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Divisés, les musulmans de Suisse restent discrets
S
6 novembre 2009 13:04
Le 29 novembre, les citoyens helvétiques devront se prononcer sur l’acceptation ou non de minarets dans leur pays. Face à la campagne agressive du parti de la droite populiste UDC, les musulmans, très divisés, choisissent le silence

Située dans un passage calme du centre-ville, la mosquée de Lausanne se fond dans l’architecture des bâtiments voisins. Dans le quartier, personne ne semble connaître l’adresse. À la sortie, plusieurs fidèles se disent blessés par l’initiative populaire visant à interdire les minarets, qui sera votée par référendum le 29 novembre. Tous préfèrent ignorer les affiches du parti conservateur UDC (Union démocratique du centre), représentant une femme en burqa au regard noir et sept minarets transperçant le drapeau suisse, tels des missiles.

« Je pense que les partisans de l’UDC ont peur de l’islam, témoigne Chahid Chakib, d’origine marocaine. Jamais ils n’auraient osé caricaturer ainsi d’autres religions, mais avec les musulmans tout est permis. » Dans un haussement d’épaules, le directeur de la mosquée, Mohammed Kaba, ajoute : « Ici, nous avons 25 nationalités différentes, avec une minorité d’Arabes. Mais dans la tête de l’UDC, islam = Arabe = terroriste. C’est un faux débat, la Suisse ne sera jamais conquise ! »

Un rapport moins identitaire à l'islam
La Suisse compterait plus de 350 000 musulmans, essentiellement sunnites, sur 7,5 millions d’habitants, ce qui fait de l’islam la troisième confession du pays, derrière les catholiques et les protestants. Son introduction est récente et intimement liée aux vagues d’immigration successives : d’abord dans les années 1960 et 1970, avec l’arrivée d’une main-d’œuvre turque et, plus tard, yougoslave. Puis, dans les années 1990, lorsque la Suisse a accueilli des réfugiés de Bosnie et du Kosovo. Et, dans une moindre mesure, des réfugiés d’origine maghrébine et d’Afrique subsaharienne.

Les Turcs représenteraient ainsi 20 % des musulmans de Suisse, et les ex-Yougoslaves 60 %. D’où une grande hétérogénéité, et des pratiques de l’islam très différentes. « Contrairement à la France, les musulmans arabes sont une minorité en Suisse, précise Mallory Schneuwly Purdie (1), cofondatrice du Groupe de recherche sur l’islam en Suisse (Gris).

De ce fait, ici, la majorité des musulmans ont un rapport différent à l’islam, moins identitaire, lié à l’histoire politique de leurs pays d’origine. La Turquie kémaliste a instauré la notion de laïcité. Tandis que sous Tito, les populations balkaniques ont été habituées à pratiquer leur religion dans la sphère privée. »

L'islam fait l'objet de débats virulents
En 2005, une étude mandatée par la Confédération helvétique sur les musulmans du pays montre que leur intégration est globalement positive en termes de droits individuels, qu’ils reconnaissent la séparation entre État et religion et que « seule une petite minorité (…) peut être qualifiée de strictement pratiquante ». En revanche, en termes de droits collectifs, les procédures de naturalisation étant longues, seuls 15% d’entre eux possèdent le fameux passeport à croix blanche. Et donc le droit de vote.

Fortement divisés du fait de leurs origines multiples, les musulmans de Suisse commencent toutefois à s’organiser sous forme d’associations. Mais, face à un débat comme celui sur les minarets, ils ne possèdent aucune stratégie de communication. « Le danger est qu’en ne disant pas ce qu’ils pensent, ils peuvent laisser croire qu’ils ne condamnent pas les actions violentes commises au nom de l’islam », analyse Mallory Schneuwly Purdie.

D’autant que depuis quelques années, notamment en raison des attentats du 11 septembre 2001, l’islam fait l’objet de débats virulents dans les différents cantons. En 2004, la campagne de l’UDC contre les naturalisations facilitées montrait du doigt le nombre grandissant de musulmans vivant en Suisse. Plus récemment, les questions de la mixité à la piscine ou de la formation des imams ont fait couler beaucoup d’encre.

Quatre mosquées suisses possèdent un minaret
« Ces problèmes sont minimes, assure pourtant Mallory Schneuwly Purdie. On ne va pas faire de l’angélisme en disant que la radicalisation de l’islam n’existe pas en Suisse, mais il me semble qu’aujourd’hui, le débat doit surtout porter sur la place que les Suisses veulent bien accorder aux musulmans. »

Même tonalité du côté des évêques catholiques du pays, pour qui « l’interdiction générale de construire des minarets fragiliserait les efforts nécessaires pour établir une attitude d’accueil réciproque dans le dialogue et le respect mutuel ». Quant aux minarets, objets de la question, pour l’instant, seules quatre mosquées en Suisse en possèdent un, et aucun d’eux ne sert pour l’appel à la prière ni ne dépasse les immeubles qui l’entourent.

Laure de GONNEVILLE (à Lausanne, Suisse)
 
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