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Justice. Le procès posthume de Mandari
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2 février 2007 20:07
Abdellatif El Azizi, TEL Quel n°258




Assassiné en août 2004, Hicham Mandari revient dans l'actualité avec le procès des faux dinars, ouvert le 16 janvier à Paris. Un imbroglio politico-financier qui mène au Tchad et au Bahreïn, mais qui passe aussi par le Maroc.


Grand absent du procès des faux dinars du Bahreïn, Hicham Mandari n'en a pas moins fortement marqué le déroulement de l'audience. Principal accusé , il a été cité à plusieurs reprises dans cette affaire qui porte sur l’équivalent de 350 millions d'euros en faux dinars du Bahreïn.


L'audience de ce 16 janvier n'a pas duré longtemps. Et malgré le calme et la “banalité”, pour reprendre les termes d'un témoin sur place, qui ont caractérisé la première audience, l'affaire risque de prendre un tour médiatico-politique plus important.

Déjà, comme le confirme une source judiciaire française, le président de la 12ème chambre du tribunal, considérant que les crimes de “transport, mise en circulation et détention de signes monétaires contrefaits ou falsifiés” et ceux de “blanchiment de fonds en bande organisée” n'étant pas dissociables, a décidé que l'affaire relevait plutôt de la Cour d'assises. En plus simple, le dossier ne sera pas “divisé” en deux parties bien distinctes, son intérêt et sa portée politiques resteront donc intacts.

Et la tâche des juges n'en sera que plus compliquée. En plus de l'absence forcée de Mandari, il leur faudra composer avec un autre absent de marque : Hassan Fadoul Kittir. Le ressortissant tchadien, ex-conseiller du président Idriss Déby, et l'un des principaux protagonistes du dossier, n'a pu quitter son exil au Togo pour se déplacer en France “pour une question de visa”, selon son avocate, Me Marie-Laure Barré. Etonnant. Ce qui fait dire à cette source diplomatique africaine : “Les interventions du président du tribunal et les demandes du ministère public n'ont pas été suffisantes pour que le Quai d'Orsay donne le feu vert à l'entrée de Fadoul sur le territoire français. Et ceci pour une raison évidente : les intérêts de la France au Tchad sont trop importants pour que le gouvernement français prenne le risque de faire le procès de Idriss Déby par le biais de son ancien bras droit”. Jusque-là, Fadoul avait affirmé à maintes reprises, lors de l'instruction, avoir agi sur ordre du président tchadien (qui souhaitait ainsi financer sa campagne électorale). Visé par un mandat d'arrêt international, le conseiller encombrant s'était pourtant bien rendu en France, en 2000, pour comparaître devant la justice française. Celle-ci l'avait laissé libre de ses mouvements après le versement d'une caution de 15 244 euros.

C'est dire que le procès Mandari risque, par ricochet, de coûter sa tête au président Idriss Déby ! Déjà contesté à l'intérieur de son pays, Déby réfléchirait déjà, si l'on en croit certaines sources, à l'éventualité d'un exil… au Maroc. Question : et Mandari, dans tout cela ?

Mandari, au centre de l'affaire
À l'origine, l'affaire a démarré avec l'interpellation de Hicham Mandari, le 15 août 1999 en Floride, pour son implication dans un gigantesque réseau de falsification de monnaie. Le pot aux roses a été découvert lorsque les autorités monétaires bahreïnies s'étaient aperçues, en juin 1998, de la circulation à grande échelle de faux billets de banque en coupures de 20 dinars au Bahreïn même, et dans bien d'autres pays. Un trafic qui portait sur un montant global de 140 millions de dinars, soit quelque 370 millions de dollars US. Les faux billets, imprimés en Argentine, étaient envoyés dans la capitale tchadienne, avant d'être redistribués dans différentes villes. C'est Mandari qui s'était chargé personnellement de mettre en contact “l'imprimeur” argentin et un Saoudien du nom de Mohamed Ben Saâd Al Ajmi, qui se faisait passer pour le chef de cabinet du directeur de l'Agence monétaire bahreïnie (BMA). Les autorités du Bahreïn diront plus tard que le fameux directeur de cabinet de la BMA n'était qu'un escroc. L'audition par les enquêteurs d'Interpol d'Al Bassam Khalid, le directeur général de l'Agence monétaire du Bahreïn, et d'autres intervenants, va mettre à jour l'ampleur d'une opération dans laquelle Hicham Mandari a tenu un rôle important, comme il l'a lui-même expliqué, plus tard, aux policiers français.

Et ce dernier, de toute évidence, ne pouvait agir seul. Dans son rapport, le commandant Jean-Louis Perrier, officier de police judiciaire agissant dans le cadre de l'exécution d'une commission rogatoire en 1999, confirme ainsi, en plus du rôle de Mandari, que “les moyens logistiques et financiers très importants (mis en œuvre dans ce trafic d'argent) sont totalement incompatibles avec l'action d'un homme seul ou de petits et moyens délinquants”. En outre, Mandari lui-même n'avait jamais hésité à évoquer des commanditaires qui seraient des chefs d'État africains, des ministres et des membres de la famille royale du Bahreïn. Le 27 mai 1998, au lendemain de ce scandale financier, l'émir du Bahreïn avait d'ailleurs été reçu par Jacques Chirac à l'occasion d'une visite officielle en France. On raconte que les deux chefs d'État ont évoqué, à cette occasion, l'affaire des faux dinars.

Un règlement de compte ?
Quel rapport a donc cette affaire aux mille et une ramifications avec l'assassinat de Mandari ? L'identification par les enquêteurs espagnols de l'assassin présumé de Mandari, un certain Hamid Bouhadi, détenu actuellement dans une prison française pour plusieurs tentatives d'homicide, n'a pas apporté d'éclairages supplémentaires sur cette question. “Le mobile du crime serait lié à de vieilles brouilles entre les deux hommes pour des affaires délictueuses. Le présumé assassin avait réussi à tromper la victime et l'attirer à Malaga, lui faisant miroiter une affaire de diamants. Une fois sur place, il l'a abattu”, explique la Guardia Civil dans l'un de ses rapports. Selon une source de la police marocaine, qui a travaillé sur ce dossier, “avec Mandari, tout est possible, d'un règlement de compte entre organisations mafieuses à des implications politiques. L'assassinat de Mandari, malgré l'arrestation de son meurtrier, n'a pas révélé tous ses secrets et il est possible que le mobile du crime soit lié à ce dossier”.

Celui qui se faisait passer pour “le conseiller spécial de Hassan II”, ex-protégé de grosses pointures de l'establishment marocain comme l'ancien patron de la garde royale, Mohamed Médiouri, (ou l'ancien patron de la Sûreté nationale, Hafid Benhachem), avait en effet plusieurs casquettes. “Escroc notoire, barbouze à l'occasion, proxénète de haut vol, Mandari aurait bien pu, à de multiples reprises, être la cible d'un règlement de compte. Mais l'ampleur de l'affaire des faux billets et la position des personnalités impliquées dans ce trafic portent à croire que la solution à l'énigme de son meurtre se trouverait plutôt dans ce dossier”, précise une des vieilles connaissances de Mandari à Rabat. L'issue du procès en cours apportera-t-elle plus de lumière sur le sujet ? Qui vivra…





Énigme. Qui a tué Mandari ?

En novembre 2005, le tribunal de Fuengirola a dressé un mandat d'amener à la justice française contre un certain Hamid Bouhadi. Les enquêteurs français se retrouvent devant un casse-tête : l'homme n'a pas quitté la France et, pourtant, ils n'arrivent pas à retrouver sa trace. En réalité, Bouhadi était incarcéré depuis janvier 2005… sous le faux nom de Hacham Aït Manna, à la prison de La Santé à Paris pour “plusieurs tentatives de meurtre”. L'enquête révélera par la suite que, dans la soirée du 4 août 2004, Bouhadi et Mandari, dotés de faux papiers, ont été filmés par une caméra de surveillance à leur sortie, ensemble, de l'aéroport de Malaga. Quelques heures plus tard, Hicham Mandari est retrouvé mort dans le parking souterrain du complexe résidentiel de Molinos de Viento, à Mijas, une localité entre Malaga et Marbella. Ce qui liait les deux hommes ? En 1997, Mandari aurait “emprunté” la somme de 2,4 millions de dirhams à Bouhadi. Ce dernier exige d'être remboursé. Résultat : Bouhadi reçoit 135 000 dollars et des bijoux qui seront cachés dans son domicile à Sidi Mâarouf à Casablanca. À la fin de l'été 1997, par on ne sait quel hasard, son domicile est perquisitionné par la police, qui découvre que les dollars sont faux et que les bijoux ont été subtilisés par Mandari… au palais royal. La tante de Bouhadi, ainsi que ses deux frères, vont être arrêtés et un mandat d'arrêt sera émis contre Hamid Bouhadi. Dès lors, Bouhadi n'a plus qu'un seul but : se venger de Mandari. Est-il pour autant passé à l'acte ?
 
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