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Les femmes aussi ont souffert des années de plomb
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22 mars 2006 18:01
[www.lematin.ma]

Les femmes aussi ont souffert des années de plomb

22.03.2006 | 14h05
L'IER leur fait une place à part dans ses recommendations

Comment les femmes ont été victimes de la violence au cours des années de plomb ? Etaient-elles victimes des mêmes violations que les hommes ? Quelles sont les conséquences sur leur vie ?
Les résultats des travaux et recommandations de l'Instance équité et réconciliation, concernant le genre, ont tenté de répondre à ces interrogations. Il s'agit d'une analyse qualitative et non quantitative, faite par des chercheurs anthropologues et sociologues auprès des femmes dans différentes régions du Maroc qui ont le plus souffert des violations.

On a recueilli leur témoignage. Le but n'était pas de compiler les chiffres. C'est une manière de contribuer à l'histoire contemporaine et de se poser des questions sur la réparation et la justice du point de vue du genre. On a essayé autant que faire se peut de dégager l'ampleur de l'injustice faite aux femmes.
Les femmes s'exprimaient en toute liberté, racontant leurs propres histoires émouvantes avant, pendant et après leurs amères expériences.

Il faut distinguer entre deux types de femmes : celles qui ont été liées avec des hommes ayant des conflits avec l'Etat et les femmes notamment des étudiantes qui aspiraient à un monde meilleur et qui militaient pour arriver à leurs fins. Ces dernières étaient engagées dans les mouvements de gauche. La plupart des femmes victimes de la violence de l'Etat vivaient dans le monde rural. La majorité était analphabète. Elles n'étaient pas au courant de l'activité des hommes qui les entouraient. Elles étaient torturées par la simple raison qu'elles étaient liées par le sang ou le mariage avec un homme considéré « ennemi» de l'Etat.

Selon Nadia Guessous, anthropologue, les expériences des femmes ne sont pas homogènes : «Une mère de famille à Imilchil n'a pas vécu la violence de la même manière qu'une étudiante à Rabat».
Mais, malgré la différence, on note des thèmes qui se répètent car il existe une certaine spécificité émanant du fait qu'elles étaient victimes en tant que femmes.

Toutes étaient on ne peut plus choquées par la violence exercée sur elles. «Même les femmes les plus engagées jouissant de la liberté ont été prises par la surprise». Comme les hommes, les femmes ont été kidnappées et interrogées. Hommes et femmes ont été égaux dans la torture. Toutes formes de violences ont été pratiquées sur ces dernières : asphyxie, coups, électrocution, pendaison… Certaines femmes ont été torturées devant leurs enfants. Ces derniers étaient même utilisés comme moyen de pression sur les femmes.

Toutes les mères emprisonnées ont été préoccupées du sort de leur progéniture. Etre enceinte ou être une nouvelle maman n'était nullement une raison pour échapper à la violence. En prison, les femmes vivaient un véritable cauchemar. Les conditions étaient inhumaines. La plupart couchaient à même le sol et utilisaient des couvertures crasseuses.

Elles ne bénéficiaient d'aucun moment privé. Elles souffraient de la malnutrition et de la faim. Elles ne pouvaient avoir, en effet, que du pain et de l'eau. «Elles n'avaient pas le droit de se parler entre elles, ne sachant pas où elles se trouvaient», explique Nadia Guessous.
Elles étaient humiliées. Des fois, elles étaient nues malgré la présence des hommes. On a enregistré plusieurs cas de viol par des gardiens, des infirmiers ou des soldats.

«L'Etat n'a rien fait pour protéger les femmes du viol. Les violeurs n'étaient pas punis. En plus des femmes violées, les autres femmes vivaient dans un climat de peur d'être violées», tient à signaler Nadia Guessous.

Une fois sortie de la prison, les femmes victimes de viol n'osaient pas parler de leur expérience. Elles étaient abandonnées par leurs familles et la société toute entière qui ne tolèrent pas les femmes violées. Les violations avaient des conséquences économiques et sociales sur la situation des victimes. Elles participaient à empirer la situation de pauvreté et de marginalisation.

Les femmes ont souffert de diminution des chances de mariage et de procréation ; chose facile pour les hommes même s'ils étaient détenus pendant longtemps. Certaines femmes ont été répudiées par leurs maris une fois ces derniers libérés.

La vie des femmes emprisonnées s'est complètement bouleversée. Vu tous les préjudices psychologiques et physiques, les femmes victimes de violation des droits de l'Homme dans les années de plomb méritent d'être dédommagées et honorées.

Un droit pénal à réviser
Les principales recommandations pour éviter la répétition des violations des droits de l'Homme soulignent la nécessité du renforcement de la dernière révision du droit pénal par une définition claire et précise de la violence à l'égard des femmes, se basant sur les normes internationales. Il faut également élever les sanctions dans le cas de la violence sous toutes ses formes : viol, harcèlement sexuel…

On doit organiser également une manifestation nationale pour honorer les femmes victimes des violences dans les années de plomb.

Driss Benzekri, président du Conseil consultatif des droits de l'Homme signale qu'il est essentiel d'ouvrir un débat pour activer les propositions fondamentales de l'IER. «Il faut élaborer des mécanismes de consultation pour faire évoluer les droits de la femme», estime Driss Benzekri.
Jihane Gattioui | LE MATIN
 
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