Emigrants: Rabat fustige l'égoïsme de l'Europe et le laxisme de l'Algérie MAROC - 12 octobre 2005 - AFP
Le Maroc, dont l'image a été ternie par les photos d'émigrants africains abandonnés dans l'indigence au milieu du désert, se défend en fustigeant l'égoïsme de l'Europe et le laxisme de l'Algérie qui l'obligent à faire le "sale boulot".
Le Maroc assume sa géographie, remplit ses obligations et contribue seul, sans toucher un Euro, à la lutte contre l'émigration clandestine", affirme le ministre délégué aux Affaires Etrangères, Taïeb Fassi Firhi."
"Mais n'oublions pas que ces émigrants arrivent chez nous à travers l'Algérie et que leur unique objectif est de gagner l'Europe: nous sommes une terre de rebond", ajoute-t-il agacé par les critiques dont son pays est la cible.
Les télévisions du monde entier ont montré des émigrants en pleurs, parfois menottés, conduits de force vers le desert à bord d'autobus, et les ONG ont dénoncé leur détresse, alors que la presse espagnole a parlé de "caravane de la honte" ou de "caravane de l'enfer".
Pour le journal marocain L'Economiste, "c'est la plus sale affaire que la diplomatie marocaine affronte: de quelque bout qu'elle soit prise, elle se retourne contre le pouvoir marocain, et aussi, plus généralement, contre le Maroc".
"Il va falloir se préparer à faire face à une nouvelle et terrible tempête sur l'image: les Marocains vont devenir des monstres inhumains aux yeux de nos voisins européens. Ce sera la partie la plus délicate à gérer", ajoute dans son éditorial de mardi le quotidien des milieux d'affaires.
Pour le ministre de l'Intérieur, les Européens feraient mieux de balayer devant leur porte. "Au lieu de nous faire la leçon, l'Europe doit assumer sa responsabilité et aider l'Afrique subsaharienne. Elle a une obligation morale. Elle doit faire preuve de générosité, de charité chrétienne", a lancé mardi soir aux journalistes M. Moustapha Sahel.
"Aborder la question d'un point de vue purement sécuritaire, c'est faire preuve de myopie. Il faut aider nos frères subsahariens, il faut un véritable plan Marshall pour cette partie de l'Afrique qui a connu les calamités naturelles et des guerres", a-t-il ajouté.
Selon lui, il y aurait environ 15.000 migrants clandestins africains au Maroc, notammment des Sénégalais, Maliens et Camerounais, alors que selon les statistiques officielles, il y a plus de 25.000 Africains vivant en situation régulière dans le royaume.
Il a précisé que 11.000 membres des forces de sécurité luttaient contre l'immigration clandestine pour un coût évalué entre 70 et 80 millions d'Euros. "C'est une très lourde charge". Selon lui, il y a eu plus de 26.000 interceptions depuis le début de l'année dont 20.000 subsahariens.
Même si elles reconnaissent quelques "erreurs d'aiguillage", notamment l'acheminement d'émigrants marocains vers la frontière mauritanienne à travers le Sahara occidental, les autorités marocaines campent sur leur position de reconduite des clandestins à la frontière avec l'Algérie, longue de 1.000 km.
Car pour elles, l'Algérie fait preuve d'un laxisme coupable. "Se considérant comme une simple voie de transit, (ce pays) ne voit aucun inconvénient à ce que le Maroc, véritable destinataire de ces flux, s'embourbe dans une situation humanitaire extrèmement difficile qui ruine son image", explique le quotidien Aujourd'hui le Maroc (independant).
"Ils viennent bien de quelque part. Du Sahel, ils doivent traverser toute l'Algérie pour gagner le Maroc. Les journalistes qui sont à Oujda (nord-est) devraient traverser la frontière pour enquêter (dans la ville algérienne) de Maghnia, où des milliers de subsahariens sont regroupés en attendant de traverser la frontière", a souligné M. Sahel.
"Il faut une politique de responsabilité partagée", ajoute-t-il. Mais en fait, les responsables de la sécurité ne se font guère d'illusions et estiment que leur voisin ne bougera pas le petit doigt alors que le contentieux est lourd entre les deux pays.
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