Menu
Connexion Yabiladies Ramadan Radio Forum News
Les jours en enfer de Djamila et Mohammed
22 janvier 2009 12:49
Des milliers de Palestiniens ont perdu leur maison pendant l'offensive israélienne. Itinéraires croisés de deux familles.

Djamila, 42 ans, et Mohammed, 63 ans, figurent parmi les milliers de victimes des Merkaba, les tanks israéliens. Mère de dix enfants, Djamila a perdu sa maison lors de l'opération lancée par l'armée de l'État hébreu contre Jabalya, un faubourg du nord de Gaza. Plantée devant le champ de ruines, elle soupire plus qu'elle ne proteste : «J'étais seule avec des enfants tous mineurs. Nous n'avions rien fait.»Mohammed, un ingénieur en hydrologie, propriétaire d'un appartement bourgeois à Tel Hawa, dans le centre de Gaza, a essuyé de simples tirs mais son immeuble est éventré et sa voiture hors d'usage. «Il n'y a que des civils dans notre résidence. Pourquoi ce châtiment ?», s'interroge-t-il.

Les chars ont pénétré en profondeur dans les quartiers sans se préoccuper des dégâts matériels et des pertes humaines. L'essentiel était d'avancer pour occuper des positions jugées stratégiques. Des bulldozers ont ouvert la voie en arrachant le bitume des routes pour balayer d'éventuelles mines. Puis les tanks sont entrés en action dans des secteurs surpeuplés. «C'était comme un tremblement de terre», raconte Djamila. Jabalya et Tel Hawa ont été dévastés au milieu de la semaine dernière lors du pic de violences de l'offensive terrestre israélienne.

Jusque-là, la guerre était pour Djamila une suite de privations avec, dans le ciel, la menace des raids d'avions F16 et des tirs de missiles d'hélicoptères de combat Apache. «On s'était enfermés dans notre quatre-pièces avec nos provisions. On attendait sans trop savoir à quoi s'en tenir», dit-elle. Mohammed redoutait une attaque mais se sentait en relative sécurité à son domicile. «Les Israéliens ont lancé des tracts par hélicoptère pour nous expliquer qu'ils allaient intervenir contre les combattants du Hamas et pour nous demander de dénoncer les terroristes», se souvient-il.

Paysage de désolation

À Jabalya, les tanks ont longé le cimetière avant de monter vers la maison de Djamila. Un premier tir a touché l'immeuble d'à côté. «Des blocs de béton sont tombés sur notre toit, raconte-t-elle. Nous étions réfugiés dans le salon. J'étais épouvantée. J'ai prononcé la prière des morts. Les enfants étaient recroquevillés les uns contre les autres. On s'enlaçait.» La crainte d'un effondrement du bâtiment a fini par pousser la famille à se réfugier chez des voisins. Un deuxième tir a, peu de temps après, réduit en amas de pierres la maisonnette. Dans le jardinet, les oliviers brûlaient. Les soldats israéliens ont bivouaqué devant les décombres.

À Tel Hawa aussi, les tanks ont longé le cimetière mais en brisant au passage des stèles et en labourant les tombes. Puis ils se sont positionnés sur des terrains vagues où d'ordinaire les jeunes font du sport. Mohammed et sa femme se sont retrouvés nez à nez avec les chars. Sa fille, Ayma, son mari et leur bébé venaient de les rejoindre. Le couple avait déjà changé deux fois d'abri pour s'éloigner de zones dangereuses. «On ne savait pas où aller. On a préféré se regrouper en famille», commente Ayma.

Durant 24 heures, les soldats israéliens ont affronté les militants du Hamas. «Les Israéliens ont tiré à la mitrailleuse lourde dans notre logement. Nous sommes restés parfois accroupis, parfois couchés derrière le mur de la cuisine américaine jusqu'à leur départ», explique Mohammed. Les commandos israéliens avaient pris position sur les toits. Ils ont détruit une école voisine ainsi que le sommet d'un minaret situé dans la partie du quartier tenue par les combattants palestiniens. Mohammed montre l'immeuble d'en face transformé en gruyère. «Les tanks ont tiré dessus sans doute parce que trois professeurs de l'université islamique de Gaza demeuraient ici, mais ils étaient partis depuis longtemps», croit-il savoir.

«Je ne crois plus en personne»

À Jabalya comme à Tel Hawa, les Israéliens ont rebroussé chemin, laissant derrière eux un paysage de désolation. Les hommes du Hamas sont toujours là, kalachnikov en bandoulière. Atterré, Mohammed rêve de quitter la région. «Je suis revenu vivre à Gaza en 1999 après avoir passé ma carrière d'ingénieur à l'étranger. Je ne peux pas m'habituer à toute cette violence et je ne crois plus en personne. Mon unique préoccupation est d'avoir une place sûre pour vivre.»

Installée provisoirement chez des amis, Djamila a appris que son père avait été gravement blessé dans un autre bombardement. Quant à son mari, il vit en Égypte. «Je l'ai eu au téléphone, on a pleuré ensemble», dit-elle. «Je suis revenue ce matin car j'ai l'intention de revenir m'installer ici dans la tente que je vais construire. Car ma maison est mon pays», ajoute-t-elle. Il y a 4 000 maisons détruites, 17 000 endommagées et 40 000 personnes sans abri à Gaza.

Le Figaro 22/01/2009
 
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com
Facebook