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Irak : les causes de la nouvelle flambée de violence
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27 janvier 2010 22:01
La guerre civile larvée entre chiites et sunnites qui a ensanglanté l’Irak après la destruction de la mosquée de Samarra a été gelée par la nouvelle stratégie anti-insurrectionnelle mise en oeuvre par le général Petraeus en 2007, avec le renforcement, ou « surge », du corps expéditionnaire décidé par George Bush en 2007. Les américains avaient alors pris sous leur aile et financé les milices de combattants sunnites, s’en faisant des alliés dans la lutte contre les jihadistes, tout en les protégeant contre les incursions des para-militaires chiites, mettant fin ainsi au cycle des représailles. Depuis quelques mois, dans le cadre de la politique de désengagement américain, la responsabilité de ces milices a été transférée au gouvernement irakien qui devait à terme les intégrer aux forces de sécurité, aujourd’hui dominées par les chiites. Mais ce processus a dérapé. Les miliciens n’ont que rarement été incorporés dans l’appareil de sécurité, les soldes ne sont plus versées et le gouvernement procède à des arrestations de miliciens accusés d’avoir commis des crimes lors de la guerre civile. Ils sont aujourd’hui nombreux à retourner dans la clandestinité et rejoindre la résistance irakienne. Ce sursaut des sunnites semble bien tardif. Marginalisés par leur refus initial de participer au processus politique, affaiblis par le départ des centaines de milliers de déplacés qui sont partis chercher refuge à l’étranger, le sort de la minorité sunnite, privée de la protection américaine, apparaît bien compromis. Pour Obama, ce regain de violence crée une difficulté supplémentaire sur un agenda international déjà chargé, et le calendrier de retrait pourrait être remis en cause.

Par Ali Rifat, Hala Jaber, Sarah Baxter, The Times, 3 mai 2009

L’Irak est menacé par une nouvelle vague de violence confessionnelle depuis que les « Fils de l’Irak », des milices sunnites enrôlées par les États-Unis pour lutter contre Al-Qaida, ont commencé à rejoindre l’insurrection.

Si la flambée de violence se poursuit, cela pourrait affecter la promesse du président Barack Obama de retirer toutes les troupes de combat des villes irakiennes d’ici la fin juin. Il est prévu que les soldats américains aient quitté le pays en 2012.

Un responsable du Conseil Politique de la Résistance Irakienne, qui représente six organisations sunnites, a déclaré que : « la résistance est retournée sur le terrain et intensifie ses attaques contre l’ennemi. Le nombre des tués parmi les forces de la coalition est en augmentation. »

La reprise des attaques menées par ces groupes, conjuguée à une vague d’attentats à la bombe imputés à Al-Qaïda, a ramené la peur dans les villes d’Irak. Plus de 370 civils irakiens et militaires - et 80 pèlerins iraniens - ont perdu la vie en avril, ce qui en fait le mois le plus sanglant depuis septembre 2008. Ce mercredi, cinq attentats à la voiture piégée dans un marché bondé de Sadr City, à Bagdad, ont tué 51 personnes et fait 76 blessés. Trois soldats américains ont été tués jeudi et deux de plus hier, quand un homme armé en uniforme de l’armée irakienne a ouvert le feu près de Mossoul.

Richard Haass, président du US Council on Foreign Relations, qui revient d’une visite en Irak effectuée la semaine dernière, déclare : « il est évident qu’il y a encore de multiples lignes de fracture dans la société. A mon avis, l’Irak et les États-Unis vont devoir ajuster les calendriers et laisser une force résiduelle de dizaines de milliers d’hommes au-delà de 2011. »

Le Conseil de la Résistance a récemment publié un appel enjoignant les Fils de l’Irak à prendre les armes contre les troupes américaines et irakiennes, après que le gouvernement de Nouri al-Maliki ait échoué à les intégrer dans les forces de sécurité nationales.

Beaucoup de combattants ont déserté leurs postes, permettant à des groupes de militants d’occuper l’espace abandonné. Abou Omar, le chef d’une milice du Réveil de l’Irak dans le nord de Bagdad, déclare que plus de 50 de ses 175 combattants ont déserté les rangs.

Le représentant de la résistance irakienne affirme que certaines milices ont perdu encore plus d’hommes. « Près la moitié des membres du Réveil de l’Irak ont démissionné et rejoint la résistance », selon lui.

Les États-Unis versaient une solde à près de 100 000 « Fils de l’Irak » pour s’assurer de leur participation à la politique de « surge », mais a transféré la responsabilité de ces hommes au gouvernement irakien ces derniers mois. Depuis lors, les soldes se sont évaporées. Seuls les 5000 membres du Réveil de l’Irak ont été employés par les forces de sécurité irakiennes.

Ginger Cruz, Inspecteur Général adjoint des USA pour la reconstruction de l’Irak, avait averti que les sunnites déçus pourraient se joindre aux forces d’Al-Qaida ainsi qu’aux autres groupes de résistance.
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27 janvier 2010 22:01
« [La création des ] Fils de l’Irak avait été décisive pour l’Irak. Aujourd’hui, la question devient : que fera le gouvernement irakien avec eux ? » s’interroge M. Cruz. « Dans les États fragiles, il est nécessaire de s’occuper des jeunes chômeurs disposant d’armes et de leur donner quelque chose à faire pour veiller à ce qu’ils ne se tournent pas vers Al-Qaïda ou d’autres groupes. »

L’émergence progressive de M. Maliki, qui est chiite, comme l’homme fort du pays a éloigné certains sunnites et la corruption est pire que jamais, selon M. Cruz.

On observe également la colère montante des sunnites des groupes du Réveil en raison des arrestations de dirigeants, dont Adil al-Mashhadani, à Bagdad, qui avait récemment mis en garde : « Il y a une chance sur deux que les membres du Réveil qui ne sont pas très loyaux à l’Irak ou qui ont besoin de soutenir leurs familles se joignent à Al-Qaïda à nouveau. »

Certains dirigeants locaux sunnites ont quitté leurs fonctions, déçus par le gouvernement. Khalaf Ibrahim a récemment démissionné de son poste de chef du conseil de la ville de Huwaija, près de Kirkouk, dans le nord de l’Irak.

« Nos membres sont devenus des cibles pour Al-Qaïda et les forces de sécurité gouvernementales dans le même temps, » dit-il.

M. Haass, qui avait critiqué la guerre en Irak et servi dans les administrations de George Bush père et George Bush junior, explique que : « certaines personnes se couvrent et se rapprochent des « loyautés alternatives ».

Obama pourrait devenir l’otage des évènements, craint M. Haass. « Cette administration a tellement de sujets sur la table en matière de politique étrangère que la dernière chose dont elle ait besoin est un Irak qui se dégrade. Si elle est amenée à faire un peu plus que ce qu’elle avait prévu, cela pourrait être un bon investissement. »

Le lourd bilan de l’attentat à la bombe à Sadr City la semaine dernière a choqué les habitants qui avaient été témoins de l’amélioration de la sécurité au cours des derniers mois. Aqeel Ali, un ouvrier de 19 ans, raconte comment son frère a été tué par cette bombe :

« J’ai abandonné l’école et j’ai commencé à travailler pour payer ses études. Il avait 10 ans et je voulais qu’il devienne un ingénieur. Je n’oublierai jamais la vue du cadavre de mon frère, couvert de sang et de boue. »

Um Batool, une jeune mère dont le mari est mort, demande le retour de l’armée du Mahdi, une milice chiite, pour protéger la communauté. « Qui va nourrir mes cinq filles ? » se lamente-t-elle.

De nombreux Irakiens estiment que la détérioration de la sécurité pourrait fournir un prétexte pour que les États-Unis prolongent leur présence en Irak.

Le colonel Andrew Bacevich, un historien militaire qui a perdu son fils en Irak, considère que l’augmentation du nombre de victimes menace les plans de retrait d’Obama. Les militaires américains, dont le général Jim Jones, conseiller d’ Obama à la sécurité nationale, veulent que les troupes laissent le pays « dans un état dans lequel ils peuvent prétendre de façon plausible avoir réussi », juge-t-il.

L’Irak a déjà commencé à négocier avec les États-Unis sur des dérogations à la date limite du 30 Juin, selon la presse.

Dans Karrada, un riche quartier de Bagdad, où un kamikaze a tué des dizaines de personnes il y a 10 jours, Esam Omar, un père de deux enfants, déclare : « je crains que la violence soit de retour. La guerre confessionnelle pourrait être la prochaine étape. »

Les forces de sécurité irakiennes ne sont pas encore prêtes à assumer le contrôle, dit-il, alors que les États-Unis sont préoccupés par le coût de la guerre. « Je pense que les forces américaines devront rester ici plus longtemps. Ce sera une honte si les Américains nous laissent sombrer dans la violence sanglante, tout simplement à cause de leur crise économique. »

Sur le web :

Nir Rosen : Enquête sur les milices sunnites
 
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