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La guerre en Irak et George Bush pris pour cible au Canada
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18 septembre 2006 00:45
Le Monde, France


Au premier jour du Festival de Toronto, le 8 septembre, Piers Handling, son directeur, était un peu ennuyé. Un article du New York Times estimait que sa manifestation "avait été presque envahie par des films qui s'opposent au président Bush ou à la guerre qui se prolonge en Irak". Handling préférait voir dans cette accumulation de films un simple "reflet de notre temps".



Une semaine plus tard, le constat du New York Times mérite d'être nuancé en quantité (sur les 261 longs métrages, une dizaine à peine répondaient à cette description) mais sûrement pas quant à la virulence de ces films : la plupart trouveraient facilement leur place aux côtés du Fahrenheit 9/11 de Michael Moore.

D.O.A.P. (Death of a President, la mort d'un président) était très attendu. Ce faux documentaire britannique de Gabriel Range imagine l'assassinat de George Bush, à l'automne 2007, devant un grand hôtel de Chicago. A l'aide de quelques tours de passe-passe numériques (on voit le président Dick Cheney prononcer l'éloge funèbre de son prédécesseur), le film déroule avec un sérieux imperturbable une sorte de programme terrorisant : la chasse aux Arabes et aux musulmans, le vote d'un nouveau Patriot Act, la découverte que la vérité de l'assassinat était ailleurs. Le film a attiré les professionnels et a été acheté pour les Etats-Unis par Newmarket, société de distribution dont le dernier succès fut La Passion du Christ de Mel Gibson.

On a pu découvrir aussi une fiction sur un assassinat vieux de trente-huit ans, celui de Robert Kennedy. Réalisé par Emilio Estevez (acteur, fils du comédien et militant démocrate Martin Sheen), Bobby est à la fois un remake de Grand Hotel (il suit la journée des hôtes et du personnel de l'Ambassador, établissement de Los Angeles où le sénateur trouva la mort) et un rappel de la permanence des troubles de la démocratie américaine : les allusions à l'actualité sont claires (parfois trop), mais le film suit son cours fictif avec un bonheur certain. C'est l'un des premiers à avoir été produit par la Weinstein Company, la société fondée par Harvey et Bob Weinstein, après qu'ils eurent abandonné la direction de leur studio Miramax à Disney.

Sur le front du documentaire, The Prisoner or : How I Planned to Kill Tony Blair (le prisonnier, ou comment j'ai projeté l'assassinat de Tony Blair), de Michael Tucker et Petra Epperlein, vient aussi de Grande-Bretagne. En 2003, réalisant leur précédent film, Gunner Palace, qui suivait une unité de l'armée américaine en Irak, les deux cinéastes avaient assisté à l'arrestation d'un homme qui assurait être journaliste. Tucker et Epperlein ont retrouvé Yunis Khatayer Abbas, effectivement journaliste, et ancien prisonnier des geôles de Saddam Hussein. Il a pourtant été détenu plusieurs mois, entre autres à Abou Ghraib, avant d'être libéré sur ces simples mots : "We're sorry." Le film est construit autour du témoignage, en un anglais sommaire, du principal intéressé. S'y ajoutent des films de famille, des extraits de Gunner Palace et de documents télévisés et, pour reconstituer ce qui n'a bien sûr jamais été filmé - la détention -, des séquences dessinées.


L'ÉPOPÉE DES DIXIE CHICKS


C'est finalement la conjonction d'une cinéaste new-yorkaise de gauche, Barbara Kopple, et d'un groupe de country sudiste, les Dixie Chicks, qui s'avère la plus convaincante. Shut up and Sing (ferme-la et chante) raconte l'histoire du trio féminin dans les mois et les années qui suivirent leur concert londonien du 10 mars 2003. Ce soir-là, à la veille de l'entrée des troupes américaines en Irak, alors que des centaines de milliers de Londoniens venaient de manifester contre la guerre, la chanteuse Natalie Maines a glissé entre deux chansons : "Je veux que vous sachiez que nous sommes contre la violence et pour la paix, et que nous avons honte que George W. Bush soit texan." De retour chez elles, pour une tournée, les Dixie Chicks (qui avaient jusqu'alors dominé la scène country, vendant plus de 20 millions d'albums) se sont trouvées en butte au boycott des stations de radio country et à une campagne d'autodafé organisé par le site Internet Free Republic.

Ces tribulations ont fait d'elles des figures de l'opposition à la guerre et à la présidence Bush. Il était logique que la réalisatrice Barbara Kopple, auteur de Harlan County, USA (1976), chronique d'une grève de mineurs dans les Appalaches, prenne contact avec le groupe et tire, en collaboration avec Cecilia Peck, une épopée familiale de ces mésaventures.

C'est encore la Weinstein Company qui va distribuer le film. Sa sortie est prévue fin octobre, juste avant les élections de mi-mandat lors desquelles les démocrates espèrent ravir le contrôle du Congrès, et peut-être du Sénat, aux républicains. "C'est une décision délibérée de la part des Weinstein, dit Barbara Kopple, avec laquelle je suis en accord." En 2004, l'irruption de Michael Moore (produit par les mêmes frères) dans la campagne n'avait pas suffi à défaire les républicains. Mais à voir les films présentés à Toronto, ce précédent n'a pas diminué la foi de nombre de cinéastes dans le pouvoir de conviction du cinéma.



Thomas Sotinel
 
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