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Elections2007, l'intérieur fait la loi
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18 juin 2006 21:31
Par Karim Boukhari


Le schéma directeur des élections 2007 est fin prêt. Chakib Benmoussa a lourdement pesé et les partis ont accepté son modus operandi. Les règles de jeu favoriseront les grands partis, les alliances et les femmes. En attendant le découpage…


Entamées en mai denier, les rencontres tenues par le ministère de l'Intérieur avec les cinq partis de la majorité (Istiqlal, USFP, PPS, MP, RNI) sont passées à la vitesse supérieure avec deux rendez-vous cette semaine. Un troisième n'était toujours pas exclu en fin de semaine, au cas où des détails techniques restaient en suspens. Cette cadence
inhabituellement élevée indique clairement que, pour la classe politique, et plus encore pour le département de l'Intérieur, le temps presse. Le code électoral doit voir le jour, d'après la législation en vigueur (et la volonté royale maintes fois exprimée en public et en aparté), très exactement un an avant les élections. Trois étapes sont nécessaires au préalable : les amendements décidés d’un commun accord avec la majorité,(c'est l'étape en cours), doivent en effet être validés, successivement, par le conseil du gouvernement, celui des ministres (qui est présidé par le roi) et le Parlement. Et comme tout cela doit être bouclé à la rentrée 2006, on comprend mieux la nouvelle frénésie qui s'est emparée de Chakib Benmoussa, ministre de l'Intérieur, et de ses principaux collaborateurs.

En fait, les impératifs du calendrier électoral ne sont pas la seule source de stress pour Chakib Benmoussa et ses hommes, qui suivent, comme on le ferait pour du lait sur le feu, le développement de l'actualité liée… à Al Adl Wal Ihsane. Eh oui ! Le bras de fer engagé depuis quelques semaines entre l'Etat et la Jamaâ de Cheikh Yassine est bien LE sujet du moment. Un dirigeant de parti qui a eu affaire au ministre dans l'un de ses derniers rendez-vous avec la majorité confirme : “Les rencontres avec le ministre de l'Intérieur avaient plus à voir avec la conjoncture politique générale qu'avec les élections, sur lesquelles on est tous plus ou moins d'accord. M. Benmoussa utilisait un ton de reproche quand il nous expliquait que la classe politique devrait reprendre du poil de la bête pour ne pas laisser les gens de Salé occuper la scène (ndlr allusion à la Jamaâ de Cheikh Yassine dont le fief est à Salé)”. En d'autres termes, le message de l'Etat (aux partis), relayé par le ministre de l'Intérieur, peut être résumé dans ce qui suit : “Mettons-nous vite d'accord sur le code électoral, ce n'est pas le plus important. Et affrontons ensemble l'épouvantail Al Adl Wal Ihsane”.

10% pour les femmes
Le message semble avoir été reçu cinq sur cinq. Le RNI et plus encore le MP, n'ont pas hésité à oublier l'une de leurs principales revendications : le retour au scrutin uninominal dont la philosophie, pour résumer, consiste à voter pour le candidat et non pour son parti. Le débat sur cette question, qui a longtemps bloqué, est donc tranché : ce sera, comme en 2002, un scrutin de liste à la proportionnelle, plus favorable aux structures (les partis) aux dépens des individus (les candidats) et qui semble bouter dehors les fameux SAP (sans appartenance politique). Une résolution qui fait évidemment les affaires des partis issus du mouvement national (Istiqlal, USFP, PPS, PSU et toute la gauche non représentée au gouvernement), du PJD et surtout de l'Intérieur qui a milité pour cette issue. L'autre point qui restera inchangé par rapport aux consultations de 2002 est le quota réservé aux femmes : ce sera 10 %. Une liste nationale amènera 30 nouvelles femmes au Parlement, en plus de celles qui se feront élire en dehors de la liste. Le total des femmes ne devrait guère différer de celui de l'actuelle législation (35). Une perspective qui semble plaire à tous les interlocuteurs mais pas à la société civile. Un mouvement vient en effet de voir le jour, issu des principales ONG féministes du pays, pour demander “le tiers des instances élues aux femmes dans la perspective de la parité”. Ni l'Intérieur, ni encore moins les partis de la majorité ne semblent prêts à une telle concession. Mais le lobbying des féministes a au moins le mérite d'exister et, comme nous le dit non sans humour ce dirigeant de parti : “Peut-être qu'en 2012 le Maroc sera prêt pour la parité”…

Un minima de 5% pour les partis
Le changement attendu en 2007 viendra de deux points majeurs qui se rapportent tous les deux au pourcentage de voix obtenues par chaque parti. Ce pourcentage représente le minimum que devra obtenir un parti politique pour accéder au Parlement. En 2002, il était fixé à 3 %, il passera à 5 % en 2007. Les conséquences de cette majoration ne sont pas négligeables. Le nombre de partis représentés (21 en 2002) sera largement revu à la baisse puisque seuls les “grands” auront droit au chapitre, soit une dizaine tout au plus. En se basant sur les résultats de 2002, un parti aussi intéressant sur l'échiquier politique que le PSU, restera en dehors du Parlement puisqu'il n'aura pas atteint la barre des 5 %. Préjudiciable. Dans l'entourage de Chakib Benmoussa, on explique aisément que les 5% sont un moyen pour lutter contre l'atomisation des partis représentés au parlement. Ce qui est indiscutablement vrai. Le revers de la médaille, c'est que de larges sensibilités politiques (les néo-libéraux d'ADL ou de FC par exemple) devront passer à la trappe, à moins qu'ils n'envisagent des alliances stratégiques avec des partis plus “populaires”. Le PSD a déjà montré le chemin en intégrant les structures de l'USFP. Les Forces Citoyennes de Abderrahim Lahjouji pourraient en faire de même avec le PJD. Mais les autres ?

Avant de dégager un consensus pour les 5 %, il a même été question, à un moment, que ce seuil soit placé à 7 %, conformément aux vœux exprimés par plusieurs partis (Istiqlal, USFP, PJD) dont la base électorale semble la plus large. Même si elle n'a pas abouti, la manœuvre a fortement déplu à nombre de partis “ciblés” (ceux dont les scores devraient logiquement se situer entre les 5 et 7 %) et qui pouvaient être tentés d'intégrer, ou au moins de s'allier à l'un des partis qui composent le trio Istiqlal-USFP-PJD. C'est notamment le cas du PPS et du FFD que l'USFP n'a pas fini de lorgner.

En attendant le découpage électoral
En 2002 déjà, le scrutin de liste s'était décidé au “plus fort restant” (lire encadré). En 2007, c'est la formule de “la plus forte moyenne qui l'emportera”. Un pas de plus vers la consolidation des grands partis. Reste à régler un dernier détail qui ne fait pas l'unanimité : l'application de la plus forte moyenne se fera, conformément au vœu de l'Intérieur, sur le plan local, celui de la circonscription, et non pas à l'échelle nationale. L'Istiqlal et l'USFP ont longtemps buté sur ce détail, préférant se reposer sur les moyennes nationales, contrairement aux autres partis, PPS en tête. Au-delà des calculs personnels des uns et des autres, le ministère de l'Intérieur a opté pour ces choix pour une raison que l'on pourrait taxer de “supra-électoraliste” : un scrutin de liste à la proportionnelle avec une plus forte moyenne locale a toutes les chances d'être dépouillé très vite, contrairement aux autres formules qui pourraient retarder la proclamation des résultats. Et le royaume, en l'occurrence, semble avoir retenu les leçons de 2002 où le retard des résultats avait porté un coup à la transparence des consultations.

Le département de l'Intérieur se donne encore quelques jours avant d'officialiser toutes ces résolutions. Malgré les timides protestations de quelques partis (PJD) qui n'ont pas été mêlés aux consultations, la messe semble avoir été dite. “Les mécontents n'ont qu'à essayer d'amender le code électoral quand il atterrira au Parlement”, explique-t-on encore du côté de l'Intérieur. Sans doute que le plus important aura lieu à la rentrée avec le découpage électoral. Si on sait aujourd'hui que les élus qui peupleront le Parlement seront au nombre de 325, si l'on sait tout du quota des femmes et du mode de scrutin, on ignore en revanche de quoi seront faites les circonscriptions et les provinces. C'est pourtant, pour reprendre l'expression d'un observateur, “là que ça se passe”. Le découpage territorial, qui est le fait de l'administration et qui intervient dans les suites du code électoral, dessinera les profils des partis vainqueurs des prochaines élections. C'est là que l'on sondera réellement les intentions de l'Etat non seulement par rapport à la consolidation des grands partis mais surtout par rapport à l'émergence d'une force politique comme le PJD.





Scrutin de liste. Pour les grands partis


Le scrutin de liste à la plus forte moyenne signifie, en résumé, que les candidats en ballottage seront départagés selon les pourcentages de voix obtenus par leurs partis respectifs. Même avec un nombre de voix supérieur en valeur absolue, un candidat ne sera pas élu si son parti n'atteint pas la barre des 5 % ou si sa moyenne est inférieure au parti concurrent. Ce mode, qui sera retenu pour la première fois au Maroc, favorisera à coup sûr les partis de l'actuelle coalition gouvernementale (Istiqlal et USFP, à un degré moindre RNI et MP), et a fortiori si les circonscriptions dessinées (il faudra attendre le découpage électoral pour cela) sont larges. Par comparaison, en 2002, le système retenu était celui du “plus fort restant”. Cela signifie que les candidats étaient départagés par un coefficient électoral calculé à partir des nombres de voix qu'ils ont obtenues, et non pas en fonction des pourcentages de leurs partis. Plus respectueux de la volonté populaire, ce système laissait la voie libre aux petits partis.






Législatives 2002. Il était une fois l'alternance


Il a fallu attendre les consultations de 2002 pour voir le royaume adopter, pour la première fois, un scrutin de liste. Une révolution qui a freiné l'élan des SAP (candidats sans appartenance politique) et diminué l'influence des potentats locaux, habituels vainqueurs des scrutins uninominaux. Mais à qui devait-on ce changement : au Palais, comme on peut légitimement le penser, ou au gouvernement de l'Alternance qui sévissait encore en 2002 ? Sans doute aux deux. Le Palais a ouvert (mais pas trop) les portes aux institutions politiques mais il a opté pour le système du “plus fort restant” et d'un faible minima de 3 %, de façon à permettre l'émergence d'une constellation de partis moyens. “C'était malgré tout une concession, se souvient un ancien ministre de l'Alternance. Car c'est bien le gouvernement Youssoufi, soutenu par la Koutla, qui a obtenu (du Palais) ce scrutin de liste aussi relatif soit-il”. Il y a un point, toutefois, sur lequel aucun gouvernement n'a jamais pu agir : le découpage électoral. Décidé par l'administration, il peut verrouiller toutes les portes “ouvertes” par un scrutin de liste.



Tel Quel n° 229
l
19 juin 2006 00:20
L'intérieur ne fait pas la loi, il fait peur..



Modifié 1 fois. Dernière modification le 19/06/06 00:35 par le citoyen.
 
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