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« L’exécution de Saddam et la stupidité américaine »
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22 février 2007 08:46
Revue de la presse arabe du 15 janvier 2007
La presse arabe est unanime dans sa condamnation de l’administration Bush pour sa politique irakienne. Outre l’exécution de Saddam Hussein, qui en fait selon les commentateurs un nouveau martyr, c’est la décision américaine de renforcer ses troupes en Irak qui suscite l’indignation générale des éditorialistes. Les critiques vont même plus loin. En pendant l’ex-dictateur en pleine fête de l’Aïd, l’Administration Bush manquerait totalement de respect et de considération face aux sentiments des musulmans. Aperçu.


Mohamed Salmawy, de l’hebdomadaire égyptien Al-Ahram, signe une tribune sans équivoque titrée « L’exécution de Saddam et la stupidité américaine ! ».
Pour le commentateur, la condamnation de cet acte est indéniable et fait l’unanimité. « La stupidité habituelle de l’Administration Bush n’a pas raté l’occasion. Elle s’est illustrée une nouvelle fois par sa décision de pendre le président iraqien déchu, faisant de lui un martyr qui a sacrifié sa vie à la cause de sa patrie occupée. A l’aube du premier jour du grand Baïram, la fête du sacrifice, les Américains et leurs alliés du gouvernement iraqien ont décidé d’exécuter Saddam au beau milieu d’une large campagne de dénonciation internationale à laquelle tout le monde s’est joint, ennemis et amis. C’était donc une sorte de défi infligé à la religion musulmane et au grand Baïram, le mois de la tolérance et non de la vengeance et du meurtre. »

Pour Salmawy, la, condamnation de la mise à mort de Saddam vient en outre du fait que les Américains ont abandonné à jamais ce qu’ils avaient qualifié de crimes contre l’humanité, en le condamnant à mort pour un épisode auxiliaire de l’histoire irakienne.
« Ainsi a été tournée définitivement la page du reste des accusations adressées à Saddam. Seules celles de l’affaire du Dujaïl, qui a fait 148 victimes, ont été jugées. Alors que le nombre des morts irakiens par les forces américaines a dépassé de loin ce chiffre depuis l’invasion américano-britannique en 2003. »

Cette opinion est largement partagée parmi les éditorialistes de la presse arabe.
Ainsi pour Salama A. Salama, du même journal, rien ne sert de pleurer et la polémique autour de l’exécution de Saddam est inutile.
Il écrit « A quoi sert-il de parler de l’implication du gouvernement irakien dans l’infiltration de l’enregistrement qui a montré Saddam avec la corde autour du cou ? Ou de l’insistance du gouvernement américain à choisir un jour sacré pour les musulmans pour exécuter le président déchu ? Depuis l’époque abbasside et jusqu’à l’époque moderne, l’assassinat des dirigeants par les ennemis qu’ils soient du pays ou des étrangers, est une méthode suivie pour succéder au pouvoir en Irak. De plus, l’Administration Bush n’a jamais pris en considération les sentiments des musulmans. »

Son questionnement va plus loin, et remet tout simplement en cause la politique proche-orientale de l’administration Bush. « Est-ce qu’avec la mort de Saddam Hussein, les Américains ont réalisé tous leurs objectifs ? Ont-ils libéré l’Irak du despotisme et instauré l’Etat démocratique et la paix dans tous les coins du Proche-Orient ? »

Les réponses sont toutes trouvées, il poursuit « Rien ne prouve que l’Administration de Bush ait réalisé un seul de ces objectifs en Irak. L’Etat qu’elle a instauré n’est qu’un exemple de destruction totale, de zizanie et de guerre civile. La guerre contre l’Irak était l’occasion en or pour donner la main libre à Israël. Le pouvoir iranien s’est renforcé dans la région et les dangers de la prolifération des armes nucléaires ont augmenté. Sans oublier la hausse des taux d’extrémisme et de terrorisme. »

Sa conclusion « L’exécution de Saddam n’était donc pas une obligation historique, comme l’a décrit l’Israélien Shimon Pérès. Mais c’était plutôt une conséquence naturelle de la condition dans laquelle s’est retrouvé le monde arabe. Et le fantôme de Saddam hantera pendant encore longtemps les nuits de nombreuses personnes. »

Pour Mahmoud Mubarak, qui emprunte les pages du journal Al-Hayat , l’exécution de Saddam est tout simplement synonyme d’exécution de la Convention de Genève, car l’ex-dictateur doit être considéré, selon l’auteur, comme un prisonnier de guerre. Pour Mubarak, qui va ainsi plus loin que ses collaborateurs, « l’administration Bush a arrêté un Président légitime, d’un gouvernement légitime, ce qui constitue une violation du droit international. »

Issa Goraieb, éditorialiste du plus grand quotidien francophone libanais L’Orient le Jour, revient lui sur la décision américaine de renforcer les troupes sur le terrain. Il s’agirait de 20000 GI affectés surtout à la pacification de Bagdad, dans une décision présentée mercredi dernier par la Maison-Blanche.

Et l’éditorialiste de s’en prendre à l’administration Bush de ne pas suivre les recommandations du rapport Baker-Hamilton, à savoir un désengagement honorable du bourbier irakien.
Ainsi Goraieb qualifie cette nouvelle stratégie « Trop peu, trop tard ; et de surcroît, un plan de rechange baignant dans un épais brouillard stratégique. C’est dire que ce plan B est affligé de la même tare que celui funestement inauguré il y a trois ans : il fait la part belle, si l’on peut dire, à l’action militaire, ne laisse que peu de place à la négociation ; et surtout, il laisse sur leur faim tous les régimes modérés arabes qui réclament à cor et à cri un sérieux effort pour la paix en Palestine, mais n’obtiennent que de pas très rassurantes livraisons de missiles antimissiles Patriot en prévision de quelque cataclysme. »

Dans le même sens, cet article d’Abdallah Iskandar, du titre Al-Hayat, journal saoudien publié à Londres et considéré comme le journal de référence de la diaspora arabe et tribune préférée des intellectuels de gauche ou des libéraux arabes qui veulent s'adresser à un large public. Pour le commentateur la décision de renforcer les troupes américaines est «une stratégie d’échec évident ».

Car selon lui, la stratégie américaine d’envahir l’Irak en 2003 était déjà basée sur un fait inexistant, à savoir les armes de destruction massive. Et quatre ans après, écrit-il « la nouvelle stratégie du président Bush, s’appuie à nouveau sur quelque chose qui n’existe pas, des forces irakiennes qui pourraient adopter un rôle neutre, et servir les intérêts d’une nation unie aux lieux de ceux d’un pays déchiré par les affrontements claniques et sectaires ».

Pour conclure, l’éditorialiste estime que l’administration Bush n’apprend rien des ses erreurs et s’engage inévitablement dans un nouvel échec car, «elle s’obstine à ne pas prendre en considération les caractéristiques et la constitution même de la nation irakienne. Bush a échoué alors qu’il possédait tous les moyens qui auraient pu le mener au succès. Le nouveau plan, n’est rien de moins que l’accumulation de tous les éléments qui ont menés à l’échec original. Quoi qu’il en soit, ce sont les irakiens qui en payent le prix, dont 200 citoyens se font tuer chaque jour. »

Enfin, Abdul Rahman Al-Rashed du quotidien saoudien Asharq Al- Awsat, estime lui aussi que le « plan Bush » est voué à l’échec.
Par ailleurs, pour ce journaliste réputé du monde arabe, les Etats-Unis se trouvent face à un dilemme inextricable. Maintenir une présence au sol ne résoudra probablement pas la crise irakienne et se retirer c’est reconnaître son échec. En retirant ses troupes, l’administration Bush, explique Al-Rashed « ne fera que renforcer le désir d’expansion de tous ses ennemis. L’Iran persistera dans sa volonté d’acquérir l’arme atomique et Al-Qaïda doublera ses activités terroristes en Irak et dans toute la région. Alors que Bush insiste, malgré les recommandations du rapport Baker-Hamilton, d’augmenter les forces en Irak, les conséquences seront inévitables. La victoire est impossible, le nombre de victimes ne baissera pas. Au contraire, il ne récoltera qu’encore plus de critiques et de condamnations internationales. Et finalement il sera obligé de retirer ou de réduire considérablement les troupes américaines en Irak jusqu’au point ou elles seront complètement paralysés »
 
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