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Les jeux interdits.
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22 février 2007 08:47
Deux ans après la fin de l’embargo sur les ventes d’armes appliquées à la Libye, la France envisagerait d'aider la Lybie à reconstituer son armée en lui vendant entre 13 à 18 de ses avions 'Rafale'.


En discussion depuis de longs mois avec le régime de Khadafi, la France tente de concrétiser un accord-cadre militaire qui permettrait à la Libye de moderniser ses armements.

Les termes de cet accord avaient notamment été abordés par la ministre française de la Défense, Michèle Alliot-Marie, lors de sa visite à Tripoli en février 2005, juste après celle effectuée par le président français, Jacques Chirac les 24 et 25 novembre 2004.

Illustrant la volonté commune des deux pays d’entamer une coopération "constructive et dynamique" en matière de sécurité intérieure, la France a décidé de nommer en septembre 2005 un attaché de sécurité intérieure français à Tripoli, chargé de la formation des personnels libyens et de la fourniture de "matériels spécifiques"….

La vente des avions Rafale — un contrat d’une valeur estimée à 3,24 milliards de dollars — entrerait dans ce contexte de coopération/défense renouée entre les deux pays en 2005, après que la Libye a reconnu sa responsabilité dans les attentats de Lockerbie (Écosse) contre un Boeing américain en 1988, et un DC 10 d’Air France en 1989.

Désireuse d’être réintégrée au sein de la communauté internationale, la Libye s’était engagée, en janvier 2004, à adhérer à la Convention pour l’interdiction des armes chimiques et avait également signé, en mars 2004, le protocole additionnel de non-prolifération nucléaire.

Derrière ces gages de bonne volonté donnés à la communauté internationale par le colonel Mouammar Khadafi, se cache une réalité plus sombre qui révèle la pratique de tortures, exécutions et pressions diverses exercées par des Comités Révolutionnaires présents dans tout le pays.

Dans son rapport 2005, Reporters sans Frontières indique par exemple que "la liberté de la presse reste totalement absente en Libye où critiquer le 'frère leader' n’est pas toléré. Le pays détient le triste record de la plus longue incarcération du monde pour un journaliste. En effet, Abdullah Ali al-Sanussi al-Darrat est incarcéré sans inculpation ni procès depuis 1973. Son lieu de détention et son état de santé demeurent inconnus. Le paysage médiatique est atrophié par des années de répression terrible et de soumission au pouvoir. L’autocensure est généralisée et totale. Les reporters étrangers qui se rendent dans le pays — lorsqu’ils parviennent à obtenir des visas délivrés au compte-gouttes — sont étroitement surveillés".

Mais qu'importent les rapports sur les violations des droits de l’homme, l’attrait pour le pétrole libyen, "l’un des meilleurs et des moins chers à produire au monde" selon les spécialistes, reste le plus fort ,comme en témoignent les extraits du rapport sur le 'colloque Libye 2 006' qui s’est tenu au Sénat français.

Selon Nicolas SARKIS, Directeur du Centre arabe d’études pétrolières "[…]Les perspectives ouvertes à l’exploration, la production et l’exploitation de pétrole et de gaz naturel libyens retiennent d’autant plus d’intérêt que la Libye produit un pétrole brut et léger, à faible teneur en soufre. Qui plus est, du fait de sa position géographique, la Libye se trouve en dehors de l’arc de crise du Moyen-Orient".

Des atouts non négligeables pour un pays dont le potentiel pétrolier est gigantesque :

"Les réserves pétrolières prouvées de la Libye sont en effet estimées à 39 milliards de barils, soit 3,4 % du total mondial. Les réserves dites récupérables sont estimées par les autorités libyennes à 100 milliards de barils. […] Des études récentes, menées par des instituts indépendants, tendent à montrer que la Libye constitue l’un des pays qui présentent les probabilités de découvertes les plus importantes. Les sous-sols libyens restent largement sous-explorés. D’ici à 2015, la Libye table sur des investissements de l’ordre de 7 milliards de dollars, consacrés à l’exploration".

Mais attention, car bien que "du fait des sanctions américaines, l’Europe occidentale a représenté, au cours des dernières décennies, le principal marché, captant 1,4 million de barils de pétrole libyen par jour. Depuis fin septembre 2005, cependant, les États-Unis sont à nouveau redevenus un partenaire important de la Libye, le pétrole de ce pays, au rendement très important au raffinage, étant très recherché".

Une dernière précision de la plus haute importance pour la France, laquelle détesterait voir ce marché juteux lui échapper au profit des Américains.
D’où la volonté accrue du gouvernement français à satisfaire aux exigences du gouvernement libyen soucieux de reconquérir une place honorable sans le domaine de l’armement.

Et ce n’est pas 5 infirmières bulgares injustement condamnées à mort qui pourraient se mettre en travers de cet objectif.

Le 19 décembre 2006, la justice libyenne réclame une seconde fois la peine de mort à l’encontre de cinq infirmières bulgares et d’un médecin palestinien, tous accusés d’avoir inoculé le virus du sida à 426 enfants libyens. Le 6 mai 2004, les infirmières avaient déjà été condamnées à mort et le médecin à quatre ans de prison, mais suite à un recours, un nouveau procès avait été ordonné, en vain.

Une bavure apparement sans grande importance pour Elsa Locke, Directeur, Département Séminaires et Événements multisectoriels, UBIFRANCE, convaincue que " l’année 2005 a été celle des retrouvailles entre la Libye et la France" et que l’année 2006 marque quand à elle "la relance du partenariat et de la coopération avec la *Grande Jamahiriya".
"[…] En 2005, la France était le quatrième fournisseur de la Libye, avec une part de marché de 6 %, derrière l’Italie, l’Allemagne et le Japon. […] Les exportations ont doublé sur le premier semestre 2006, atteignant 264 millions d’euros, contre 128,5 millions d’euros à la même période en 2005".

Des chiffres réjouissants bien que les importations de produits libyens "étant constituées à plus de 75 % par du pétrole, le déficit commercial de notre pays se creuse : il a évolué de 821 millions d’euros en 2004 à 1,288 milliard d’euros en 2005".

Un bémol peu inquiétant en réalité, si l’on en croit André Dulait, Sénateur, Président du Groupe interparlementaire France-Libye pour lequel "la signature du contrat prévoyant la fourniture par Airbus de 20 avions pour 2 milliards de dollars" et la participation de 120 entreprises françaises à la dernière Foire internationale de Tripoli représente un signe encourageant et qui symbolise le fait que " la France a la particularité de conduire une vraie politique maghrébine et africaine. Ainsi, tous les pays voisins de la Libye — mis à part le Soudan — entretiennent des relations privilégiées avec nous. Auparavant, d’ailleurs, la Libye ne figurait pas dans cette catégorie, le Tchad et le Niger prenant une place très importante justifiée par une longue tradition d’affinités avec la France".

Des arguments chocs qui ne sauraient se confronter à quelques 'incidents' de parcours libyens sur lesquels les intérêts imposent que l’on ferme les yeux, même s’ils sont particulièrement graves.

Ainsi pour ces migrants, demandeurs d’asile et réfugiés auxquels le gouvernement libyen fait subir de graves violations des droits de l’homme, notamment des passages à tabac, des arrestations arbitraires et des retours forcés, selon un rapport de Human Rights Watch récemment publié.

Dans un autre rapport, Human Rights Watch décrit les graves et nombreux cas de violations des droits de l’homme dont sont victimes les femmes et les jeunes filles détenues pour une durée indéfinie dans des centres de 'réhabilitation sociale'.
Ces lieux, officiellement présentés comme des centres d’accueil destinés aux femmes et jeunes filles 'vulnérables et compromises par leur conduite immorale', sont en fait de véritables prisons dans lesquels sont bafoués les plus élémentaires droits de l’homme.

La proclamation de trois jours de deuil national suite à l’exécution du "prisonnier de guerre Saddam Hussein", la libération, annoncée le 14 janvier dernier, de 60 prisonniers appartenant au 'groupe de combat islamique' et répertoriés par le Département d’état américain comme étant liés à Al Kaïda, et l’obstination manifestée par la Libye à ne pas reconnaître Israël, ne sont que des exemples supplémentaires de la face cachée de ce pays, qui n’a vraisemblablement pas encore abattu toutes ses cartes, mais avec lequel les nations, et la France notamment, ont entamé une sérieuse partie de jeux.

* L’appellation officielle de la Libye est la 'Grande Jamahiriya Arabe Libyenne Populaire et Socialiste'
 
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