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Elus et juges confrontés aux mariages forcés
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20 novembre 2008 11:08
Le nombre de mariages forcés impliquant des jeunes filles françaises ou nées en France est-il en hausse ? Sans donner une idée précise de l'ampleur du phénomène, un guide de prévention des mariages forcés, présenté mercredi 19 novembre par la Mairie de Paris, fait état d'une "augmentation dans toutes les communautés".

Cette pratique, liée à des traditions culturelles ou religieuses prégnantes dans les familles originaires de Turquie, du Maghreb, d'Afrique noire et d'Asie, est difficilement chiffrable. Entre les "70 000 adolescentes concernées en France par le mariage forcé" - un chiffre maladroitement extrapolé par le haut-commissariat à l'intégration en 2003, qui correspondait en fait au nombre de jeunes filles de 15 à 18 ans originaires des pays où existe cette pratique -, et les quelques centaines de cas effectivement pris en charge par les associations spécialisées, nul ne se risque à une évaluation. Une seule étude statistique, menée en 2006 auprès de 1 600 jeunes filles vivant en Seine-Saint-Denis, indiquait que 40 s'étaient vu "proposer un fiancé" et que, parmi elles, 13 % avaient été contraintes au mariage.


PROBLÈME DE LA PRISE EN CHARGE

Une chose est sûre, depuis une dizaine d'années, le travail des associations et les mobilisations médiatiques lancées à partir d'établissements scolaires ont libéré la parole, ainsi que le souligne le sociologue Smaïn Laacher, auteur de Femmes invisibles (éd. Calmann-Lévy), la première étude sur les violences faites aux femmes issues de l'immigration. "Parallèlement aux violences conjugales, semblables à celles que l'on retrouve dans tous les milieux, le mariage forcé constitue la violence dominante dénoncée par ces jeunes filles", constate le chercheur, qui a eu accès aux centaines de témoignages recueillis par les associations Voix de femmes (VDF) et Ni putes ni soumises.

"L'évolution démographique entraîne une hausse automatique du nombre de jeunes filles potentiellement concernées vivant en France", estime par ailleurs Isabelle Gillette-Faye, directrice du Gams, (Groupe pour l'abolition des mutilations sexuelles féminines), qui accueille tous les ans quelque 200 jeunes filles touchées par cette pratique.

Au-delà de la prévention et de la dénonciation se pose de manière aiguë la question de la prise en charge des jeunes femmes. Sans lieu d'accueil adapté, ces jeunes filles, souvent fortement dépendantes de leurs parents au niveau économique, moral et affectif, échappent difficilement à l'emprise familiale. "Lorsque l'on est obligé de les installer à l'hôtel, elles craquent et retournent chez leurs parents", constate Christine Jama, responsable de VDF, qui, chaque année, prend en charge 250 femmes victimes de mariages forcés.

"Face aux violences conjugales, une femme peut se défaire de son mari par le divorce, souligne M. Laacher. Dans le cas d'un mariage forcé, il est difficile pour une jeune fille de se couper de sa famille, voire de sa communauté. D'ailleurs, lorsqu'elles refusent un mariage forcé, elles ne se battent pas contre leurs parents mais pour leur émancipation. Ce sont les manières de vivre imposées au nom de la "tradition" ou de la "religion" qui leur deviennent inacceptables." Pour beaucoup, cette dimension affective rend inadéquate une criminalisation de ces affaires. Cela explique aussi que les plaintes en justice soient rares. "Les conséquences des mariages forcés - viol, séquestration ou violences physiques - sont pénalisées. Aller au delà serait contre-productif ; les jeunes filles n'oseraient plus parler", estime Mme Jama.

Le guide publié par la Mairie de Paris rappelle que, en cas de doute, un élu ou un agent de l'état civil peut saisir le procureur et surseoir à la cérémonie. "Beaucoup d'élus nous font part de leur désarroi", assure Fatima Lalem, adjointe chargée de l'égalité à la Mairie de Paris. Le passage de ces couples à la mairie intervient souvent après un mariage dans le pays d'origine ou une célébration religieuse dans la famille ; cette cérémonie, sans statut officiel, vaut engagement aux yeux de la communauté et rend licites les relations sexuelles, ce qui provoque, en outre, des grossesses non désirées.

Stéphanie Le Bars
 
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