Interview. "Abdelkrim Khattabi ne se battait pas contre le roi"
Saïd Khattabi (DR)
Le Maroc de Mohammed VI a fait du rapatriement du corps du héros du Rif, enterré en égypte depuis 1963, une question primordiale. La famille de Abdelkrim considère qu'il y a encore du chemin à faire pour récupérer la dépouille symbolique. Saïd Khattabi, son fils, toujours exilé au Caire, s'explique.
Le corps de Abdelkrim Khattabi est enterré au Caire depuis 43 ans. Son rapatriement au Maroc est-il toujours d'actualité ? C'est un détail, pas une question d'une grande importance. Abdelkrim Khattabi est, de toutes les façons, présent dans l'esprit de tous les Marocains. Il fait partie de leur histoire. Je suis convaincu que son corps finira par être rapatrié au Maroc. Mais ce jour n'est pas encore venu, rien n'est décidé pour le moment.
La décision était en l'air depuis le lancement de l'Instance équité et réconciliation, il y a près de deux ans, qu'est-ce qui l'empêche d'être concrétisée aujourd'hui ? La question a effectivement été évoquée avec l'arrivée de l'Instance. Driss Yazami s'est déplacé jusqu'au Caire pour négocier cela. J'ai rencontré le président Driss Benzekri à Rabat pour la même raison. Les représentants de l'IER discutaient du même point : rapatrier le corps de Khattabi. Ce n'est pas suffisant.
C'est la famille Khattabi qui bloque, alors ? Oui et non. Le défunt n'a toujours pas pris sa vraie place au Maroc. On ne peut tout de même pas traiter le cas Abdelkrim Khattabi comme celui d'une victime anonyme des années de plomb ou de la post-indépendance.
Le bruit court que la famille Khattabi souhaite que le roi demande officiellement le rapatriement du corps d'Abdelkrim, qu'en est-il ? C'est une rumeur fondée. C'est effectivement au roi de demander le rapatriement du corps d'Abdelkrim. Disons que la famille estime que la question mérite d'être traitée au plus haut niveau de l'Etat marocain. Nous avons tous constaté des avancées en matière de libertés, de marche vers la démocratie.... Le dossier Khattabi aussi a connu des avancées, il est sur le bon chemin. Maintenant, il faut aller plus loin, et voir ce qu'en pensent des pays comme la France et à un degré moindre l'Espagne (ndlr : les deux pays colonisaient le Maroc au moment de la guerre du Rif), pour lesquels Khattabi a longtemps été un véritable cauchemar. Maintenant, à moi de vous retourner la question : pourquoi rapatrier la tombe de Khattabi au Maroc ?
Pour se réconcilier définitivement avec le Rif… Mais la réconciliation a déjà démarré avec la visite du roi (au Rif) dès son intronisation. Elle doit passer aujourd'hui par le développement humain de cette région, c'est le plus important. C'était cela même la raison des combats menés, dans le temps, par Abdelkrim et ses hommes. Nous savons bien que le retour du corps, même pour le symbole, est un geste extrêmement fort. Ce n'est pas une question que l'on peut traiter à la légère. Mais peut-être que les autorités marocaines ne sont pas prêtes…
Vous prévoyez des manifestations populaires si le corps du héros du Rif revenait, un jour, au Maroc ? Tout à fait. Le dossier Abdelkrim Khattabi et, plus généralement celui du Rif, étaient d'une grande sensibilité au Maroc. C'était il n'y a pas si longtemps. Les choses vont nettement mieux aujourd'hui et il s'agit de rendre à César ce qui lui appartient. Mohammed VI a montré de nouvelles dispositions de la monarchie et des autorités marocaines en général au sujet de Khattabi, c'est un fait positif qu'il convient de souligner.
Certains lient vos hésitations à la répression du Rif, dont le pouvoir marocain s'était rendu responsable après l'indépendance. Qu'en est-il ? Je comprends ceux qui adoptent ce point de vue, mais les faits sont beaucoup plus complexes. N'oubliez pas qu'avant la répression du Rif, et avant même l'exil de Abdelkrim, il y a eu l'utilisation des gaz (contre les populations du Rif) par l'armée d'occupation. Abdelkrim a d'ailleurs lui-même été victime de ces armes et il en a gardé les séquelles jusqu'à la fin.
Tout a-t-il été dit sur Abdelkrim Khattabi, et notamment sur sa période d'exil, ses rapports avec la monarchie ? Tout ? Non. Mais beaucoup de choses ont été dites, y compris du vivant de Abdelkrim. Contrairement à certaines croyances, ce dernier n'avait rien dans l'absolu contre la monarchie. Il n'était pas contre le roi, mais contre la manière dont l'indépendance du pays a fini par être obtenue. Ce n'était pas une vraie indépendance à ses yeux, mais une inter-dépendance avec les anciennes puissances coloniales. Quand Mohammed V, peu avant sa mort, a rendu visite à Abdelkrim au Caire, celui-ci lui a répondu : “Je n'ai rien contre vous, mais je souhaite que mon pays accède réellement à l'indépendance, et cela passe d'abord par l'évacuation des troupes militaires étrangères”. Je rappelle ici que Abdelkrim a passé 16 années en exil (1947- 1963). La France, durant cette période, a tenté de négocier son retour au Maroc, mais il a toujours refusé parce que son objectif était d'imposer des rapports égalitaires entre le Maroc et les puissances étrangères, pas un rapport dominant-dominé.
Les historiens retiennent aussi la rencontre, toujours en exil, entre Hassan II et Abdekrim Khattabi, de quoi a-t-elle été faite ? C'était une rencontre très normale, Hassan II avait effectué une visite de courtoisie à Abdelkrim, sans plus.
Avec le recul, qu'est-ce qui a réellement perdu Abdelkrim, au moment de son exil : la France ? L'Espagne ? Le Palais ? Incontestablement, les puissantes colonisatrices. C'est, je le répète, contre elles qu'il menait son véritable combat, pas contre le Palais.
Rif. En attendant la réconciliation
La petite famille de Abdelkrim Khattabi se compose de 11 enfants, six garçons et cinq filles. Deux des filles Khattabi vivent aujourd'hui au Maroc, tandis que le reste de la famille dont le chef est Saïd Khattabi, 70 ans, vit en Egypte. Omar Khattabi, cousin d'Abdelkrim, vit pour sa part à Kénitra où il dirige une clinique privée. Longtemps ignoré, voire combattu par le pouvoir, l'héritage culturel, historique et politique de l'immense patrimoine d'Abdelkrim est aujourd'hui géré par les survivants de la famille Khattabi, en collaboration avec deux associations dédiées au célèbre héros du Rif et qui devraient, selon toute vraisemblance, fusionner. En plus de l'héritage d'Abdelkrim, la véritable cause qui mobilise tout ce monde est la réécriture véritable des pages de l'histoire, notamment celle de la guerre du Rif qui a vu, entre 1921 et 1926, l'armée espagnole, ensuite française, utiliser l'arme chimique. “Il ne faut pas oublier, souligne le chercheur Mimoun Charqi qui connaît bien le dossier, que c'est en 1924 qu'une première mondiale a eu lieu : celle de l'intervention de l'aviation pour l'utilisation de l'arme chimique”. C'était au Rif, du temps d'Abdelkrim, justement.
on parle beaucoup de la révolte du rif, et de abdkrim khattabi, mais on oublie que la révolte qui au Maroc a donné le plus de fil a retordre aux francais fut la révolte des beni warrain dans la tache zenete de TAZA. cette révolte était commandé par Sidi Rahou.
le fils d abdelkrim a raison on ne doit absolument pas traiter abdelkrim comme une victime des années de plombs car la majorité des victimes revaient et l appliquation de leurs reves au maroc aurrait pu transformer le maroc en cauchemard d autand plusque les idées qu ils voulaient appliqué venait de l exterieure. pour abdelkrim son combat venait du fin fond de l histoire marocaine et avait l esprit marocain .ce meme esprit qui a fait que le maroc est tjs eté independant dans son histoire.et c est ce qui a fait qu il fut coloniser en dernier bien qu il soit le plus proche geographiquement des pays colonisateurs.
c est pour cette raison il doit avoir sa place a part dans la memoire marocaine et le rapatriement de son corps doit etre grandiose.
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