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Fête de la bière... en Palestine
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6 octobre 2009 15:21
Nadim Khoury, c'est tout à son honneur de brasseur, ne sera pas le dernier, au cours de ces deux jours où la "mousse" va couler des tonneaux, à choquer sa pinte avec qui veut. Samedi 3 octobre, Taibeh, seul village entièrement chrétien de Palestine, a commencé sa "résistance pacifique à l'occupation" (israélienne) avec une stratégie conviviale, sa bière, et l'a achevée dimanche soir, vers 22 heures. Entre-temps, plus d'un millier de litres de Taibeh ont été bus, dans une ambiance qui tient de la Oktoberfest de Munich et de la kermesse festive et politique.

Bien sûr, souligne David Khoury, son maire (et propriétaire avec sa famille de la brasserie), Taibeh reste modeste : le petit village, qui a reçu quelque 9 000 visiteurs en deux jours, ne se compare pas avec la fête de la bière qui s'est achevée ce week-end dans la cité bavaroise. Et si, dans la soirée, quelques jeunes chrétiens et musulmans étaient un peu éméchés, personne n'a roulé à terre.

Ce fut une belle fête que cette 5e Oktoberfest de Taibeh, avec danses, musiques, produits de l'artisanat local, brochettes, falafels et shawarmas arrosés de bière Taibeh et de quelques apostrophes politiques bien senties pour rappeler que l'objectif reste de "libérer la Palestine". En ces temps où le peuple palestinien a le moral en berne, chrétiens et Palestiniens, venus de Jérusalem, Ramallah et autres lieux des Territoires occupés, se sont joyeusement mélangés.

C'est le 15 août 1995 que la première Taibeh a coulé dans la brasserie de la famille Khoury, seule bière produite en Palestine, du moins depuis très longtemps. Maria Khoury, épouse du maire, rappelle que, il y a bien plus de cinq mille ans, la bière était boisson courante au Proche-Orient : Meneket, déesse égyptienne de la bière, était vénérée, et Ramsès II était surnommé le "pharaon brasseur".

Plus tard, rappelle le Père Raed Abousahlia, curé de Taibeh, Jésus-Christ est passé à Ephraïm, ancien nom de Taibeh, mentionné à six reprises dans la Bible. La dernière fois, c'était avant la semaine de la Passion (Jean, chap. 11, vers. 54). Les Khoury sont natifs de Taibeh. Comme beaucoup de chrétiens, ils en sont partis parce que l'avenir du processus de paix israélo-palestinien était désespérant. Ils ont fait souche à Boston (Massachusetts), David et Nadim ayant monté un business florissant de vins et spiritueux.

Puis il y eut les accords d'Oslo, en 1993, un formidable espoir de paix pour les Palestiniens, vite déçu. Il n'empêche : les Khoury y croient. Ils liquident leurs affaires américaines, pour 1,2 million de dollars, qu'ils réinvestissent dans la "création d'une bière palestinienne". Avec d'autant plus d'enthousiasme que Yasser Arafat leur a donné "sa bénédiction" pour créer une brasserie à Taibeh, cet îlot de chrétienté en terre musulmane.

Nadim raconte son univers de brasseur : les cuves en Inox achetées aux Etats-Unis, les malts français et belges, l'acheminement vers les centres de distribution, ce parcours du combattant. Nadim tempête : "Après la construction du "Mur", c'est devenu impossible de vendre à Jérusalem (distante de 27 kilomètres). Les Israéliens nous obligent à passer par un seul check-point commercial. Cela prend plus de trois heures, et souvent il faut faire demi-tour. Les Israéliens, eux, distribuent leur bière partout, en passant par tous les check-points."

Les brasseurs israéliens, producteurs des bières Maccabee et Goldstar, ne sont pas mécontents de ces entraves au libre commerce. Nadim et David se rassurent : la Taibeh, produite à 600 000 litres par an, jouit d'un quasi-monopole à Ramallah. Sur l'estrade, les danseuses et danseurs palestiniens ont fait place à un ensemble musical brésilien, puis au groupe allemand Rascasse et aux Britanniques de Two Down.

Plus tard, alors que le soleil se couche sur les collines du désert de Judée et que les lumières de Ramallah scintillent au loin, les groupes hip-hop G-Town et Ramallah Underground vont faire jaillir les décibels de musique pop. Dans l'assistance, des jeunes dansent, alors que quelques (rares) Palestiniennes coiffées d'un foulard regardent, médusées. Les enfants se faufilent, évitant les pintes de bière en plastique, dont la mousse déborde.

Un peu plus tôt, il y a eu des discours. Les maires de quelques-uns des seize villages musulmans qui entourent Taibeh sont venus à l'Oktoberfest en voisins, et le ministre palestinien de l'économie, Bassim Khoury, a fulminé contre la confiscation des droits de douane palestiniens "qui servent à financer la colonisation" juive dans les territoires occupés.

Rafic Husseini, directeur de cabinet de Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne, a rappelé que "Jérusalem sera la capitale de notre nation". Les diplomates présents, avec ou non un verre de Taibeh à la main, ont fait preuve de réserve, tout en opinant lorsque le maire a souligné que la bière Taibeh avait pour ambition de "faire croître l'économie nationale de Palestine".
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6 octobre 2009 15:21
Les dignitaires religieux, eux, étaient partis plus tôt. Le Père Raed était un peu agacé par la place prépondérante prise par la bière dans l'Oktoberfest. Et d'énumérer les produits locaux vendus dans les stands : l'huile d'olive, le miel, les travaux de broderie... Surtout, il ne veut pas que Taibeh devienne le village "où les musulmans des villages voisins viennent boire, même s'ils boivent plus de bière que les chrétiens". Il rappelle que " l'Eglise latine emploie 86 personnes", contre 15 à la brasserie.

Ce sont là de petites agaceries entre le brasseur et le curé, qui ne remettent pas en cause la quiétude du village. Quiétude toute relative pourtant : la voiture de David Khoury, maire et brasseur en son pays, a été détruite par une explosion criminelle, lundi 28 septembre. Comme si tout le monde à Taibeh n'était pas convaincu par le slogan de la famille Khoury : "Drink cool, drink palestinian"...


Laurent Zecchini
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6 octobre 2009 15:25
"Drink cool, drink palestinian"...
 
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