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Fuir les sbires du régime de Damas
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19 mai 2011 11:53
Fuir les sbires du régime de Damas

Le flot de réfugiés syriens vers le nord du Liban ne cesse d'enfler. Ils racontent l'horreur de la répression dans leur pays et leur fuite. Un reportage du quotidien beyrouthin L'Orient-Le Jour.
Debaybiyé, à 20 kilomètres de Tripoli [ville du nord du Liban] et à 15 kilomètres de Wadi Khaled, est séparée du village de Halate, en Syrie, par le Nahr el-Kebir [un fleuve de faible débit qui marque la frontière syro-libanaise]. La localité libanaise compte 250 habitants. Ghada porte une robe et un foulard bleu gitane. Elle a cinq enfants et une maison constituée de quatre chambres, d'un salon, d'une cuisine et d'une salle de bains. Elle reçoit chez elle une vingtaine de personnes venues le 16 mai de Halate. Elle ne les connaît pas, mais son mari a suggéré d'accueillir ces réfugiés car « les voisins doivent s'entraider », dit-elle, assise à sa terrasse avec des femmes, des hommes et une dizaine d'enfants qui ne dépassent pas les trois ans. Ici, comme à Wadi Khaled et dans d'autres villages qui accueillent des réfugiés syriens, on parle de l'horreur vécue, depuis plusieurs semaines, de l'autre côté de la frontière.

« Lundi, les soldats allaient bombarder le village. Nous n'avions plus le choix : nous devions partir », raconte Roukaya, une jeune mère de quatre enfants qui tient un nourrisson de 9 mois dans les bras. « J'avais rangé quelques affaires mais je les ai égarées en franchissant le fleuve. Les soldats syriens nous ont donné dix minutes pour passer la frontière. J'ai eu peur. Il y a eu des coups de feu. Les habitants de Debaybiyé sont accourus, nous aidant à porter les enfants », dit-elle.


On parle d'une jeune fille qui est tombée dans l'eau et qui s'est brisée les poignets, d'une femme enceinte qui a été directement transportée à l'hôpital après avoir franchi la frontière pour accoucher au Liban, d'enfants que l'on a égarés et de parents que l'on a laissés en Syrie parce qu'ils sont trop fatigués pour bouger. On raconte des histoires plus légères, celles de baluchons qu'on a posés au bord du fleuve pour passer la frontière et de chaussures qu'on a perdues en se jetant à l'eau. Roukaya, comme beaucoup d'autres femmes présentes à la terrasse – qui semble trop étroite tant elle abrite de monde –, met pour la première fois les pieds au Liban.


Khaldié, elle aussi, tient un nourrisson dans les bras. Le bébé tout brun a l'air chétif. « Notre quartier a été encerclé, nous ne pouvions plus sortir, nous n'avions plus de pain. Et de plus, j'ai eu horriblement peur. Je ne peux plus allaiter ma fille de quatre mois, je n'ai plus de lait. Je m'arrange pour lui donner du yaourt », raconte-t-elle tristement. Haytham, le mari de Roukaya, se demande comment il passera les jours à venir et de quelle manière il pourra subvenir aux besoins de sa famille. Il n'est pas le seul homme ayant fui la Syrie. A croire qu'il ne verra plus de sitôt son village. « Les soldats nous ont vus traverser la frontière. Ils nous connaissent. Si nous rentrons, ils nous tueront ou nous emprisonneront », dit-il.
Ahmad Moustapha, le beau-frère de Ghada, explique que les 400 familles arrivées lundi de Halate à Debaybiyé ont été réparties dans sept villages de la région (qui est proche de Menjez, dans l'Akkar). Certaines municipalités ont même ouvert quelques salles de classe, leur assurant ainsi un logement temporaire. Plus loin également, dans la région de Wadi Khaled, les réfugiés ont été répartis dans plusieurs villages de la zone. Et depuis le 17 mai, le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies (UNHCR) est présent sur le terrain. Il aide le gouvernement libanais à faire face au flot de réfugiés. « Le recensement des personnes ayant quitté la Syrie est en cours. Il se fait conjointement avec les municipalités et la société civile. Nous travaillons en coopération avec le ministère des Affaires sociales et le Haut Comité de secours », souligne la responsable presse de l'UNHCR, Dana Sleimane, qui ajoute que « dans deux villages de Wadi Khaled des matelas, des couvertures et des kits alimentaires ont été distribués ».
Le village de Boukaya, à Wadi Khaled, accueille des habitants de Tall Kalakh. Ici on parle du drame vécu à l'intérieur de la ville syrienne, qui compte 35 000 habitants, exclusivement sunnites, et qui est entourée de villages alaouites. On évoque les arrestations arbitraires, la torture en prison, les cadavres que l'on n'arrive pas à dégager des rues, les charniers, les tireurs embusqués et les familles bloquées depuis des semaines à la maison. Beaucoup d'hommes et de femmes qui ont pris la fuite sont horriblement tristes, comme s'ils portaient le deuil de leur pays.

A la terrasse d'une maison, Tamar, 22 ans, et Hadi, 23 ans, deux réfugiés de Tall Kalakh, prennent le thé.
 
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