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L’Amérique … décadence d’un Empire (article fort intéressant)
s
11 janvier 2007 07:25
L’Amérique … décadence d’un Empire septembre 2002


Mahdi Elmandjra n’hésite pas à appréhender la scène internationale actuelle comme étant un paysage politique partagé entre une puissance dominante que sont les Etats-Unis d’Amérique et un troupeau de dépendants envahis par la peur , dociles pour le moins qu’on puisse dire et que représente le reste du monde .De même, il croit à l’existence de rapports entre une certaine militarisation médiatique contre les islamistes au Maroc et une certaine politique américaine en mal de domination aiguisée par les incidents du 11 septembre : Et, chemin faisant, des révélations non moins inquiétantes,


Assahifa : Un an après les événements du 11 septembre, le monde évolue sur le rythme des précautions sécuritaires dictées par les USA.



Mahdi Elmandjra : Je commencerai d’abord par une remarque à mon sens très significative. C’est que les moyens d’information ont aujourd’hui un effet incontestable sur l’esprit et la pensée du grand public. Vous appelez ce qui était arrivé aux Etats-Unis, les événements du 11 septembre ; Pourquoi ce tapage médiatique ? Ce jour sera-t-il une doctrine ou une religion comme ils entendent l’imposer à l’histoire ? les médias américains ont inculqué le jour du 11 septembre dans l’esprit des gens. Pourquoi ne pas parler avec le même entrain médiatique et la même sensibilité humanitariste, de ce qui s’était passé au Vietnam, en Afghanistan et dans d’autres régions qui ont connu des drames encore plus atroces

C’est une sorte de culte imposé. Il est vrai qu’il y avait eu des victimes innocentes dans ces incidents, et l’on ne peut que dénoncer ce qui est arrivé aux civils qui ont fait les frais de tels événements. Nous sommes contre la violence, de quelque nature qu’elle soit, mais cette infiltration dans la manière de penser, voire même dans le modelage des esprits de sorte que le monde entier tourne autour du 11 septembre 2001, cela ne peut être qu’une forme de néo-impérialisme médiatique.



Assahifa : Il s’agit par la même occasion d’une militarisation américaine de la planète.



Mahdi Elmandjra : Cela fait partie d’un plan prémédité de contrôle et de mainmise sur la planète. Et même s’il n’ y avait pas eu ce qui était arrivé le 11 septembre il y a un an, le plan était fin prêt.

Il n’est plus question de faire usage de l’arsenal militaire mais il est une autre stratégie pour conquérir les esprits, une sorte de néo-colonialisme culturel. Pire encore, c’est une arme qui se trouve mise en jeu, bien plus grave que les bombes nucléaires, c’est la peur. Nous sommes entrés dans l’ère de ce que j’avais appelé dans un récent entretien la « phobiecratie ». La hantise de l’insécurité est devenue pour les dirigeants une manière de gouverner, une façon de présider, comme bon leur semble aux destins des peuples.

Dans les pays catalogués dans le « tiers monde », les « Gouverneurs » gèrent leurs pays suivant l’humeur de la peur, la crainte d’un certain islamiste ou de quelque terroriste ou d’un autre mal qui vient ,du moment qu’il n’est plus un autre moyen plus adéquat à leurs yeux tels la justice, la démocratie, le développement en matière d’économie et de culture, de progrès civilisationnel.

La peur est devenue dés lors un moyen de gestion politique sur le plan national comme sur le plan international, les Etats-Unis nous fournissent à cet effet un modèle d’action politique internationale d’une extrême sensibilité et donc non sans danger à tel point que, lors de la première guerre civilisationnelle, c’était l’époque de l’après–indépendance, après le second choc, nous sommes entrés dans une étape encore pire : c’est l’après fascisme. Cela signifie donc qu’une Surpuissance tels les U. S. A. utilise des moyens fascistes de sorte que la justice et le droit n’ont plus droit de cité. L’exemple le plus éloquent nous vient tout récemment d’ailleurs de Juhansbourg, lors du dernier sommet sur l’environnement, quand un seul Etat impose au reste du monde ce qu’il veut et accepte ce qu’il veut…

Cela est évident car tout était planifié à l’avance. Depuis la guerre du Golfe, je le réitère à nouveau, les Nations Unies ont été tellement apprivoisées qu’elles sont devenues un outil à la disposition du Pentagone et de la Maison Blanche. Ils avaient rendu l’O.N.U malade. Puis est venu,de surcroît, Butrus Ghali qui l’avait mise en détresse. Et voilà aujourd’hui Kofi Anan qui est en train de l’inhumer. Il suffit d’analyser ses interventions. On dirait un porte-parole qui attend des directives et, qui plus est, au moment adéquat.



Assahifa : Faut-il sous-entendre, à partir de là, que ce qui était arrivé le 11 septembre 2001 aurait été préfabriqué de sorte que l’Amérique puisse s’imposer sur le monde dans des circonstances exceptionnelles ?



Mahdi Elmandjra : Je ne peux pas trancher dans cette question. Je suis un chercheur qui ne peut dire le dernier mot que lorsqu’il dispose des informations suffisantes. Et jusqu'à présent, je ne comprends pas ce qui s’est passé le 11 septembre 2001. Nous avons peu de renseignements, du genre que 19 personnes ayant disposé de passeports saoudiens dont l’un aurait suivi des stages d’aviation en Allemagne et l’autre au Canada. Ces données ne peuvent servir de plate-forme pour aboutir à une interprétation réaliste des faits. Voilà pourquoi je dirai qu’on a un plan de domination, de contrôle de la planète de la part des Etats-Unis. Et ce, depuis déjà les années cinquante, depuis que le système américain s’était fait doter d’équipes de recherche scientifique et stratégique et de multinationales…

A cet effet, qu’il y ait eu ce qui est arrivé à New York ou non, le plan tout comme les visées reste les mêmes. Il suffisait juste d’une étincelle. Toutes les conditions étaient réunies. Il est des soupçons même dans la manière dont J. W Bush avait été élu. Pour la première fois dans l’histoire, on parle de scepticisme quant à la légalité de l’élection du président américain dans ces conjonctures particulièrement.

Et puis les prémices d’une conjoncture d’effondrement économique étaient connues et présents de tout leur poids sur les Etats-Unis bien avant ce qui est arrivé le 11 septembre.



Assahifa : Les Etats-Unis ont édifié leur puissance grâce à leur ouverture économique et sociale sur les autres peuples. Ce repli sur soi, que justifient des préoccupations sécuritaires, ne peut-il pas enfreindre cette relance américaine ?



Mahdi Elmandjra : Ce que nous appelons ouverture a toujours été justifié par des intérêts. A ce propos , il faudrait remarquer que les Américains n’ont guère formé plus des deux tiers des médecins qui travaillent dans leurs hôpitaux. Le reste, voire 40 % au moins, y viennent déjà formés dans leurs pays d’origine. Mais ce qui est arrivé actuellement, et ce qui est grave, au-delà des considérations auxquelles vous faites allusion, c’est que le citoyen américain a été introduit dans le tourbillon de la peur, un état des faits que l’administration exploite d’autant plus qu’elle juge la conjoncture politique internationale actuelle favorable... Ce sentiment d’insécurité que l’on connaissait dans les Etats du Tiers-monde pèse actuellement sur les Etats-Unis avec toutes les répercussions que cela suppose.


Assahifa : Quelle serait dans l’avenir, la conséquence d’une telle généralisation de la peur, de la crainte de l’insécurité dans le monde ?



Mahdi Elmandjra : J’avais bien dit que la seconde guerre civilisationnelle en Afghanistan était un prélude à l’effondrement de l’empire qui jusqu’à présent domine le monde.



Assahifa : L’histoire retient qu’après les premiers présages de l’effritement de l’empire britannique, les signes de l’avènement d’une autre puissance internationale étaient déjà manifestes . Suivant cette analyse, y a t-il des signaux qui augurent de l’apparition d’une nouvelle superpuissance ?



Mahdi Elmandjra : Tout porte à croire que les Chinois arrivent et avec eux le sud-est asiatique. L’économie américaine régresse de jour en jour si bien que l’ex-président Bill Clinton avait déclaré à la chaîne américaine C.B.C. en décembre 99 si je ne me trompe : « Nous savons qu’il n’est pas possible que nous demeurions la première puissance économique dans le monde dans dix à quinze ans. La Chine nous devancerait. Nous serions en seconde position ».

C’est une prévision basée sur les signaux du début de décadence. Et ce qui est plus grave, que ce soit chez un individu, un Etat ou chez des peuples, c’est que lorsque l’on pressent le début de sa fin, la subjectivité, le côté émotionnel l’emportent sur le rationalisme dans les prises de décision, pour périlleuses qu’elles soient. Et pour revenir au cas américain, c’est une étape. On apeure les gens. On sème la terreur dans leurs esprits de sorte qu’ils soient maniables. C’est une période de l’histoire dans laquelle nous sommes entrés, la première de son genre puisque les moyens de destruction n’étaient pas comme ils le sont aujourd’hui.





Assahifa : Ne voyez-vous pas dans l’effondrement américain une situation semblable dans le reste du monde du fait qu’aucun Etat dans l’histoire n’a atteint une telle apogée doublée de dominations économique politique et militaire ?



Mahdi Elmandjra : Non, l’effondrement sera essentiellement occidental, c’est à dire de ce qui est appelé culture ou civilisation occidentale. J’ai lu un article, l’un des meilleurs que j’aie rencontré au journal le Monde du 6 juillet 2002, signé Michel SERRE, l’un des grands penseurs de France et d’Europe, et dans lequel il analyse ce qu’il appelle « l’humanisme universel qui vient ». Il prévoit le meilleur après l’effondrement et se demande « Pourquoi pleurer une période aussi courte qui ne dépasse pas les deux mille ans quand on sait que l’âge de l’univers est de dix milliards d’années ? ». Cela veut dire donc que cette vision ethnique égocentrique da la civilisation en Occident est inéluctablement vouée à sa fin.

Et pour revenir à la conjecture de l’effondrement, on sait que les Etats-Unis sont arrivés à leur situation actuelle pas avec le discours mais grâce à la technologie et la recherche scientifique, mais hélas, les chiffres révèlent que 80% du budget de la recherche scientifique sont alloués aux domaines de destruction. En plus, il y a une plate -forme, une disponibilité dans les états du Tiers -monde qui digèrent encore leur période de l’après indépendance. Si je reviens encore une fois au sommet de Juhansbourg, à part trois ou quatre pays, tout le reste enjambait le pas aux Etats-Unis tel un troupeau. Ils se contentent d’aller dans le sillage du même plan, sur le rythme des directives américaines pendant leurs négociations...

Il faut reconnaître qu’il est un facteur interne aux U.S.A, en l’occurrence ce prime intérêt accordé à la science et ses applications. On y trouve les universités les plus en vue dans ce domaine. Et puis les Américains ont mis à disposition les conditions les plus favorables à cet effet de sorte qu’aucun état ne serait à même de les concurrencer dans leurs objectifs. Et c’est cela qui fait qu’il y a eu une sorte de refus du joug américain dans divers domaines. Un tel rejet commence à faire jour et s’agrandira davantage dans les années à venir. Et les Etats-Unis, et avec eux le reste du monde, sont conscients de l’état des faits. Le Japon a sa problématique particulière, par exemple avec les Etats-Unis. Il en est de même pour l’Allemagne et la France. Pour ce qui concerne la Grande Bretagne, il convient de ne pas parler d’un gouvernement qui se plie à l’humeur américaine mais plutôt du peuple anglais qui a manifesté à plus d’un égard son refus de la politique extérieure de son gouvernement.

On assiste donc à un début de scission dans des pays que l’on disait démocratiques entre les gouvernements qui soutiennent les U.S.A. et l’attitude des peuples qui refusent une telle ingérence du matin au soir, laquelle porte préjudice à la souveraineté d’Etats reconnus par la société internationale.

Si c’est bien au pays de l’Oncle Sam qu’a commencé l’ère de la civilisation médiatique, c’est le même Etat qui se trouve cette fois responsable de la révolution des renseignements dont usent à outrance ses services secrets.



Assahifa : Existe-t-il un lien entre ce qui arrive à l’échelon mondial, entre cette militarisation des médias pour un combat de ce qui est appelé terrorisme international, et une certaine campagne médiatique sur le plan national contre des modèles de l’orientation islamiste ?



Mahdi Elmandjra : J’estime que ce sujet n’a pas forcément relation au Maroc uniquement.

Nous voyons ce qui se passe actuellement au Pakistan, en Jordanie, au Soudan. C’est un processus qui est mis en marche depuis bien longtemps. Le terme « islamiste » a été inventé hors du monde islamique aux débuts des années soixante-dix, dans le cadre d’un plan « civilisationnel » pour combattre la religion islamique. Nous sommes entrés donc - avais je dit- dans une nouvelle guerre de croisades. Et nous voyons une grande part des « Gouverneurs » des Etats du Tiers -monde qui y contribuent ou encore qui cherchent des prétextes, ou les créent même dans cette perspective .



Assahifa : Ce climat sécuritaire qui a suivi ce qui s’est passé le 11 septembre et la politique américaine de ratissage de ce qui est appelé les sources du terrorisme, cela a t-il eu son effet sur la politique intérieure d’un Etat du Tiers-monde ? Je cite le cas du Maroc à titre d’exemple. Je pense aux élections législatives du 27 septembre 2002.



Mahdi Elmandjra : La politique sécuritaire américaine a ses répercussions sur le Maroc, cela va de soi . Et si nous pensions à autre chose, nous serions endormis. Je l’avais déjà souligné à maintes occasions. Il faut chercher la source, dans un contexte global ,dans l’effondrement de l’Union Soviétique et avec cet Etat déchu le camp socialiste, à la fin des années quatre vingt et aux débuts des années quatre-vingt-dix. C’est à partir de là qu’avait commencé la nouvelle guerre civilisationnelle. Elle avait commencé avec l’Irak et j’avais dit à l’époque que c’était le premier épisode d’un processus qui a pour objectif la lutte contre les valeurs islamiques et humaines.Cela est évident, il est des raisons islamistes et d’autres non islamistes. Mais je ne crois pas à une propagande terminologique tant qu’il y a une volonté populaire. Il y a un réel mécontentement des peuples vis-à-vis de leurs gouvernements. Et tout événement est à même d’inciter les peuples à imposer leurs volontés, c’est cela qui a fait que les Etats-Unis ont voulu montrer qu’ils disposent de moyens technologiques sophistiqués qu’ils n’avaient pas il y a dix ans, de sorte que la sécurité est devenue dépendante d’un seul organisme, et de ce fait, toutes les institutions américaines à l’étranger œuvrent sur les consignes du dit organisme central de renseignements, lequel organisme détient la première responsabilité au point que le monde est devenu lié à un réseau unique de renseignements. Quant à la relation de la politique sécuritaire américaine à la conjoncture électorale marocaine, c’est pour moi, un cas secondaire…



Asahifa : (Nous l’interrompons) : Y a-t-il ou non une relation ?



Mahdi Elmandjra : Evidemment il y a un rapport. Si vous sortez dans la rue, vous trouvez que tout est lié. Il y a actuellement un plan qui vient sciemment d’en haut distribué à tous les pays, à chaque Etat selon son catalogage, sa référence, les intérêts de son élite…



Asahifa : Les Etats-Unis ont changé en l’espace d’un an. Au lieu d’une puissance sûre de sa suprématie politique, économique et militaire, c’est devenu un Etat très sensible pour tout ce qui concerne sa sécurité intérieure. Cela est-il le signe de l’effondrement d’une grande puissance ? Comment imaginez-vous, dans ce cas, un monde sans les Etats-Unis ?



Mahdi Elmandjra : Le néant n’existe pas. J’ai dit dans, un entretien que j’avais accordé à votre journal après la guerre contre l’Afghanistan, que la confiance des Américains en eux-mêmes, leur assurance s’est trouvée atteinte. L’image que le citoyen américain avait de son pays à été frappée d’une sorte de séisme. Ce ne sont pas seulement les deux buildings siamois qui se sont effondrés mais c’est cette confiance en soi qui a tremblé ; et cela est très grave. Si l’on revient en arrière et qu’on passe en revue les réalisations qu’à édifiées ce pays, on se rend compte que cela revient à la croyance du citoyen américain que son pays est la première grande nation au monde, et qu’il n’est pas une autre puissance qui puisse la concurrencer . C’est cette croyance en la superpuissance comme force civilisatrice qui a tremblé ; et lorsque l’on perd confiance en soi, seul reste le souci, voire la hantise de la sécurité . Il en est de même pour les dictatures du Tiers -monde dans lesquelles tout est fondé non sur la démocratie et les droits de l’homme , mais sur le souci de la sécurité avant toute autre considération. C’est du point de vue psychologique, une situation analogue à celle d’un individu dont la seule préoccupation est la subsistance biologique où il n’est plus capable de se consacrer à d’autres choses. On est, dès lors, en présence d’une problématique psychologique, culturelle et civilisationnelle à la fois. La seule question fondamentale chez le citoyen américain demeure qui il est ? Une telle situation relève de la psychologie, seule discipline habilitée à y trouver des interprétations plus pertinentes.

Il ne reste en Amérique, dans cet état des faits, que les moyens militaires à même d’anéantir la vie sur la biosphère plus de 30 fois au moyen des armes nucléaires. Je rentre d’ailleurs d’Hiroshima où je viens de participer à un colloque à ce sujet. Il ne reste aux U.S.A .que le fouet qu’est pour eux la bombe atomique ou l’utilisation de nouvelles bombes qui pèsent chacune mille kilogrammes d’explosifs, celles-là même qui avaient été utilisées en Afghanistan et qui avaient été livrées aux Israéliens lesquels les avaient expérimentées à Ghazza.

La peur a pour conséquence cette réaction qui consiste à semer la terreur chez l’autre et c’est ce qui arrive actuellement et qui constitue un danger pour l’avenir de l’humanité, pour la civilisation et la culture humaine. La peur est devenue une façon de faire, un mécanisme politique assez récent. C’est une étape, une période de transition qui durerait cinq à dix ans au maximum… laquelle étape aboutira à un changement radical réel dans les relations internationales, ce qui doit donner naissance à une mutation civilisationnelle différente avec des valeurs autres que les valeurs chrétiennes et juives qui dominent actuellement dans le monde entier. Un changement est fort attendu dans les années à venir, non avec les bombes mais par le biais d’une nouvelle élite. El là encore, faut-il le rappeler, s’il n’y avait pas l’élite de mercenaires dans le Tiers- monde qui vont contre la volonté de leurs peuples, les Américains n’auraient pas agi comme ils le font actuellement. Et le début de la fin de ces élites va de pair avec le début de l’effondrement des Etats-Unis car il est un rapport organique entre les élites gouvernantes dans le Tiers -monde et le régime américain actuel sur le base d’échange d’intérêts entre les deux parties étant donné que la raison d’être de ces élites est liée à l’existence des Etats-Unis.



Assahifa : Comment est-il possible d’émettre une telle prévision, en l’occurrence la fin des Etats-Unis en l’espace de dix années alors qu’ils disposent d’armes susceptibles de détruire des dizaines de fois la planète ?



Mahdi Elmandjra : Lorsque vous avez cent bombes nucléaires et que votre émule en a cinquante, le premier mot revient à celui qui osera la première frappe avant la partie adverse. Et, jusqu’à présent, il est une crainte du recours à cette force puisque chaque partie est convaincue que la réaction sera identique et inéluctable. Voilà pourquoi on pense à l’utilisation de bombes semi-destructives comme cela a été le cas en Afghanistan, et comme ce qui arrivera en Irak, si le destin l’a voulu. Mais si on creuse l’analyse, la force militaire a ses limites : lorsque le déséquilibre est flagrant entre les forces militaires et le potentiel économique, politique et culturel, il y a ce risque de défaillance, d’ébranlement dont se trouvent atteints tous les autres secteurs. La puissance militaire a toujours été le produit du niveau d’éducation, de recherche scientifique, culturelle et économique. Qui finance ces activités ? Ce sont les multinationales, lesquelles ont les moyens matériels pour investir dans l’armement pour des raisons déterminées et suivant des considérations propres. Lorsque l’effondrement atteint un domaine, il se propage de façon progressive puisque l’interaction entre les divers secteurs de la production, de quelque nature qu’elle soit, secrète le même résultat.

C’est cela qui laisse penser à l’émergence de la Chine comme puissance militaire internationale et que les Américains prennent sérieusement en compte vu qu’elle a des potentialités grandissantes en plus des facteurs de force économique tels le pétrole , l’énergie. C’est cela qui explique ce remue-ménage américain en Asie Centrale car les Etats-Unis mesurent l’importance du contrôle militaire des sources de base du pétrole. Et là, on déduit les raisons de la pression des Américains sur le Japon… C’est que les U.S.A.savent que cette nation compte, pour faire marcher son économie, sur les 90% de pétrole qui provient du Moyen Orient. Et de ce fait, l’on est convaincu, du côté américain , que l’emprise sur les ressources d’origine du pétrole permettra le contrôle de l’économie des Etats émergeants et autres, y compris les pays européens. Ce sont ainsi des facteurs complexes, qui s’entrecroisent…par conséquent, il n’est pas question de parler de néant ou de vide politique.

Ce sont des choses qui se réaliseront et les gens parleront de la fin d’une hégémonie, un an après l’effondrement prédit. Dieu seul est éternel. Et j’estime que le début de cette fin est bénéfique à plus d’un égard pour l’humanité dans son ensemble, car les potentialités humaines, scientifiques et autres qui s’y trouvent sont énormes et qu’il faille que le monde en profite pourvu qu’elles aient la liberté totale de s’exprimer et de mettre à profit leur produit scientifique de façon directe et non par l’intermédiaire de services de renseignements.



Assahifa : Comment expliquez-vous cet isolement presque total des U.S.A. dans son entreprise de la frappe contre l’Irak, puisque, à l’exception de la Grande Bretagne, tous les pays européens alliés refusent ou émettent des réserves à l’égard de l’agression américaine envisagée.



Mahdi Elmandjra : Dites plutôt dans votre question « à l’exception de Tony Blair » au lieu de « à l’exception de la Grande Bretagne » puisque, un sondage d’opinion, le plus récent en Angleterre a révélé que le peuple britannique s’oppose à toute intervention en Irak. Il y a un consensus en Europe et dans le monde entier excepté le Koweit qui a choisi cette conjoncture particulièrement pour dire son soutien à une frappe américaine contre l’Irak en permettant d’utiliser ses territoires pour des manœuvres communes en vue de l’agression en question. L’Europe et le reste du monde sont conscients du danger de la domination américaine. C’est une situation analogue à celle qu’a vécue l’Europe aux années trente du siècle passé lorsque les débuts des politiques nazies d’Hitler étaient manifestes. Mais il y avait eu néanmoins un compromis pour que l’Allemagne ait commis ce qu’elle avait fait. Nous sommes dans une phase similaire au sein de laquelle il est demandé à tout le monde de se résigner devant l’Amérique et sa politique…

La frappe de l’Irak n’est pas une fin en soi. Dans un article publié au Wall. Street Journal, il a été écrit que l’essentiel n’est pas l’Irak mais aussi le départ vers l’Iran, l’Asie Centrale, la Libye et tous les pays musulmans. Bref, les choses sont claires : Comme je l’avais dit, il y a dix ans de cela, c’est le début d’un plan complexe à seule fin de la domination…

Mais les Européens ont compris que leur relation avec les Etats-Unis est arrivée à un stade qui fait qu’un équilibre s’impose. Ils ont compris de même que le rôle des U.S.A. comme paravent de l’Europe occidentale contre le danger de l’alliance du N.A.T.O n’est plus de mise après l’effondrement de l’U.R.S.S. Tout cela est fini et les choses commencent à s’éclaircir.

Espérons que certains « Gouverneurs », certains régimes du Tiers- monde tirent les leçons de ce qui arrive et en déduisent des choses qu’ils puissent mettre à leur profit pour le bien de leurs peuples, au lieu de courir comme des non-voyants derrière l’Amérique pour préserver leur maintien en tête du pouvoir dans leurs pays. La gestion d’un Etat ne peut être sûre et consistante que lorsqu’elle est issue d’un consensus véritable, d’une réelle démocratie et pas du concept actuel de démocratie… Ils est regrettable que certains Etats que l’on considérait comme démocratiques et modernes sont entrés à leur tour dans le cercle de la peur. Et cette peur est parvenue à atteindre encore certains courants ou ce que l’on appelle communément la société civile, devenue de son côté envahie par cette crainte du « danger qui vient » sur le même rythme américain car on n’est toujours pas arrivé à cette réciprocité, à cette harmonie entre les peuples du Tiers- monde et les élites à cause de l’analphabétisme flagrant et du maintien du colonialisme culturel. Et nous savons bien qui finance ces mouvements culturels au Maroc par exemple. Mais il y a tout de même une nouvelle génération dans ce pays - Dieu merci qui s’est libérée de ces concepts désuets.

Je disais toujours dans le cadre d’une vue futuriste que le pessimisme à courte échéance est un point de départ pour un optimisme à long terme. Et là, je cite à ce propos ce qu’avait dit Gramski : « Nous devons compter sur le rationalisme du pessimisme et l’optimisme de la volonté. Il faut toujours croire au potentiel humain ».



Assahifa : Suivant cette même logique. ne peut-il pas y avoir une sorte d’éveil de l’élite éclairée des Etats-Unis, si l’on considère que l’Etat américain, ce ne sont pas seulement l’administration de Bush et les intérêts qui la sous-tendent, mais des élites de penseurs, d’hommes de lettres et de scientifiques conscients de l’instant civilisationnel et humain, et de ce fait capables d’exercer des pressions pour un changement sur le plan intérieur et extérieur à la fois, dans le cours des choses ?



Mahdi Elmandjra : Une personne comme moi, qui a vécu dix ans en Amérique, y a fait des études de droit et qui doit à ce pays ce qu’elle y a appris - j’étais d’ailleurs le premier étranger à avoir été président de la Jeunesse Démocratique…une personne, comme moi, qui a été très proche des rouages de la société américaine sait bien qu’il est inadmissible que le peuple américain, qui a atteint un tel stade dans les domaines de la culture, de la civilisation, de la science et de la connaissance, il est impensable donc qu’elle reste prisonnière du plan d’une élite laquelle a des intérêts pétroliers ou industriels. Je dis cela parce que j’avais été témoin d’une époque historique dans l’histoire du peuple américain, quand j’avais été étudiant à l’université, du temps de Mac Carty, lorsqu’on avait peur de tout ce qui était communiste pour être jugé comme c’est le cas actuellement avec l’étiquette de terroriste. Mais le peuple américain s’était soulevé et il avait balayé la peur du communisme quand il avait découvert que tout était artificiel. Puis ce fut un nouveau départ, encore plus fort qui avait a été à l’origine d’un modèle nouveau, d’un nouveau genre de démocratie. Ce fut en quelque sorte comme dit l’adage français « Après la pluie, le beau temps… » Il y avait un danger lorsque 80 % du peuple américain était pour la politique d’épuration mac. cartéenne à tel point qu’on eut dit à l’époque que c’était le début du fascisme. Dans chaque pays, il y a un consensus qui dépasse les 55 % autour d’une idée qui fait l’ébauche d’une dictature. Le consensus actuel du peuple américain est justifié par l’effet de ce qui est arrivé à New York le 11 septembre 2001. C’est un effet provisoire et dont l’intensité diminue progressivement. Nous voyons que la popularité de J.W. Bush à chuté. Elle est au dessous des 60%. Et avec le temps, la baisse continue, mais Bush essaie d’exploiter la commémoration de l’événement et de façon exagérée. Et quand il y a un abus comme c’est le cas à l’heure actuelle, cela aboutit à des résultats contraires. Et je souhaiterais bien, comme vous l’aviez soulevé dans votre question, qu’il y ait ce sursaut, ce réveil de l’élite éclairée, car il y a un énorme potentiel intellectuel aux Etats Unis. Les plus fortes critiques de la politique extérieure américaine sont venues d’hommes comme Chomsky, Valentine lequel d’ailleurs est l’auteur d’un excellent texte sur ce qui se passe actuellement…

Néanmoins, il convient de souligner qu’il y a tout de même un certain optimisme, une certaine foi dans l’être humain de façon générale, à l’échelon de la planète et non seulement aux Etats-Unis, qu’il soit en Inde, quelque part en Europe ou ailleurs. Et comme je l’avais toujours dit, la diversité culturelle est essentielle. Et cette variété doit être une plate - forme pour une communication entre les humains pour un dialogue entre les civilisations basé sur la confiance. Si la suspicion et le doute s’emparent des choses, c’est le début de l’effondrement de tout, de la civilisation, de l’économie, des relations humaines comme de l’amour ... Mais il est un pressentiment qui augure du début de la compréhension, d’une entente à venir que justifie l’apparition de lueurs d’espoir pour un avenir meilleur de l’humanité.


Cette traduction française de l’article de ASSAHIFA du 12/09/2002

a paru dans le Journal, Casablanca du 09/11/02

sous le titre Elmandjra fustige l’empire Américain

ASSAHIFA, Hebdomadaire,N° 78 12/18
septembre 2002 (Propos recueillis par Mustapha Hairane)
s
11 janvier 2007 10:46
Merci beaucoup pour cet tres interessant article , Sridina .


Toujours tres justes les analyses de Mr Mahdi Elmandjra .



Nous voyons ce qui se passe actuellement au Pakistan, en Jordanie, au Soudan. C’est un processus qui est mis en marche depuis bien longtemps. Le terme « islamiste » a été inventé hors du monde islamique aux débuts des années soixante-dix, dans le cadre d’un plan « civilisationnel » pour combattre la religion islamique. Nous sommes entrés donc - avais je dit- dans une nouvelle guerre de croisades. Et nous voyons une grande part des « Gouverneurs » des Etats du Tiers -monde qui y contribuent ou encore qui cherchent des prétextes, ou les créent même dans cette perspective .





La frappe de l’Irak n’est pas une fin en soi. Dans un article publié au Wall. Street Journal, il a été écrit que l’essentiel n’est pas l’Irak mais aussi le départ vers l’Iran, l’Asie Centrale, la Libye et tous les pays musulmans. Bref, les choses sont claires : Comme je l’avais dit, il y a dix ans de cela, c’est le début d’un plan complexe à seule fin de la domination…
siryne
s
12 janvier 2007 07:34
ça me fait plaisir syrine, merci à toi aussi pour tes articles pertinents thumbs up(tm)
 
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