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[Fiction] Le PJD au pouvoir !
10 septembre 2012 13:42
article publié le 31/06/10 quelques mois avant que ARB ne s'en aille chez l'Oncle Sam.

Citation
a écrit:
En [fin] 2010, trois mois après la fermeture de Nichane, Ahmed Réda Benchemsi annonce, dans une édition de son magazine Telquel, sa démission du poste de directeur et éditorialiste de ce magazine. Il occupe depuis un poste de chercheur à l'université Stanford aux États-Unis. WIKI
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ARTICLE: Mohammed VI, 20 ans de règne || Scénario et rédaction, ARB; TELQUEL n°435-36


Que se passera-t-il pendant les 10 prochaines années ? [...]? Pour tenter de répondre à ces questions, TelQuel se lance dans un exercice inédit au Maroc : le journalisme d’anticipation.

Le 13 janvier 2017, la colère populaire explose suite aux mesures de rigueur drastiques imposées par le FMI. 3 jours d’émeutes sanglantes. Bilan : 500 morts.

Et soudain, les émeutes ! Sur le plan macro-économique, le gouvernement louait les “performances positives” en vertu d’un chiffre, un seul : 4,5%, la moyenne de croissance du PIB depuis 2010. Les économistes, eux, n’étaient pas dupes. Ce chiffre, pas si flatteur vu celui de nos concurrents tunisiens, jordaniens ou turcs, cachait des disparités impressionnantes : de -1% (2011), à 6% (2014) ! La différence ? Cette bonne vieille pluviométrie, toujours aussi déterminante pour l’économie marocaine… En réalité, le royaume continuait à reculer dans tous les classements internationaux (notamment ceux de la compétitivité), et ses indicateurs économiques se dégradaient à vitesse grand V. Chômage en hausse (notamment après l’éclatement de la bulle immobilière en 2015, et les faillites en série d’entreprises de BTP), baisse des transferts des Marocains à l’étranger, balance commerciale gravement déficitaire, réserves de devises à un niveau dramatiquement bas…

La colère populaire a enflé, sourdement, pendant 3 mois. Puis elle a brutalement explosé, un vendredi à la sortie des mosquées. Le 13 janvier 2017 les centres-villes de Casablanca, Tanger, Marrakech, Sefrou et Safi étaient mis à sac, brûlés par des foules enragées. L’émeute, sauvage, a duré 3 jours et 3 nuits. On n’avait plus vu une telle fureur depuis 1981. La police a du tirer dans la foule. Bilan officiel de ce cauchemar : 500 morts, un chiffre largement majoré par l’AMDH et les observateurs étrangers. Seule l’armée a pu ramener le calme, et ça lui a pris une Journée. Image traumatisante entre toutes, à Casablanca : ces chars qui remontaient de l’avenue Al Massira tandis que les émeutiers, grouillant sur les escaliers entre les deux tours du Twin Center, leur envoyaient une pluie de cocktails Molotov…

14 janvier 2017. Émeute au pied du Twin Center à Casablanca. Le lendemain, l’armée interviendra. Du haut des escaliers entre les 2 tours, des émeutiers lanceront des cocktails molotov sur les chars.

Sauve qui peut !

Reconnaissons-le : l’ami du roi a tout fait pour se rétablir. Un mois après les émeutes, il a spectaculairement… démissionné du gouvernement ! Le même jour, le roi nommait à sa place Saâd Hassar, ministre délégué à l’Intérieur depuis 2012 (et secrétaire d’Etat avant). Le gouvernement s’est reformé sans trop de mal. Quelques ministres PAM sortis (mais pas tous), il suffisait des les remplacer par quelques istiqlaliens supplémentaires plus un UC, pour que cela soit arithmétiquement compatible avec le résultat des législatives 2012. De toute façon, tous ces petits calculs n’avaient plus de sens depuis longtemps… Mais la vraie difficulté est venue d’El Himma. Revenu à l’opposition, l’ex-pilier du gouvernement a multiplié les attaques frontales contre le gouvernement Mezouar – à ses yeux seul responsable des émeutes, comme de tous les maux du Maroc. Comme si le PAM n’avait pas été la colonne vertébrale de ce même gouvernement pendant plus de 4 ans… “Justement non, car l’action du PAM était bloquée par le RNI”, jurait El Himma, avec un souverain dédain pour ceux qui l’accusaient de mauvaise foi. Et de promettre : “Cette fois, nous allons prendre nos responsabilités !” Traduisez : “Le prochain Premier ministre, ce sera moi, et vous allez voir ce que vous allez voir…” Tout cela, bien sûr, n’était que pour la consommation médiatique. Emeutes ou pas, situation économique catastrophique ou pas, le plus important pour El Himma était de gagner à nouveau les élections en 2017. Les notables étaient fidèles au poste, toujours prêts à offrir leurs fiefs à Si Fouad, pourvu qu’ils rempilent au parlement. Le problème, c’est que leur influence avait considérablement décru depuis 2012. A cause d’un phénomène appelé PSL…

Le facteur Yassine

Telle était donc la revue des troupes en cet été 2017, à la veille des élections législatives. D’un côté, des partis gouvernementaux terrassés par l’effet des émeutes, encore fraîches dans les mémoires. D’un autre côté, un Fouad Ali El Himma qui démolissait consciencieusement ses alliés d’hier, dans le fol espoir de se refaire une virginité politique à l’arraché (aux yeux des votants, en tout cas – pour les élites, il était évident que tant qu’il restait l’ami du roi, il était incontournable). D’un autre côté, encore, ces jeunes candidats PSL, d’autant plus inquiétants pour leurs adversaires (les notables locaux) qu’ils refusaient de répondre aux provocations, voire même de faire campagne… Et enfin, pour finir le tableau, des islamistes résolus à jouer leur va-tout, convaincus de ne plus rien avoir à perdre.

En juillet 2016, soit un an avant les élections législatives, Benkirane, réélu par un parti qui faisait bloc dans l’adversité, a fini par céder à la base. Dopé, début 2017, par la démission post-émeutes de son ennemi juré El Himma, le PJD a adopté une ligne hyper-agressive. Symbole, son slogan de campagne choc : Allahoumma inna hada mounkar ! - une formule lancée par Attajdid quand les premiers responsables du parti avaient été emprisonnés. Si Mohammed VI était nommément épargné, la responsabilité des émeutes était imputée, non au gouvernement, mais au “Makhzen”. Et ce, dans des haut-parleurs, devant des foules de barbus qui lançaient des Allahou Akbar comme pour annoncer l’apocalypse ! Pour toutes ces raisons, personne n’aurait parié un dirham sur le parti islamiste. Dans les salons de Rabat, on disait que le Palais, pour ne pas compromettre les élections, laissait le PJD mener sa campagne. Puis quand le scrutin serait terminé, viendrait alors le moment d’en finir officiellement avec lui…

La mort du guide d’Al Adl Wal Ihsane at-elle fait basculer le scrutin en faveur du PJD ? Ou s’agissait-il, plus globalement, d’un vote sanction après les émeutes ? Trois ans plus tard, les politologues ne sont toujours pas d’accord. Une chose est sûre : vendredi 8 septembre 2017, la prophétie de Yassine s’est en quelque sorte réalisée. Pour la première fois de l’histoire du Maroc, les islamistes remportaient les élections ! Les chiffres sont encore dans toutes les mémoires : PJD 1er avec 23% des sièges (52% en milieu urbain !!), PSL 2ème, avec 22%. Suivaient, avec 11% des sièges en moyenne : l’Istiqlal, le MP, le PAM et le RNI. L’UC complétait la marche avec 7%, suivi de divers micro-partis aux scores insignifiants (dont l’USFP, désormais une coquille vide où Driss Lachgar se retrouvait quasiment tout seul).

2017 : le PJD au pouvoir ! Pourquoi Mohammed VI a-t-il nommé Abdelilah Benkirane Premier ministre, le 15 septembre 2017 ? La fameuse méthodologie démocratique ? La crainte de nouvelles émeutes, cette fois à dominante islamiste ? Un peu des deux ? Toujours est-il que Benkirane, qui semblait le premier surpris de sa victoire… a été encore plus surpris de voir les leaders de l’Istiqlal, du MP et de l’UC accepter de bonne grâce de former avec lui un gouvernement de coalition. Consigne discrète du Palais royal ? Ça n’a jamais été prouvé.

Choc électrique

Aujourd’hui, près de 2 ans plus tard, nous sommes en mesure d’apporter une réponse à l’énigme qu’a constituée ce discours royal historique. Le déclic, c’étaient les émeutes de 2017 et leurs 500 morts. L’élite du royaume avait vécu cet évènement comme on reçoit un choc électrique. Comme si, après 18 longues années d’illusion, alimentées par des dizaines de grands chantiers et des milliers d’inaugurations… tout le monde, tout à coup, ouvrait les yeux. À commencer par le roi. Dès le début des émeutes, Mohammed VI a compris qu’il fallait changer de cap, d’urgence, opérer un virage à 180 degrés si nécessaire. Le Maroc avait besoin de réformes profondes, systémiques, très vite. C’est dans cet objectif que le roi avait instauré l’AIPOC et l’avait dotée, contrairement à tous les “conseils” qui l’avaient précédée, d’une réelle indépendance. Un an plus tard, les membres de l’AIPOC, sans doute les économistes les plus brillants du Maroc, présentaient au roi leurs conclusions, sous forme d’un “Livre Blanc de la Gouvernance”. Un programme de réformes courageuses, mais difficiles car souvent impopulaires.

Le 22 janvier, Mohammed VI nommait le PSL Hicham Ben Barka Premier ministre. Jusque là peu connu du grand public, ce businessman de 55 ans (et lointain cousin de l’illustre Mehdi) avait vécu la majeure partie de sa vie aux Etats-Unis. Discret autant qu’érudit, il avait fait fortune en Californie dans les “technologies vertes”, sans jamais perdre de vue son pays d’origine. Milliardaire en dollars, il avait décidé en 2015 de rentrer au Maroc et de réinvestir la quasi-intégralité de sa fortune dans les projets sociaux du PSL. Il devenait ainsi le plus gros financier du parti, mais sans afficher d’ambition particulière pour autant. Pourquoi Mohammed VI a-t-il nommé Premier ministre ce discret mécène, et pas un des nombreux “jeunes Turcs” du PSL ? On l’apprendra peu après : ce sont ces mêmes “jeunes Turcs” qui ont suggéré Ben Barka au roi. Leur message : “Ce n’est pas le pouvoir en tant que tel qui nous intéresse. Nous voulons d’abord établir un climat de confiance, puis commencer, enfin, à parler réforme constitutionnelle”. Autrement dit : notre objectif déclaré, Majesté, est de réduire votre pouvoir au profit de celui du gouvernement que nous allons former. Quelques années plus tôt, une telle audace aurait valu à ses auteurs d’être jetés hors du palais royal avec un coup de pied dans le derrière. Mais beaucoup de choses avaient changé, depuis. Les émeutes, l’AICOP, le Livre Blanc… et surtout la décision royale de changer le mode de scrutin pour favoriser un gouvernement fort. Quelque chose d’historique était dans l’air. Contrairement
à l’USFP de 1999, le PSL de 2019 a su saisir sa chance et forcer le destin.

3 jours d’émeutes sanglantes. Les centres-villes de Casablanca, Tanger, Marrakech, Sefrou et Safi sont incendiés par des émeutiers en furie. La police tire. Bilan officiel : 500 morts.

A partir de 2012, le Maroc s’est lentement enfoncé dans le marasme et l’Etat, dans l’autisme. Puis en 2017, des émeutes sanglantes ont réveillé tout le monde. C’est alors, qu’enfin, les réformes sérieuses ont commencé…

El Himma démissionne du ministère de l’Intérieur. Il impute la responsabilité des émeutes au gouvernement Mezouar, et accuse le RNI d’avoir “bloqué le travail du PAM”.

Le choc des émeutes Venus de Washington, les experts du Fonds monétaire international ont exigé que le royaume s’impose une sévère politique d’austérité, à la grecque. Il fallait dégraisser massivement l’administration, arrêter immédiatement la quasi-totalité des chantiers publics, évaluer brutalement le dirham, alléger drastiquement les dépenses de compensation. Entendant le mot “compensation”, Mezouar s’est immédiatement braqué : pas question de toucher aux prix de la farine et de l’huile ! On savait où ces choses-là menaient… Le FMI n’a pas insisté. De toute façon, les subventions aux denrées alimentaires ne représentaient qu’une petite partie des affectations de la Caisse de compensation.

C’est ce dernier détail qui a fait sauter la marmite. Ce que Salaheddine Mezouar macropensait naïvement éviter, en préservant le prix des denrées alimentaires… s’est finalement produit. Vendredi 13 janvier 2017, l’émeute a démarré à la sortie des mosquées, après la prière du dhor. Simultanément, Casablanca, Marrakech, Tanger, Safi et Sefrou s’embrasaient. Une insurrection populaire sanglante, des centresvilles pris d’assaut, des centaines d’agences bancaires et de crédit (et même quelques mairies et wilayas) incendiées et/ou mises à sac… Très vite débordées, les forces de l’ordre n’ont pu éviter de tirer sur la foule. Bilan officiel de ces 3 jours d’émeutes : 500 morts ! Même si ce chiffre
a été largement majoré par plusieurs observateurs indépendants, il était suffisant pour que le traumatisme soit national.

Suites aux émeutes de 2017, Mohammed VI a convoqué tous les décideurs économiques du pays… et leur a passé un savon !

Une campagne sans économie

Tout cela aurait dû, normalement, passionner l’opinion publique et faire les gros titres de la presse. Sauf que nous étions à la mi-2017 et qu’un autre évènement, plus passionnant encore, se profilait : les élections législatives de septembre. Tous les partis politiques étaient déjà en ordre de bataille. Littéralement. Les émeutes de janvier étaient encore dans tous les esprits, et les partis faisaient assaut de populisme et de démagogie pour séduire tous ceux que la crise économique avait laissés sur le carreau. Les islamistes du PJD, ayant perdu toute prudence, éructaient contre “le Makhzen” qui avait mené le pays à la faillite, et pilonnaient le gouvernement Mezouar. Le PAM d’El Himma pilonnait Mezouar aussi, mais pour une autre raison : faire oublier qu’il avait été le pilier de son gouvernement pendant cette longue descente aux enfers, qui s’était terminée dans un bain de sang. Seul le Parti socio-libéral (PSL), un nouveau venu dans le champ partisan, gardait son calme et menait une campagne électorale discrète, quasi invisible, dans le monde rural et les quartiers défavorisés.















N.B.: 13/01/17 tombe un vendredi, j ai verifie
"Préparez le chemin du Seigneur, Aplanissez ses sentiers."
10 septembre 2012 14:55
09-06-2012 Interview with Ahmed Benchemsi about Morocco reforms [www.dailymotion.com]
"Préparez le chemin du Seigneur, Aplanissez ses sentiers."
 
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