chinoise ancienne - étonnant sous ces climats -, ou les sculptures et dessins d'Aharon Ozery, créateur de dispositifs bizarroïdes aux allures de cheminées d'extraction.

Invités à tripoter

D'autres ateliers sont à deux pas de là, dans un immeuble pourri. Pas subventionnés, un peu plus grands, beaucoup plus chers. Toujours dans le même quartier, pourtant peu reluisant, d'autres n'ont même pas les moyens de louer un atelier, et s'incrustent donc dans ceux de la Bezalel Academy, l'école des beaux-arts, après y avoir terminé leurs études. Ce qui fait dire au directeur que le niveau ici est devenu bien supérieur à celui exigé par le diplôme de fin d'études.

Même chez des vedettes comme Sigalit Landau, dont une vidéo sera projetée durant la Nuit blanche dans la vitrine du galeriste Kamel Mennour, au 60, rue Mazarine, et qui exposera chez lui, en solo, au printemps, on est un peu à l'étroit. Enfin, c'est aussi parce que ses assistants s'y bousculent, épluchant à la machette de volumineuses pastèques qu'ils font ensuite mariner dans le gros sel.
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3 octobre 2009 10:42
SUITE ET FIN :

On en ignore le goût, mais pas la texture : après quinze jours de ce traitement, les fruits sont posés sur des socles, comme des sculptures devenues tremblotantes que les visiteurs sont invités à tripoter : sensation déroutante.

A Paris, on verra toujours de Sigalit Landau la vidéo Dancing for Maya, où deux personnes tentent de se rejoindre à travers trois écrans juxtaposés en dansant et en dessinant sur le sable. Elle sera projetée, avec des dizaines d'autres, au Forum des images, dans le Forum des Halles.

L'autre solution, c'est de sortir de la ville. Brigitte Nahon s'est ainsi installée dans un kibboutz. La communauté l'a adoptée, et lui construit actuellement un atelier. C'est aussi le choix de Michal Rovner, l'artiste sans doute la plus connue aujourd'hui hors d'Israël, qui est sous contrat avec la puissante galerie PaceWildenstein de New York. Son atelier est une grande maison, où s'affairent ses assistants.

C'est que, si ses travaux apparaissent d'une simplicité biblique, il faut de nombreuses compétences, informatiques notamment, pour que ce qui semble de premier abord une écriture cunéiforme gravée sur une pierre antique s'anime soudain, penchant la tête pour former de pseudo-caractères hébraïques. Un mouvement lent, et magique, où les lettres dansent.

Cette femme frêle ne pourrait pas non plus, à elle seule, construire les maisons de pierre sèche qui parsèment son jardin. Les maçons, qu'elle dirige avec la fermeté d'un vieux chef de chantier, s'en chargent, comprenant mal toutefois pourquoi elle leur interdit de retailler les moellons pour les adapter. La réponse est simple : ils proviennent de maisons détruites, pour de multiples raisons, et pas seulement politiques, un peu partout en Israël. Elle rachète les ruines, les entasse dans son jardin, et, en recomposant un bâtiment avec des pierres d'origines diverses, prouve qu'elles peuvent néanmoins tenir ensemble.

C'est aussi l'un des points de réflexion de Joseph Dadoune, intellectuel autant qu'artiste, qui insiste sur le melting-pot que représente Tel-Aviv, et plus largement Israël. La Constitution, les lois ont été rédigées par des juifs originaires d'Europe, mais elles s'appliquent aussi à ceux qui viennent de cultures différentes que le Maroc ou la Tunisie, le Yémen ou l'Ethiopie, sans compter l'ancienne Union soviétique - près d'un million d'immigrants sur les sept millions d'habitants du pays. Un bouillon de culture qui produit une vie artistique des plus stimulantes.
Harry Bellet
 
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